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L’Essor N° 17538 du 18/10/2013

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Décentralisation : une quête permanente
Publié le lundi 21 octobre 2013  |  L’Essor




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Depuis l’indépendance, les différents régimes qui se sont succédé ont tenté de trouver un modèle d’administration du territoire adapté au contexte politique et social

Les Etats généraux de la décentralisation qui s’ouvrent aujourd’hui marqueront certainement une nouvelle phase décisive dans le processus de réorganisation administrative en cours depuis des décennies dans notre pays. Un processus appelé à être constamment amélioré. La nécessité de cette amélioration a été douloureusement soulignée par la crise du Nord qui a failli détruire l’édifice national.

Ces assises nationales offrent l’occasion de revisiter le long processus de la décentralisation qui s’était accéléré dans les années 90 pour donner corps à l’architecture administrative actuelle. En effet, si la réforme de l’administration du territoire est une quête permanente, l’édifice institutionnel de la décentralisation avait véritablement pris forme avec les élections communales de mai et juin 1999 et s’était théoriquement « parachevé » en 2002 avec l’installation du Haut conseil des collectivités territoriales.

Il s’agissait là sans doute de l’une des reformes les plus ambitieuses jamais engagés par le Mali indépendant. Et il fallait y croire profondément. En effet, à la différence de bien d’autres pays, la décentralisation au Mali est la manifestation d’un engagement moral souscrit par l’ensemble de la classe politique et de la société civile lors de la Conférence nationale de 1992. La volonté politique a fait le reste.

De la Première à la Troisième République, la libre administration des collectivités territoriales a été une proclamation réitérée par le constituant malien. Depuis l’indépendance, les différents régimes qui se sont succédé ont œuvré à la recherche d’un modèle de décentralisation adapté aux réalités socioculturelles du pays. Diverses formules ont été initiées et certaines testées. Toutes recherchaient à des degrés divers, l’adaptation de l’administration au contexte politique et social.

Même le colonisateur français avait pris quelques initiatives timides en matière de décentralisation administrative dès 1918 en érigeant Kayes et Bamako en communes mixtes de premier degré. Suivront Mopti en 1953, puis Sikasso en 1954. Des lois relatives à la réorganisation municipale en Afrique noire et à Madagascar votées en 1955 transformèrent ces premières communes en communes de plein exercice, sauf celle de Sikasso qui le deviendra seulement en 1959. En 1958, huit nouvelles communes de moyen exercice furent crées : Kita, Kati, Koulikoro, Koutiala, Nioro, San, Tombouctou et Gao.

Mais ces premières collectivités territoriales représentaient plutôt des espaces administratifs locaux sans réels transferts de pouvoirs et de ressources et sans que les populations vivent ces créations comme l’occasion d’une participation forte aux processus de prise de décision.



UNE IMPULSION DECISIVE. A son accession à l’indépendance le 22 septembre 1960, le pays comptait 13 communes dont 5 de plein exercice et 8 de moyen exercice. L’article 41 de la Constitution du 22 septembre 1960 précisait : « Les collectivités territoriales sont les régions, cercles, arrondissements, les tribus nomades, les villages, communes et les fractions nomades. Ces collectivités s’administrent librement par les conseils élus ».

Malgré cette volonté déclarée des pouvoirs publics de l’époque de promouvoir la décentralisation territoriale, il a fallu attendre six ans pour voir intervenir la première mesure législative dans le domaine : la loi du 2 mars 1966 portant sur la municipalité unifiée et le même régime juridique des communes. Elles sont toutes devenues des communes de plein exercice.

Après le coup d’Etat militaire du 19 novembre 1968, les conseils municipaux existants sont dissous et remplacés par des délégations spéciales nommées par décret. Ce mouvement de décentralisation s’est poursuivi jusqu’en 1977 par une reforme marqués par la mise en place d’organes de participation et de déconcentration de l’administration d’Etat en direction des circonscriptions administratives (région, cercle, arrondissement).

Si la décentralisation est donc une longue quête dans notre pays, elle recevra une impulsion décisive grâce à deux événements majeurs : la rébellion au nord déclenchée en 1990 et la Révolution du 26 Mars 1991.

L’un des points centraux du Pacte national signé en 1992 entre les autorités et les représentants des mouvements de la rébellion était la « libre administration » des trois régions du nord du pays (Tombouctou, Gao et Kidal). A travers cet accord, la décentralisation était apparue comme un facteur de sauvegarde de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale du pays.

Mais le cadre solennel d’adoption de l’option majeure qu’est la décentralisation a été la Conférence nationale qui a réuni à Bamako du 29 juillet au 12 août 1991, l’ensemble des forces vives de la Nation. Ces assises avaient en effet recommandé de « lever toutes les entraves à une décentralisation effective » du pays.

La Constitution du 25 février 1992 qui fonde la IIIème République a suivi cette recommandation et consacré le principe de la décentralisation en stipulant que « les collectivités territoriales sont créées et administrés dans les conditions définies par la loi » et qu’elles « s’administrent librement par des conseils élus ». La dynamique était ainsi lancée. A partir de 1992, la décentralisation se concrétisera par une série d’évolutions majeures sur les plans juridique, administratif, institutionnel, politique et socio-économique.

761 COLLECTIVITES. D’abord au plan juridique. Là, un arsenal de textes législatifs et réglementaires (une vingtaine de lois et décrets) a été élaboré et adopté modifiant considérablement le paysage socio-administratif et institutionnel du pays.

Au niveau administratif, l’organisation territoriale du pays a subi une profonde mutation avec l’adoption en 1997 de la loi fixant les conditions de la libre administration des collectivités territoriales. Les arrondissements ont disparu. Les communes constituées de villages et fractions en milieu rural, de quartiers en milieu urbain, ont vu le jour. Les cercles et les régions précédemment circonscriptions administratives ont été érigés en collectivités territoriales de mêmes noms. Aujourd’hui, le pays compte 761 collectivités dont 703 communes, 49 cercles, 8 régions et une collectivité au statut particulier : le District de Bamako.

Tout le processus avait été piloté par la Mission de décentralisation et des reformes institutionnelles (MDRI) dirigée par Ousmane Sy qui sera nommé plus tard ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales.

Pourquoi une Mission de décentralisation ? Parce que les gouvernants d’alors avaient décidé de sortir de l’indécision et de l’immobilisme qui avaient prévalu en matière de décentralisation depuis 1960. Pour marquer cette volonté politique, il fallait innover. La volonté d’innovation s’est traduite par la création d’une administration de mission avec un objectif précis, une durée limitée dans le temps, une autonomie d’initiative d’action.

Au lieu donc d’un ministère ou d’un secrétariat d’Etat, ou encore d’une direction nationale de la décentralisation, le gouvernement par un décret de janvier 1993 a préféré une équipe légère et pluridisciplinaire de 5 membres dénommée « Mission de décentralisation » qui deviendra plus tard « Mission de décentralisation et des Reformes institutionnelles ».

La MDRI dont le mandat s’est achevé en 2000, avait pour tâche de concevoir et de préparer la mise en œuvre de la décentralisation. Cette cheville ouvrière du processus a donc mené des études de base, initié l’arsenal juridique et travaillé à la mobilisation et à l’implication des différents acteurs (services techniques étatiques, organisation de la société civile, leaders communautaires et partenaires techniques et financiers).

Le relais de la MDRI sera assuré par différentes structures dont la Direction nationale des collectivités territoriales (DNCT) et l’Agence nationale d’investissements des collectivités locales (ANICT).

La DNCT a pour mandat de poursuivre la réflexion sur le processus, de renforcer les capacités d’intervention des collectivités, de promouvoir et d’assurer le suivi de la décentralisation. Quant à l’ANICT, elle est responsable de la gestion des fonds d’investissements des collectivités territoriales.

Il y a aussi le Commissariat au développement institutionnel (CDI) dont les missions consistent à élaborer les éléments de la politique nationale de modernisation de l’Etat, et à assurer la coordination et le contrôle de la mise en œuvre. A cet effet, il a élaboré un Programme de développement institutionnel (PDI).

UN CONTEXTE NOUVEAU. Pour revenir au processus, il faut rappeler que cinq élections ont eu lieu depuis le démarrage de la reforme : en 1992 pour les 19 communes urbaines uniquement, en 1998 et 1999 pour l’ensemble des collectivités territoriales, puis en 2004 et en 2009. Le scrutin de 2004 a permis d’harmoniser les mandats des anciens et nouveaux organes. Celui de 2009 a confirmé que le processus est véritablement bien ancré. Désormais, pas moins de 10 752 élus, de diverses sensibilités politiques et sociologiques ont la responsabilité de gérer les affaires locales.

Mais bien que la décentralisation ait été une réussite au plan institutionnel, et que de nombreuses réalisations socio-économiques sont faites dans les collectivités, le processus rencontre pas mal de difficultés.

D’abord parce que le dispositif juridique présente des insuffisances dans certains domaines. C’est ainsi que le code des collectivités territoriales recèle des lacunes touchant à la définition des attributions, à l’exercice de la tutelle et à la mise en cohérence des interventions des trois niveaux de collectivités.

Il y a aussi le statut particulier du district de Bamako : la multitude des pôles de décision (six communes) entrave la prise et l’exécution de décisions importantes pour la gestion de la capitale (rôles non clarifiés, faible prise en charge des questions de sécurité et d’assainissement).

La réorganisation territoriale a révélé de nombreuses difficultés et contestations de la part de certains villages ou fractions, des élus et même des autorités coutumières. Ces « contestataires » mettent en cause leur rattachement à leurs communes d’origine ou revendiquent leur érection pure et simple en communes autonomes et souvent le transfert du siège de la commune. Ces villages « flottants » existent encore.

Le processus de transfert des compétences et de ressources bute sur des contraintes, notamment le non respect du principe de la concomitance du transfert des compétences et de ressources (dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’hydraulique).

Quant aux ressources financières propres des collectivités territoriales, elles sont faiblement mobilisées. En effet, malgré l’existence d’une multitude de ressources (potentielles dans bien des cas), le niveau de mobilisation de celles-ci par les collectivités reste très bas. Au point que la presque totalité des collectivités souffrent d’une crise trésorerie permanente. L’uniformité des principales sources de revenus traduit une faiblesse de la prise en compte du potentiel fiscal, aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain.

L’on notera aussi un déficit de coordination et de mise en cohérence des actions de développement. Ce qui se traduit par une absence de synergies entre les programmes de développement des collectivités et des départements sectoriels, un manque de rationalisation des actions de formation avec pour conséquence un gaspillage de ressources sans garantie aucune de la qualité des prestations et des prestataires, la faible synergie entre les instruments financiers et les techniques d’accompagnement des collectivités territoriales.

Les assises qui s’ouvrent aujourd’hui sont l’occasion de faire le diagnostic de toutes ces insuffisances et d’y proposer des réponses appropriées dans le contexte nouveau créé par la profonde crise que le pays vient de traverser.


S. TOGOLA

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