Le lièvre voulut coûte que coûte étendre sa domination sur toute l’étendue de la brousse. Armé de courage, il alla consulter les anges afin d’obtenir les faveurs de Dieu pour arriver à ses fins c’est-à-dire devenir la bête la plus intelligente parmi ses semblables. Les anges acceptèrent de lui prêter main forte. Rassuré de l’aide des anges, Zozaniba le lièvre leur déclara:
- » Allez demander à Dieu de ma part de m’aider à être le plus intelligent de tous. Tout le monde se moque de moi à longueur de jour. Mes larges oreilles sont devenues la cible de leurs multiples provocations et attaques. Qu’ai-je fait pour mériter un tel sort ? Quand je serai le plus intelligent la brousse m’appartiendra. Je régnerai en grand maître. Tous les animaux sauvages m’obéiront, se courberont sur mon passage et à mes ordres. Ils apprendront à me respecter. Le monde n’appartient-il pas aux plus intelligents de nos jours ? « .
Sur ce, les anges s’en allèrent et revinrent plus tard.
- Mon ami, déclara le plus âgé des anges. Dieu le Tout Puissant a donné son accord à une condition. Tu dois lui ramener trois gourdes remplies de choses difficiles à avoir dans la brousse.
- Lesquelles ? demanda le lièvre.
- Tu dois remplir la première de mouches, la deuxième d’abeilles et la troisième de lait frais d’une lionne. C’est une mission très difficile qui te rendra le plus intelligent de tous les animaux de la brousse.
Plus alerte que jamais, Zozaniba le lièvre s’enfonça dans la forêt. Il commença une longue course à la recherche de ce que Dieu lui avait demandé. En cours de route, il tomba sur un grand champ de gourdes. Il en choisit trois, les tailla afin de leur confectionner des couvercles. Reliées par une corde, Zozaniba transporta les trois gourdes sur son dos au cœur de la brousse. Il se livra à une observation minutieuse de la nature. Plus rien n’échappait à sa vigilance. Soudain, un bourdonnement attira son attention. Il se précipita si bien qu’au bout du chemin il finit par tomber nez à nez sur le cadavre d’un animal au-dessus duquel pullulaient dans le plus grand désordre un nombre incalculable de mouches.
Le lièvre s’arrêta et dit :
- Bon appétit mes amies. Quelle incroyable journée et quel festin. Aujourd’hui plus que jamais vous allez vous régaler. Malheureusement que je ne suis pas carnivore, sinon je ferai comme vous. Profitez de la vie pendant que vous y êtes.
Très enchantées par les phrases lâchées par le lièvre, les mouches survolaient de droite à gauche. Le lièvre s’installa non loin sur une grosse pierre. Subitement il posa une gourde devant lui et se lança dans un monologue:
- Abafa – Atafa… Abafa – Atafa… Abafa – Atafa… Ils peuvent la remplir… Non, ils ne peuvent pas la remplir.
- Abafa – Atafa… Abafa – Atafa… Abafa – Atafa… Ils peuvent la remplir… Non, ils ne peuvent pas la remplir.
Curieuses de savoir ce que Zozaniba disait, les mouches vinrent tourner autour de lui et demandèrent :
- Que t’arrives-tu Zozaniba ? Tu parles tout seul maintenant?
- Non. Eh bien je me demandais justement si vous étiez assez nombreuses pour remplir cette gourde que voici.
- Nous allons voir ce que nous allons voir.
Et Vr r r r r r r r… en un clin d’œil les mouche se soulevèrent et remplissent la gourde que le lièvre se hâta de fermer et continua sa route satisfait de sa réussite. Un peu fatigué, Zozaniba décide de se reposer sous un grand Kapokier. Entre deux branches de cet arbre, il vit une ruche sur laquelle voltigeaient et bourdonnaient un essaim d’abeilles. Il n’en crut pas les yeux. Il se dressa sur ses pattes et leur lança :
- Je vous salue respectables abeilles. J’admire beaucoup votre solidarité. Au-delà j’apprécie énormément le bon miel que vous seules savez si bien fabriquer. Sans vous, mon petit déjeuner serait fade. Vous avez tous mes respects.
Aussitô, Zozaniba s’installa confortablement à même le sol et commença de nouveau son fameux monologue :
- Abafa – Atafa… Abafa – Atafa… Abafa – Atafa… Ils peuvent la remplir… Non, ils ne peuvent pas la remplir.
- Abafa – Atafa… Abafa – Atafa… Abafa – Atafa… Ils peuvent la remplir… Non, ils ne peuvent pas la remplir.
- Hé grand frère Zozaniba, que dis-tu ? C’est à nous que tu parles ?
- Je suis curieux de savoir si vous êtes assez nombreux pour remplir cette gourde.
Comme une trainée de poudre, les abeilles s’engouffrèrent dans la gourde et la remplissent. D’un coup sec Zozaniba referma le récipient et l’emporta en se frayant le chemin.
Il partit en direction de la mare où il trouva une lionne et son lionceau en train de s’abreuver. Surpris, il s’arrêta et sortit un petit tambour qu’il avait gardé dans son sac. Il se mit à frapper dessus en chantant.
- Abafa – Atafa… Abafa – Atafa… Abafa – Atafa… Ils peuvent la remplir… Non, ils ne peuvent pas la remplir.
- Abafa – Atafa… Abafa – Atafa… Abafa – Atafa… Ils peuvent la remplir… Non, ils ne peuvent pas la remplir.
Entrainés par cette musique, la lionne et le lionceau s’avancèrent vers le lièvre.
- Que se passe-t-il, demanda la lionne.
- Je viens de rencontrer la vieille hyène qui me disait que vous n’avez pas assez de lait pour votre petit. Moi je lui ai répondu que non seulement vous arrivez à rassasier votre petit, mais aussi que vous avez tellement de lait que vous parviendrez à remplir ma gourde.
- Tu as raison. Viens tirer sur mes mamelles.
Aussitôt dit, le lièvre remplit sa gourde du lait de la lionne, la remercia et se dépêcha de disparaitre dans la brousse.
Zozaniba alla retrouver les anges, leur remit les trois gourdes remplies des denrées rares qu’avait demandées le bon Dieu. A leur retour les anges déclarèrent :
- Notre ami, le Seigneur pense que la mission que tu viens de réaliser avec réussite n’est pas à la portée de tout le monde. Tu as une intelligence supérieure à la normale. Contente-toi de ce que tu as et ne cherche pas trop à surpasser ce que tu as. Tu te perdras car même le plus intelligent a des limites. Nul ne peut égaler Dieu.
Jusqu’à nos jours, Zozaniba le lièvre est resté le plus intelligent. Il continue à jouer de nombreux vilains tours aux autres animaux de la brousse.