En approfondissant la réforme et en l’adaptant aux enjeux, on peut faire de la décentralisation une option essentielle pour la résolution de la crise au Nord
Les Etats généraux de la décentralisation sont sans doute l’activité la plus importante que les nouvelles autorités organisent depuis le début du quinquennat. C’est aujourd’hui qu’elles s’ouvrent et l’honneur reviendra au CICB qui a abrité bien des événements majeurs de notre proche histoire d’accueillir cet important rassemblement d’environ 600 participants. Deux jours durant, l’on ne parlera là-bas que de décentralisation, une option qui tarde malheureusement à remplir toutes ses promesses et que les récents soubresauts dans le Septentrion ont souligné la nécessité de revisiter. Mais au-delà des réponses qu’elle est sensée donner aux questions de développement à la base, la décentralisation pourra-t-elle être la solution à la crise du Nord ? De toute évidence, les organisateurs semblent en être convaincus. Reste à trouver les modes d’application les mieux adaptés.
Effleurée par les autorités des deux premières Républiques, la décentralisation revêtira sous la IIIème République un aspect plus profond qui s’attache aux idéaux de paix, de démocratie et de développement dont était porteuse la Révolution de mars 1991. La mise en œuvre de cette réforme majeure, amorcée en 1993, est devenue effective en 1999 avec la mise en place de 761 collectivités territoriales sur toute l’étendue de notre pays. Au niveau stratégique, la décentralisation a été, ces dernières années, l’objet de nombreuses concertations et réflexions.
La plus récente est le «Forum national sur la décentralisation au Mali : bilan et perspectives». Organisé en juin 2011, ce forum s’était appuyé sur une «étude sur le bilan et les perspectives de la décentralisation au Mali ». Les actes de ce forum dégagent des recommandations détaillées sur des questions essentielles comme la gouvernance locale, la problématique de la mobilisation, de la gestion et du contrôle des ressources financières des collectivités territoriales, le transfert de compétences et de ressources de l’Etat aux collectivités territoriales ou encore le développement des capacités de ces collectivités.
Après plus de 10 ans de mise en œuvre, les techniciens notent que le processus de décentralisation a enregistré des acquis importants, notamment dans les domaines de la fourniture des services de base (éducation, santé, eau potable, équipements marchands). Mais des difficultés de natures diverses persistent encore.
DES RÉPONSES CONCRÈTES - La politique de décentralisation, comme l’ensemble des réformes en cours, a été affectée par la crise qu’a traversée le Mali, bien que l’échec partiel du processus ne peut être totalement imputée à la crise. Cette dernière remet cependant en débat la pertinence et les choix du processus de décentralisation en cours, justifie Adama Cissouma, directeur national des Collectivités. Malgré les insuffisances relevées, poursuit-il, la décentralisation apparait toujours comme une option essentielle pour contribuer à la résolution de la crise au Nord du Mali, notamment, à condition que la réforme soit approfondie et adaptée aux enjeux.
Selon les organisateurs, les Etats généraux devront proposer des orientations permettant de faire évoluer l’organisation institutionnelle de l’Etat et de la gouvernance afin d’être en mesure de gérer les diversités humaines et territoriales qui caractérisent le Mali. Cela devra se traduire par des réponses aux principaux défis de la réforme, notamment le financement des projets des collectivités territoriales, les pouvoirs des élus régionaux, locaux et communaux, les transferts de compétences, la réorganisation territoriale, les rôles et prérogatives des représentants de l’Etat ou des autorités traditionnelles dans la gestion publique.
Les Etats généraux serviront ainsi à faire la revue des orientations et des modalités de mise en œuvre du processus de décentralisation à court, moyen et long termes en se basant sur les acquis et en tenant compte des lacunes et des défis mis en évidence par la crise institutionnelle et sécuritaire que vient de traverser notre pays.
Le directeur national des Collectivités pense qu’il est possible d’améliorer la gouvernance par l’approfondissement du processus de décentralisation pour un développement équilibré du territoire national. Pour arriver à cet objectif crucial, il attend des travaux un mécanisme qui dégagerait des orientations claires sur lesquelles l’Etat peut s’engager pour conduire l’approfondissement de la politique de décentralisation au Mali.
A. M. CISSE
UN PROGRAMME DENSE…
Les états généraux de la décentralisation alterneront les travaux en plénière et en groupes. Au premier jour, le menu prévoit en « apéritif » une présentation introductive en plénière. Mais le plat de résistance sera la restitution d’un rapport dressant l’état des lieux de la décentralisation dans notre pays. L’objectif de cette étape, explique-t-on du côté du ministère de l’Administration territoriale, est de mettre tous les participants au même niveau d’information quant aux avancées de la décentralisation, aux difficultés rencontrées et aux orientations actuelles.
Cette présentation sera soutenue par des témoignages d’institutions internationales. Il s’agit notamment de Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA), de Cités unies de France et de la Fédération canadienne des municipalités, qui donneront leurs visions et approches de la décentralisation et de la gouvernance territoriale, illustrées par des exemples d’autres pays.
Au cours des travaux, des groupes de travail auront pour mission d’approfondir les analyses et les propositions. Sur la base du bilan et des analyses transversales, les participants seront répartis entre ces groupes de travail. Les organisateurs expliquent que le travail se fera selon « deux entrées » : trois groupes travailleront selon une entrée liée aux enjeux de la décentralisation tandis que sept autres groupes plancheront sur des thématiques stratégiques en rapport avec l’approfondissement du processus de décentralisation.
Les groupes travaillant sur les enjeux auront pour tâche d’identifier les évolutions nécessaires au niveau de la décentralisation pour permettre aux collectivités territoriales d’avoir un impact positif et significatif.
Les groupes en charge de la stratégie, de leur côté, devront proposer des objectifs pour chacun des thèmes ciblés ainsi que les modalités opérationnelles pour les atteindre. Les travaux de ces groupes seront introduits par des présentations suivies de témoignages.
Sur la base de ces éléments, les débats seront conduits et des recommandations précises et opérationnelles devront être dégagées par chaque groupe de travail.
Le clou des assises sera la synthèse des travaux en plénière. Ici les résultats des travaux de groupes seront présentés en plénière par un rapporteur. Une équipe sera chargée de produire le rapport général des états généraux de la décentralisation qui sera validé en plénière.
A. M. C
…ET UNE PARTICIPATION INCLUSIVE
Environ 600 personnes sont attendues aux assises. Les participants viennent de divers horizons et structures. Les institutions de la République seront représentées par 95 personnes. Les délégués de l’administration déconcentrée sont au nombre de 100 tandis que 165 élus locaux sont attendus. 30 agents des collectivités territoriales répartis entre les différentes régions participeront aux assises. La société civile sera fortement représentée avec 60 délégués dont 7 pour chacune des régions du Nord. Tout comme les autorités traditionnelles et coutumières qui seront représentées par 60 participants : un par cercle et ceux du District de Bamako. Les représentants du secteur privé répartis entre les différentes régions sont au nombre de 30.
Et ce n’est pas tout. Les assises devraient enregistrer la participation de 50 invités extérieurs et partenaires du Mali et de 10 experts indépendants et autres personnes ressources. En somme, du beau monde est attendu à Bamako.