Même sous le règne du roi des Sosso, Soumangourou Kanté, que l’épopée manding décrit comme étant le plus féroce monarque de l’époque, ses sujets n’auraient pas subi ce que les maliens subissent aujourd’hui, à savoir une misère noire et une restriction des libertés. Les maliens souffrent dans leur chair et dans leur âme et ne savent plus à quel saint se vouer. La situation dans laquelle se trouve le pays dépasse tout entendement humain, les chefs de ménages peinent à assurer un bon repas au quotidien à leurs foyers. Les denrées de première nécessité ne sont plus accessibles aux faibles revenus, nombreux sont les maliens qui ont perdu leurs emplois à cause de la crise énergétique et du manque de ressources financières pour financer leurs projets. La dette intérieure non payée depuis plus de 3 ans et qui s’élève à plus de 3 mille milliards en est une des causes de la paupérisation, car le secteur privé et ou informel représente plus de 80% de l’économie malienne. Cette dette intérieure censée soulager les fournisseurs et autres opérateurs économiques a été mise sous le boisseau . Que dire de l’insécurité généralisée qui a fini par annihiler le peu d’espoir qu’on pouvait nourrir encore en permettant aux agriculteurs, aux éleveurs et autres marchands de vaquer à leurs activités traditionnelles. Cette insécurité a plutôt aggravé la situation humanitaire et provoqué un afflux massif des populations vers des zones considérées comme sûres. Les autorités sont-elles conscientes de la dangerosité de la situation et surtout de ses conséquences en moyen et long terme sur la stabilité du pays ? Est-ce cela le prix de la souveraineté tant vanté ?
Rien ne laisse entrevoir une quelconque volonté d’améliorer les conditions de vie des populations . Les autorités de la transition semblent beaucoup plus préoccupées par le renforcement de leurs pouvoirs plutôt que du sort de plus en plus alarmant de leurs concitoyens. . Toutes les réformes qui ont été menées sont taillées sur mesure et elles sont toutes faites pour légitimer leur pouvoir. Cette souveraineté tant scandée à coups de renforts et de propagande médiatique n’avait en réalité d’autre but que d’assouvir une soif de toujours plus de pouvoir . Le peuple, détenteur de la souveraineté, qui aurait dû être le véritable bénéficiaire est finalement devenu le dindon de la farce en se contentant seulement du spectacle des contes des propagandistes qui lui est servi à chaud et au quotidien. Le peuple broie du noir, mais cela n’émeut guère aucun dirigeant de la transition qui au contraire continue allègrement la marche vers des horizons incertains. Que les autorités se rappellent des règnes qui ont marqué l’histoire contemporaine du monde, du « Roi du Zaïre « , Mobutu Sese Seko ou de l’Empereur Bokassa, tous ces Reis se sont cru immortels, la suite est connue. Le pouvoir rend aveugle et sourd et pourtant il est très limité dans le temps et dans l’espace, donc quand on l’a il faut savoir raison garder.
En somme, cet Edito est non seulement une forte interpellation des autorités afin qu’elles prennent conscience de la gravité de la situation et qu’elles fassent en sorte que des solutions urgentes et idoines soient trouvées à cette délicate voire intenable situation socioéconomique, mais aussi une alerte sous forme d’interrogation, à savoir si derrière cette accalmie n’y a-t-elle pas une véritable tempête en gestation ?
Youssouf Sissoko