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AN IV du décès d’ATT (10 novembre 2020 – 10 novembre 2024) : Un homme, une carrière, un parcours ! Une présidence de preuves et d’épreuves
Publié le samedi 9 novembre 2024  |  Aujourd`hui
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Ce que l’on retient d’emblée de lui, c’est qu’il fut un vaillant soldat, un humaniste, un médiateur, un homme politique, un chef d’Etat, un président de la République qui a fait ses preuves dans la gestion des affaires de l’Etat. Un seul personnage répond à cette description dans l’histoire sociopolitique du Mali : Amadou Toumani Touré. Aujourd’hui, l’évocation des initiales ATT renvoie infailliblement à la date fatidique du MARDI 10 NOVEMBRE 2020 qui vit rappelé à Dieu le 4e président de la République du Mali, chantre et soldat de la démocratie malienne. Dimanche prochain étant le jour anniversaire de ce deuil national, nous sacrifions à la tradition de rendre un hommage à cet illustre homme d’Etat qui a marqué son temps.

Après soixante-douze (72) hivernages ici-bas, le président Amadou Toumani Touré rejoint le Royaume des cieux le 10 novembre 2020 à l’aube dans un hôpital d’Istanbul, en Turquie. Le peuple malien est en deuil, la nation aussi.


La tristesse se mêle aux souvenirs et à la compassion, les messages de condoléances affluent de toutes parts à travers le monde. Une semaine durant, son domicile, à l’ACI-2000, fait l’objet d’un cycle quasi-infernal de ballet humain, qui pour les condoléances à la famille, qui pour signer le livre, qui pour passer du temps avec les membres de la famille éplorée.

Au huitième jour de sa disparition, la nation lui rend un bel hommage à travers des obsèques nationales organisées le mardi 17 novembre à la Base A du Génie militaire, en présence du président de la Transition de l’époque, Bah N’Daw, du vice-président Assimi Goïta, et des anciens présidents Alpha Oumar Konaré (1992-2002) et Dioncounda Traoré (2012-2013).

Amadou Toumani Touré repose au cimetière de Hamdallaye.

Une vie d’armes de A à Z

Amadou Toumani Touré est né le 4 novembre 1948 à Mopti où il grandit dans le quartier Wayinkoré. Il confie aux biographes qu’il garde de la Venise malienne le souvenir de tous ces petits métiers auxquels il s’adonnait : couture, élevage, pêche au filet et à la ligne, labour, négoce et football. Il fit son cycle fondamental à Mopti, Tombouctou, Bandiagara. Puis poursuit ses études à Bamako, à l’Ecole normale secondaire de Badalabougou (EN Sec), où il décroche, en 1969, son diplôme en lettres-histoire-géographie qui le prédestine tout droit à la profession d’enseignant à l’instar de beaucoup de ses camarades de promotion dont beaucoup ont fait valoir leurs droits à la retraite étant professeurs d’enseignement supérieur.

Mais, la même année, sa carrière professionnelle va connaître un virage à 90° vers le métier des armes. En effet, quand un jour, il apprend qu’on recrute pour l’Ecole militaire interarmes (Emia) de Kati, il se présente et fut admis. Le nouvel élève officier de l’Emia de Kati commence sa formation en 1969. Il sort en 1972 avec le grade de sous-lieutenant.

Avide de connaissances, il suivra toute une série d’études et de formations durant sa carrière. Notamment à l’Ecole supérieure des troupes aéroportées à Riazan en URSS (1974-1975), au Centre national d’entraînement commando (CNEC) à Mont Louis en France (1978), à l’Ecole supérieure de guerre interarmes (17e promotion) à Paris en France (1989-1990) et au Cours supérieur interarmes (42e promotion) à Paris en France (1990).

De toutes ces étapes, Amadou Toumani Touré aimait laisser entendre qu’il garde des souvenirs mémorables de son séjour à Riazan qui fut une étape importante dans sa formation militaire. Car, c’est une des plus grandes écoles de parachutisme au monde, d’où sont sortis le général Lebed et la plupart des généraux soviétiques sont des produits de Riazan. ATT y a fait un cours supérieur de commandant de compagnie, de chef de bataillon et de saut en parachute. Au titre des promotions en grades, après celui de sous-lieutenant, Amadou Toumani Touré est successivement promu lieutenant le 1er octobre 1974, capitaine le 1er octobre 1978, chef de bataillon le 1er janvier 1984, lieutenant-colonel le 1er octobre 1988, général de brigade le 8 juin 1992, et général d’armée le 1er octobre 1996.

Il est nommé commandant de la garde présidentielle, du 28 avril 1981 au 30 mars 1984. Le commandement du bataillon des paras commandos lui est confié par deux fois, en janvier 1984, puis le 14 mars 1991.

Une transition démocratique sans précédent

Le 26 mars 1991, avec ses camarades officiers, il parachève la révolution du Mouvement démocratique contre le régime du général Moussa Traoré et prend le gouvernail de l’Etat. En effet, son premier contact avec le pouvoir suprême date de cette mémorable nuit du 25 au 26 mars 1991 avec le dépôt du président Moussa Traoré. La ferveur populaire de la journée du 26 mars a vu la naissance d’un slogan entonné par les enfants et qui a créé un lien indéfectible entre le nouvel homme fort du Mali et ses amis les mômes : ATT “an bè sa i no fè” qui signifie littéralement ATT, nous mourrons pour toi.

Désigné président du Comité de réconciliation nationale-CRN-(26 mars) et du Comité de transition pour le salut du peuple – CTSP – (29 mars), Amadou Toumani Touré conduit la Transition malienne jusqu’au 8 juin 1992. Cette période a été d’abord marquée par la tenue, du 29 juillet au 12 août 1991, de la Conférence nationale qui produira la Constitution du 25 février 1992, le code électoral, la charte des partis, l’Etat de la nation.

Ensuite, le calendrier des échéances électorales pour la mise en place des institutions de la IIIe République a été respecté comme arrêté : le 12 janvier 1992, référendum constitutionnel ; le 19 janvier 1992, élections municipales ; le 23 février 1992 et le 8 mars 1992, 1er et 2e tours des élections législatives ; et les 12 et 26 avril 1992, 1er et 2è tours de l’élection présidentielle.

Enfin, la signature, le 11 avril 1992 à Bamako, du Pacte national, consacrant le règlement du conflit du Nord du Mali (déclenché en juin 1990), occupe une place de choix parmi les acquis de la Transition de 1991, au terme de laquelle le chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré, remet le pouvoir aux civils, plus précisément à Alpha Oumar Konaré, conformément à ses engagements pris le 26 mars 1991.

Amadou, PRESIDENT !

Après une dizaine d’années (1992-2001) passées à lutter contre la dracunculose (ver de Guinée) au Mali et à sillonner l’Afrique à la recherche de la paix, Amadou Toumani Touré se lance dans la politique pour briguer la magistrature suprême.

Le 1er septembre 2001, il demande et obtient sa mise à la retraite anticipée de l’armée pour se lancer dans la politique. Candidat indépendant, il déclare sa candidature le 10 mars 2002 à Sikasso et est élu président de la République le 24 mai 2002, avec 64,35 % des voix au second tour, pour un premier mandat de cinq ans. Il est investi le 8 juin. Il est réélu dès le 1er tour le 29 avril 2007 avec 71,20 %.

C’est dans sa vie d’homme politique que le président Amadou Toumani Touré a le plus étonné, avec ses idées, ses concepts, ses méthodes et, bien sûr, ses réalisations. Enumérer les initiatives et réalisations du président Touré relève de la gageure, mais durant ses mandats, le quatrième président du Mali a posé des actes forts dont certains méritent une attention de nos fidèles lecteurs.

Le consensus politique, la consolidation de la démocratie avec l’engagement des réformes institutionnelles, le respect des libertés individuelles, la gestion pacifique de la crise du nord, etc. sont autant d’actes politiques qui ont été extrêmement déterminants dans la vie de la nation, la paix et la quiétude sociales au Mali.

Le plus grand acquis des mandats du président de la République Amadou Toumani Touré, c’est, sans doute, sa méthode atypique de gestion politique du pouvoir ; une méthode qui a permis au peuple malien de retrouver son unité et sa cohésion interne indispensables pour pouvoir faire face aux défis du développement.

Arrivé au pouvoir en 2002 sous aucune couverture de parti, Amadou Toumani Touré a été d’emblée inspiré de “partager le pouvoir” dans un cadre de gestion concertée et consensuelle, c’est-à-dire impliquer toutes les sensibilités aux affaires. Son slogan de campagne de 2002 : “Retrouvons ce qui nous unit” a profondément touché le peuple malien, qui l’a élu sur la base de ce message.

Une fois élu, le président de la République a mis en pratique cette vision qui lui a permis de réunir, autour de sa personne et de son projet, toutes les composantes et forces politiques et sociales que compte le Mali. Il a fait en sorte que chaque Malien se sente citoyen à part entière, avec les mêmes droits et obligations. Il a mis autour d’une même table, autour de sa personne, des hommes et des formations politiques qui, quelques mois seulement avant son élection, ne parlaient pas le même langage, ni ne regardaient dans la même direction.

Concernant la crise du Nord, le président ATT a toujours mis en avant le dialogue, parce qu’étant un général d’armée, rompu au métier de la guerre, il connaissait plus que quiconque les conséquences (sociales, militaires, économiques…) de la gestion d’un conflit déjà enclenché. Il fallait donc, coûte que coûte, éviter d’entraîner le Mali dans un engrenage.

Preuves institutionnelles et infrastructurelles

Durant ses dix ans de règne démocratique, ATT a posé d’autres actes et actions qui marquent encore la vie nationale. La création, le 25 août 2003, du Bureau du Vérificateur général, modèle canadien, est l’un de ceux-ci. Grâce à cette institution et à ses différents présidents Sidi Sosso Diarra, Amadou Ousmane Touré et Samba Alhamdou Baby, le Mali a pu freiner la saignée financière de détournements des deniers publics et recouvré plusieurs milliards détournés.

Aussitôt intronisé, ATT a initié le Programme des logements sociaux afin de permettre aux Maliens aux revenus faibles d’avoir leur propre toit. En 2004, il inaugure le programme pilote de 1008 logements. Aujourd’hui, “ATT-bougou” est devenu une marque déposée.

Le 4 décembre 2005, la Loi d’orientation agricole (Loa) est lancée par ATT. La présente loi fixe les orientations de la politique de développement agricole du Mali. Elle couvre l’ensemble des activités économiques du secteur agricole et péri-agricole notamment l’agriculture, l’élevage, la pêche et la pisciculture, l’aquaculture, l’apiculture, la chasse, la foresterie, la cueillette, la transformation, le transport, le commerce, la distribution et d’autres services agricoles, ainsi que leurs fonctions sociales et environnementales.

La politique de développement agricole a pour but de promouvoir une agriculture durable, moderne et compétitive reposant, prioritairement sur les exploitations familiales agricoles reconnues, sécurisées, à travers la valorisation maximale du potentiel agro-écologique et des savoir-faire agricoles du pays et la création d’un environnement propice au développement d’un secteur Agricole structuré.

Cette politique prend en compte les objectifs de la décentralisation et intègre les diversités agro-écologiques et la situation spécifique de chaque région du pays afin de déterminer les moyens à mettre en œuvre pour réaliser les objectifs visés. Elle intègre les stratégies et objectifs nationaux de lutte contre la pauvreté fixés dans le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Le 6 février 2010, Amadou Toumani Touré procède au lancement des travaux du barrage de Taoussa d’un coût global de 130 milliards de F CFA.

139 000 hectares de périmètres agricoles devaient être aménagés en vue d’augmenter les revenus des populations, et d’assurer l’autosuffisance et la sécurité alimentaires.

Le 25 octobre 2010, ATT lance les travaux de construction de l’autoroute Bamako-Ségou d’un coût global de 182 milliards de Fcfa.Ces deux projets constituent les plus importants jamais réalisés dans les secteurs agricole et routier au Mali.

Citons également l’Echangeur multiple de Bamako, le Pont de l’amitié Mali-Chine ou 3e Pont de Bamako et la réalisation de plusieurs routes, ponts et chaussées à l’intérieur du pays.

L’Echangeur multiple de Bamako inauguré par ATT le 20 septembre 2010 a permis de décongestionner le trafic, d’améliorer la sécurité des usagers, la fluidité du trafic et de contribuer au développement économique et social du pays.

Le pont de l’amitié sino-malienne a une longueur de 1,627 kilomètre et une largeur de 24 mètres. Son coût, d’un montant de 30 milliards de F CFA (65 millions de dollars américains), a été entièrement financé par la Chine. Il a été inauguré le jeudi 22 septembre 2011 par le président Amadou Toumani Touré en présence effective du Représentant du gouvernement de la République populaire de Chine, Yu Jianhua, ministre assistant du Commerce.

Aussi, nous retenons d’Amadou Toumani Touré qu’il est le père de l’Assurance maladie obligatoire (Amo), régime dont lui-même confiait à qui veut l’entendre qu’il est sa plus grande satisfaction.

L’Assurance maladie obligatoire (Amo) instituée au Mali depuis 2009, a été fondée sur les principes de la solidarité, de la contribution, de la mutualisation des risques et du tiers payant. Les personnes qui en bénéficient sont couvertes sans discrimination liée à l’âge, au sexe, à la nature de l’activité, à leurs revenus, ou à leurs zones de résidence…

Les fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales, les militaires et les députés, les travailleurs, les titulaires de pension des secteurs publics et privé, les employeurs de ces secteurs, sont assujettis à l’Assurance maladie obligatoire. Les membres de leurs familles peuvent aussi bénéficier de l’Amo. Elle permet la prise en charge directe des frais de soins curatifs, préventifs et de réhabilitation. Ainsi que les consultations générales ou spécialisées, les médicaments, les analyses de laboratoire et imagerie médicale, soins médicaux, soins dentaires, les hospitalisations simples ou avec intervention chirurgicale sur le territoire national. Une partie des frais de soins de santé est prise en charge directement par l’Amo via la Caisse nationale d’assurance maladie (Canam), organisme de gestion, l’autre partie étant à la charge de l’assuré ce qui représente 20 % et 30 % respectivement pour l’hospitalisation et l’ambulatoire. Le service des prestations est suspendu lorsque le paiement mensuel des cotisations n’a pas eu lieu. Le taux de cotisation représente pour un fonctionnaire 3,06 %, et 3,50 % pour un employé du privé. Par ces cotisations, l’Amo contribue à l’accès aux soins des populations couvertes et l’accessibilité géographique aux soins de qualité.

Un acte fort !

Au lendemain du coup d’Etat de mars 2012, sa démission de ses fonctions de président de la République pour permettre le retour à l’ordre constitutionnel exigé par la Cédéao. Un acte fort ! “Mon devoir, comme je l’ai dit lorsque je m’impliquais il y a vingt-deux ans, jeune officier, c’est le Mali que je voulais aider. En me présentant en 2002, comme candidat à l’élection présidentielle, c’est encore le Mali qui a inspiré ma décision. Je pensais que la petite expérience que j’ai vécue pouvait aider à soutenir ce pays. Dans le cadre de la recherche de solution, je pense que la décision prise par la Cédéao et la communauté internationale est la meilleure. J’ai décidé de vous remettre ma lettre de démission, que vous allez remettre aux autorités compétentes pour permettre l’exercice plein et entier des dispositions de notre article 36. Il faut que le Mali reste dans les dispositions de sa Constitution de février 1992. Je pense que c’est tout à fait normal, je le fais sans pression, (…) de bonne foi (…), surtout pour l’amour que j’ai pour ce pays”, avait écrit ATT, pour marquer la fin de son ère et faire ses adieux aux Maliens.

Il s’exile au Sénégal où il réside à Dakar avec sa famille pendant cinq ans. En décembre 2017, il rentre au Mali, reprend les rênes de la Fondation pour l’Enfance, forme son cabinet d’ancien chef d’Etat et commence à exercer comme tel.

Gravé à jamais dans le cœur des Maliens

Après avoir passé 11 ans à la tête du Mali, soit 132 mois ou encore 528 semaines, en qualité de chef d’Etat (26 mars 1991-8 juin 1992), puis de président de la République du Mali (8 juin 2002-8 avril 2012), Amadou Toumani Touré fut ce grand Homme d’Etat inoubliable et qui restera à jamais gravé dans la mémoire et le cœur de ses compatriotes.

Les raisons ? La gestion imprimée au pouvoir, le modèle de gestion politique conçu et imposé, les actes posés qui ont impacté la vie des populations, les acquis de tous genres légués à la postérité.

Autres atouts favorables : son sens du patriotisme, sa gestion concertée du pouvoir et sa gestion pacifique des conflits, mais aussi et surtout, la recherche perpétuelle de la paix par le dialogue, le compromis, les concessions, les compromissions et tous autres moyens pacifiques.

El Hadj A.B. HAIDARA
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