Après des mois d’incompréhension, Alger et Moscou dissipent le flou peu à peu. La Russie a fini par tenir compte des demandes algériennes, concernant la sécurité de ses frontières avec le Mali. Selon des sources sécuritaires, une commission mixte regroupant des experts algériens et russes a été créée en mai dernier, l’occasion pour l’Algérie de faire connaître ses inquiétudes. Ainsi, Alger a fait comprendre à la Russie qu’elle voit d’un mauvais œil « la politique discriminatoire et racialiste du régime de Bamako, qui consiste à classer toute contestation des populations du Nord Mali dans la case “terrorisme”, notamment en ce qui concerne les Touareg, dont certains sont binationaux ». Alger ne veut « ni voir ses citoyens assassinés à l’étranger, ni d’une crise humanitaire à ses frontières, ni d’un exode massif sur son territoire et n’a particulièrement pas apprécié la frappe de drones qui a eu lieu à 300 mètres de sa frontière fin août ». Malgré cela, l’Algérie « n’est pas particulièrement enthousiaste quant à l’avènement d’un État indépendant azawadien et reste ferme sur le respect de la souveraineté territoriale du Mali, tel que défini dans les accords d’Alger de 2015, qu’elle a sponsorisés », ajoutent nos sources. Pour l’Algérie, la crise malienne est un problème avant tout politique, mais « les autorités maliennes ont emprunté un chemin dangereux, dans la mesure où elles cherchent à régler une crise politique avec une solution du tout sécuritaire ». Malgré sa volonté de se déployer en Afrique et de soutenir les autorités maliennes, la Russie a fini par comprendre les inquiétudes algériennes et les premières conséquences de cette nouvelle politique se sont concrétisées sur le terrain. Ainsi, la colonne de blindés Wagner – FAMA (Forces armées maliennes) destinée à se venger du revers significatif subi du côté malien de Tinzaouatene, infligé par les combattants du CSP-DPA (Touareg), rebrousse chemin sans explication convaincante de la part de Bamako. Or, sans Wagner, l’opération militaire ne peut être menée. Cette nouvelle situation est arrivée depuis que les autorités algériennes ont constaté que la présence au Mali du groupe Africa Corps, anciennement Wagner, pose plus de problèmes qu’il n’en résout. Pire, les mercenaires russes s’adonnent à des exactions qui créent des situations humanitaires ingérables et des flux migratoires importants, qui risquent de menacer la stabilité de l’Algérie. C’est le cas des bombardements par drone qu’a connus la partie malienne de la ville de Tinzaouatene, en août dernier. Une vingtaine de civils avaient alors été tués au cours de cette opération, poussant des dizaines de Touareg à se réfugier dans la ville algérienne de Tinzaouatine. Pour maintenir ce climat de paix, l’Algérie et la Russie se concertent régulièrement par le biais de leurs ministères des Affaires étrangères. En attendant les contacts, qui sont réduits à une petite coopération, avec les autorités de Bamako qui ont décidé, pour l’instant, de ne consulter aucune partie extérieure en dehors de la Russie.