En décidant de rencontrer l’inspecteur général de police, Boubacar Baba Diarra, ancien président de la Fémafoot, nous n’avions nullement l’intention de verser de l’huile sur le feu ou même de remuer le couteau dans la plaie. Evidemment dans un passé récent, l’homme a défrayé la chronique, à travers la crise du football malien. Depuis la fin de son mandat à la tête de la Fédération, constaté par la mise en place du Comité de normalisation du football malien le 10 janvier 2018, il garde profil bas. Même à l’occasion de la récente élection du bureau de la Fémafoot, on ne l’a pas senti, ni en amont ni aval. Bref, le général Baba Diarra a décidé de prendre du recul avec sa conviction. Laquelle conviction avait fait de lui l’ennemi à abattre. Réticent au début de notre sollicitation d’être le héros de la semaine de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”, Baba a finalement accédé à notre requête. Aujourd’hui, le général est amer et même très amer. Il a le regret d’avoir perdu des amis, à cause de la crise. Selon lui, c’est d’autant plus regrettable qu’on choisit ses amis et non ses parents. Le mot ancien ami est un échec dans la vie d’un homme. Si Boubacar Baba Diarra considère cela comme un mauvais souvenir, il se rappelle encore de cette élimination du Mali à la phase finale de la Can/Guinée équatoriale-2015. Parce qu’il avait la conviction que les Aigles pouvaient aller plus loin dans cette compétition. Nous avons débattu de beaucoup de questions avec le général à la retraite.
C’est aux environs de 8 heures 30 minutes que nous arrivâmes ce samedi 2 novembre 2019 au domicile de l’ancien président de la Fémafoot, au Quartier du fleuve. Il nous reçoit dans un salon annexe de son appartement. Tout au long de notre discussion, nous constatons que l’homme garde intacte sa sérénité légendaire.
“Je ne chôme pas”
Première question à notre héros du jour : Que devient Baba depuis son départ de la Fémafoot ?
Le général répond que dès la première semaine de la fin de son mandat, il a enregistré une pléiade de propositions.
D’abord, une grande marque de football lui a proposé d’être son représentant en Afrique. Ensuite, une autre société de management de football, dont le siège se trouve en France à Aix-en-Provence lui a fait une proposition intéressante. Enfin, un compatriote, évoluant dans les mines, a sollicité sa compétence pour l’implantation de sa société au Mali.
Pour le moment, il n’a pris aucune décision par rapport aux offres. En attendant, Boubacar Baba Diarra est administrateur d’une société dont les activités tournent autour de la santé et de l’immobilier. Cette entreprise est en partenariat avec des Européens installés à l’extérieur. Le moment venu, il verra ce qu’il y a lieu de faire.
Deuxième question : Au lendemain de l’élection du nouveau bureau de la Fémafoot, que lui inspire ce retour à l’ordre normal dans la conduite des destinées du football malien ?
Boubacar Baba Diarra développe des argumentations plus que responsables. Il estime qu’ayant occupé de hautes fonctions pendant au moins 40 ans, il ne pouvait souhaiter qu’un secteur de l’Etat connaisse des convulsions comme celles qu’a connues notre football et dont il s’est retrouvé au centre même si sa responsabilité n’a jamais été établie. Selon Baba, cette crise a certes duré, mais n’eussent été sa sagacité et son sens de responsabilité, son ampleur allait altérer, voire compromettre l’avenir du football malien.
Cependant, l’ancien président de la Fémafoot se réjouit du fait que pendant la même période, le football ait engrangé de (très) bons résultats. En tant que responsable de ce pays, dirigeant et amoureux du football, la fin de cette crise s’annonce pour lui comme une délivrance.
Du coup, Baba salue ces élections qui ont été transparentes et apaisées. C’est en cela qu’il félicite le nouveau président de la Fémafoot, Mamoutou Touré “Bavieux”, et demande à son cadet Salaha Baby de se positionner pour des lendemains meilleurs, compte tenu de sa jeunesse.
Le double piège du flic !
Au plan professionnel, la promotion de Boubacar Baba Diarra devait être la crème de la police malienne. Parce que le pouvoir d’alors avait des projets énormes pour valoriser la corporation, qui, à l’époque, bénéficiait d’un respect et d’une grande considération de la part de la population.
Boubacar Baba Diarra qui est un des fruits de cette génération, est demeuré un véritable policier, un flic doté d’une intelligence extraordinaire, qui sait prendre une décision, dont l’interprétation dans l’avenir le mettrait à l’abri de tout désagrément.
En 2017, en pleine crise et suite à la dissolution du comité exécutif de la Fédération, il accepte de démissionner au terme de quarante-cinq jours, et, de façon intelligente, il glisse un piège que personne n’a pu déceler dans l’immédiat. Il tient à ce qu’on mette dans le protocole la mention “sous l’égide de la Fifa”. Sachant bien que l’instance suprême du football mondial n’accepte jamais l’ingérence du politique dans les affaires de football, il accepte les propositions de sortie de crise. Avant la date butoir, une correspondance de la Fifa ne reconnaissant pas ledit protocole tombe, mais en bon flic, il maintient le flou dans une discrétion totale. Le moment venu, il sort la lettre de la Fifa qui démontre que son mandat ne doit être interrompu par quoi que ce soit. En un mot, Baba sort vainqueur du bras de fer qui l’oppose au ministère de tutelle.
C’est à sa sortie en 1977 de l’Ecole nationale d’administration (filière sciences économiques) que Baba Diarra intègre directement la police. Après une formation de deux ans à l’Ecole nationale de la police, il est promu au grade de sous-lieutenant et nommé chef de la division économique de la Brigade d’investigations criminelles de la direction générale des services de sécurité (avril-septembre 1979). Quelques mois après, il bénéficie d’une bourse pour l’Université de Caen (Institut d’administration des entreprises UER : préparation aux affaires). Ces études seront sanctionnées par un Doctorat de 3e cycle, option sciences d’analyses et de gestion des organisations, à la suite d’une thèse soutenue avec les félicitations du Jury.
En plus de ce cursus, Boubacar Baba Diarra effectue une multitude de stages et de voyages d’études à travers le monde, sur divers thèmes. Auxquels il faut ajouter :
– Sa participation en qualité d’expert aux travaux du Comité spécial des Nations unies chargé de l’élaboration d’une Convention sur la criminalité transnationale organisée et ses protocoles additionnels, convention signée à Palerme (Italie) en 2000 ;
– Sa participation en 2017 en tant que premier auditeur africain au sud du Sahara au cycle de formation de l’Institut des hautes études de sécurité de France (le pendant de l’école de guerre chez les militaires).
Rompu à la tâche administrative !
A son retour de l’Université de Caen, il entame une longue et riche carrière administrative. Il fut :
– Chef de la division administrative et financière de la DCMB : direction centrale du matériel et bâtiments des armées (1982-1987) ;
– Directeur adjoint de la DCMB, cumulativement avec ses fonctions de DAF ;
– Directeur général de l’Office pour l’exploitation des ressources hydrauliques du Haut Niger (1988-1991) ;
– Directeur du département économique de la direction générale des services de la Sécurité d’Etat, chargé spécialement de la lutte contre les infractions à caractère économique et financier (1991-1992) ;
– Directeur administratif et financier du ministère des Forces armées et des Anciens combattants (1992- 1994).
Suite à la démilitarisation de la police nationale en 1994, Boubacar Baba Diarra est mis à la disposition de la direction des services de l’administration, de la comptabilité et du matériel de la direction générale de la police nationale (DGPN).
Deux ans après, il est nommé chef du bureau d’études de la planification et de l’informatique à la DGPN (1996-2001). Une fonction au bout de laquelle son directeur lui confie la gestion de son cabinet (2001-2002).
A partir de 2003, il est propulsé au poste de chef de cabinet du ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales. Boubacar Baba Diarra ne quitte ces fonctions qu’onze ans après, pour être d’abord directeur du Programme de gouvernance partagée de la paix et de la sécurité (PSGP), conseiller spécial du président de la République (mars 2013-novembre 2013).
Alors commence son mandat à la tête de la Fédération malienne de football pour quatre ans. Auparavant il a été :
– Vice-président du Centre Salif Kéita (1996-1998) ;
– Membre du bureau de la Fémafoot (1996-2002)
– Vice-président du bureau de la Fémafoot (2005-2009)
– Président du Djoliba AC (mars 2012-octobre 2013).
Malheureusement, en sa qualité de président de la Fémafoot, Boubacar Baba Diarra se retrouve dans une zone de turbulence, sous la forme d’une crise aiguë, qui aboutit à l’invective et à la surenchère verbale.
Dieu est au contrôle
Cette crise du football malien a été émaillée de beaucoup de problèmes. Les acteurs se sont retrouvés au Tribunal arbitral des sports (Tas), Baba même a été persécuté, interpellé au Pôle économique & financier, audité sept fois, accusé d’avoir empoché 3 milliards de FCFA, comme retombées de la participation des juniors et des cadets maliens aux phases finales des coupes du monde de leurs catégories respectives.
Pour ce cas précis, selon Baba Diarra, la Fifa a envoyé une correspondance pour exprimer son regret. Parce qu’elle ne verse jamais de subvention aux Fédérations comme retombées des équipes de catégories d’âge. Cette réaction de l’instance suprême du football mondial faisait suite à une lettre de la Fémafoot. Parce qu’il a été dit partout qu’elle a reçu 3 milliards de F CFA à la suite des deux compétitions précitées. Bref, l’inspecteur général de police aura connu le plus mauvais souvenir de sa vie sportive.
Comment a-t-il vécu ces moments ? Qu’est-ce qu’il pense des différentes accusations ? L’ancien président de la Fédération répond : «Pour ce qui est du Tas, je n’ai pas compris certaines décisions de cette Cour arbitrale. En analysant ses décisions, on se rend compte que les tribunaux internationaux ne sont pas toujours exempts de partialité. Parce que la dernière décision du Tas, qui a fait l’objet d’une exécution avec l’organisation d’une AG extraordinaire n’était pas une bonne décision. Toute décision d’une Cour arbitrale doit faire l’objet d’exequatur. Si ce principe avait été observé par le Conor, on se serait rendu compte de l’incongruité et de l’inconstance de la sentence du Tas. Pour preuve, les participants de l’avant-dernière AG auront constaté que la sentence du Tas a été vidée en moins de trente minutes. La Fifa avait affirmé haut et fort qu’il n’y avait pas lieu de revenir sur la sentence du Tas, qui avait fait l’objet d’exécution par la Fédération lors de l’Assemblée générale tenue en décembre 2016 à Sikasso. A la fin de chaque saison sportive, la FIFA fait auditer par un cabinet extérieur l’utilisation des subventions mises à la disposition des fédérations. Les rapports d’audit sont gages de renouvellement annuel des dites subventions de l’instance suprême du football. Autrement dit, nous ne devrons pas jouir de subventions durant quatre ans, si les gestions antérieures avaient été défaillantes . Pour des raisons personnelles, je fais l’économie de tout ce dont j’ai été victime durant cette crise».
Pour ce qui est de ses rapports avec le Djoliba, dont il était le président, Boubacar Baba Diarra déclare que ses sentiments vis-à-vis du club demeurent intacts, c’est-à-dire qu’il est supporteur du Djoliba et Djolibiste jusqu’aux os. Certes, il peut avoir des problèmes avec le management actuel du Djoliba, mais pas avec le club qu’il est prêt à supporter demain sur les gradins en supporteur. Il est convaincu de la vérité selon laquelle on ne quitte jamais un club lorsqu’on l’a dans son cœur, dans ses tripes. Bref, le Djoliba est d’abord un label, et non un consortium d’individus.
A la question de savoir si le Djoliba n’a pas été un tremplin pour accéder à la présidence de la Fémafoot ? Baba s’insurge. “Je dis non. J’étais Djolibiste lorsqu’on m’a barré la route de la Fédération en 2009. Pour ceux qui connaissent l’histoire, j’avais tous les atouts pour succéder à Salif Kéita à l’élection de la Fémafoot à Tombouctou. Mais c’est au seuil de la salle de réunion que ma candidature a été retirée pour des raisons majeures que seuls les initiés sont en mesure de décrypter. D’autres critères prévalent à l’élection du président de la Fémafoot, qui ne sont pas la seule appartenance à un club”.
Bientôt dans l’arène politique
En ce qui concerne ses ambitions politiques, l’ancien président de la Fédération affirme qu’il est bel et bien dans l’expectative, c’est-à-dire qu’en tant qu’intellectuel et après avoir consacré des décennies de sa vie à la construction de la nation, il ne peut pas rester aphone et inaudible face à la situation actuelle du pays. La responsabilité de tous les cadres du pays est grande dans la trajectoire actuelle de notre patrie en état de délitement avéré, voire de déflagration. Le Mali étant notre bien commun, notre patrimoine commun, doit-il laisser à d’autres le soin et le pouvoir de décider ou de parler à sa place, tout en restant indifférent ? Il dit non et colle une citation de l’ancien président Alpha Oumar Konaré, selon laquelle il ne sera pas ce coureur de relais qui, après avoir remis le témoin, se retire de la course. Sans nous dévoiler le nom du parti politique dans lequel il militera, Boubacar Baba Diarra fera son saut dans le marigot politique en janvier 2020.
Est-ce à dire qu’il abandonnera le football avec cette ambition nouvelle ? L’ancien président de la Fémafoot précise : “Le football n’est pas incompatible avec la politique. Non, le football m’a tout donné et avec la passion que j’ai pour cette discipline, je ne peux pas m’en éloigner. Le football m’a beaucoup aidé, surtout à certains moments précis de ma vie. Un exemple, de 1995 à 2002, j’ai été placardé administrativement et mis en cave avec les autorités du pays pour des raisons que j’ignore jusqu’à présent. Pendant toute cette période, je ne pouvais prétendre à aucune responsabilité administrative ou professionnelle, lié à mon rang ou statut. C’est la période pendant laquelle, grâce au football, j’ai pu voyager à travers le monde entier, tout continent confondu. Le football m’a permis de supporter cette traversée du désert de huit longues années sans à-coup moral. C’est le lieu pour moi de rendre un vibrant hommage à M. Amadou Diakité, ancien président de la Fémafoot, qui m’a ouvert en 1996 les portes du comité exécutif. J’éprouve à son endroit et du fond du cœur de la reconnaissance. Ayant pris la décision de se retirer de la Fémafoot, après la Can-2002, il avait jeté son dévolu sur ma personne pour le remplacer. Mais en homme averti, Amadou Diakité m’a confié que j’ai le meilleur profil du groupe pour assurer sa relève. Seulement en le faisant, il avait des appréhensions face à l’attitude des anciens du groupe, qui pourraient m’empêcher d’évoluer normalement. C’est ainsi que le projet a été abandonné, et la candidature de Tidiane Niambélé initiée.
Aujourd’hui, et grâce au football, je jouis d’une respectabilité et de la considération auprès de mes compatriotes, aux niveaux national et international. Pour la petite histoire, je fuis les marchés pour la simple raison qu’il arrive qu’on ne me permette pas de payer ce dont j’ai besoin. Tout m’est offert gratuitement. Aussi dans les rues, et même dans les avions je suis très souvent apostrophé par des Maliens en ces termes “Président Baba, félicitations pour ton parcours, et merci pour tout ce que vous avez fait pour le football malien. Dans les administrations publiques et privées toutes les portes me sont ouvertes. Cette reconnaissance du peuple vaut son pesant d’or pour moi. C’est pourquoi je ne peux pas tourner le dos au football“.
Ses regrets dans la gestion du football ?
Pour avoir consacré une partie de sa vie au football, Boubacar dit avoir ressenti de l’amertume dans ses rapports avec l’environnement du football, particulièrement le département des Sports. Il soutient avoir broyé du noir après le départ du ministre Me Mamadou Gaoussou Diarra, avec lequel il a eu les meilleures relations du monde. Malheureusement, à son départ, selon lui le ministère de tutelle a constitué une contrainte majeure à l’atteinte des objectifs de la Fémafoot. Ses rapports avec le département des Sports se sont détériorés à tel point que pour la première fois dans l’histoire du football malien, le stade Omnisports a été fermé aux Aigles du Mali, à la veille d’une compétition majeure de qualification à la Can.
Autre regret pour Boubacar Baba Diarra, c’est la perte par méprise de sa part d’amitiés sûres. Parce qu’il a débuté son mandat avec des amis qui, malheureusement, sont restés en rade. Convaincu du constat que les relations dans le milieu du football ne sont jamais achevées, il est estomaqué par le fait que les amitiés soient d’occasion ou de façade, mais jamais pérennes.
La vie sportive de Baba est aussi liée aux bons souvenirs qui sont : le redimensionnement du football malien sur le plan des résultats purement footballistiques, les deux coupes continentales, (la Can des cadets au Niger en 2015, et du Gabon 2017, vice-championne du monde Chili 2015, troisième mondial, catégorie junior, Nouvelle Zélande-2016, vice-champion africain au Rwanda 2015 pour les locaux), les infrastructures réalisées pour le développement du football à Bamako et surtout dans les régions du Nord, l’enthousiasme créé auprès des fans du football.
Regrette-t-il aujourd’hui d’avoir pris certaines décisions dans l’exercice de ses fonctions de président de la Fémafoot ? Boubacar Baba Diarra affirme qu’il n’a aucun regret par rapport à tous les actes qu’il a posés. Si c’est à refaire, il n’hésiterait pas. A l’en croire, on est chef pour prendre des responsabilités comme pour citer un penseur français qui dit que “le pouvoir n’est jamais innocent”. Accepter d’assumer ses responsabilités, c’est aussi accepter de prendre des décisions qui peuvent plaire ou déplaire, c’est-à-dire de nature à favoriser ou à léser. Telle est la conviction de l’ancien président de la Fémafoot Boubacar Baba Diarra.
Bien qu’il soit déçu par la tournure des événements qui ont émaillé son mandat, Boubacar Baba Diarra n’envisage pas de jeter le bébé avec l’eau du bain. Est-ce à dire qu’il envisagera un jour de diriger la Fémafoot ? Le regard du policier à notre égard en dit long sur la réponse qu’il n’a pas voulu donner.
O. Roger Aujourd’hui-Mali N°191 du vendredi 8 novembre 2019.
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Quand Boubacar Baba Diarra se raconte
“La fin de mon mandat à la Fémafoot a été une période noire de ma vie. J’étais devenu l’homme à abattre”
Après un mandat de 4 ans (2013-2017) à la tête de la Fédération malienne de football, feu l’inspecteur général de police, Boubacar Baba Diarra s’était retiré du monde du football. Il avait accordé une interview-bilan à une radio de la place en langue nationale. Nous le transcrivons pour vous.
Parlant de sa carrière footballistique, Boubacar Baba Diarra a fait savoir qu’il était venu au football tout petit : “Comme tout le monde le sait, Ouolofobougou est un quartier de football et de footballeurs. Ce quartier a donné beaucoup de grands joueurs au football malien, aux différents clubs, à l’équipe nationale. Je peux citer, entre autres, Salif Kéita alias Domingo, Sadia Cissé, Faran, Waby, Sadibou, Danté, et beaucoup d’autres joueurs. Les Salif Kéita avaient créé une équipe dénommée Onze Diables de Ouolofobougou, une équipe qui gagnait tous ses matches. Les Salif Kéita, Métiou… jouaient dans cette équipe. Nous sommes nés dans les pattes des Salif Kéita et autres. Ils étaient nos grands frères et nous les accompagnions dans les stades. C’est comme ça que nous leur avons succédé dans cette équipe et dans des compétitions de quartier quand ils ont évolué vers de grands clubs.
Quand je suis arrivé au lycée Technique de Bamako, j’ai été sélectionné dans l’équipe de cet établissement. De cette équipe, j’ai signé la licence avec l’Union sportive des fonctionnaires de Bamako. Après, cette équipe a fusionné avec l’Alliance pour devenir la Renaissance club de Bamako dont j’étais le capitaine. Quand j’ai été recruté dans l’armée, j’ai joué avec l’Union sportive des forces armées et de sécurité (Usfas). Quand je suis arrivé en France en 1979 pour faire mon doctorat, j’étais à l’Université de Caen en Normandie, l’équipe de Caen m’a recruté pour jouer en division d’honneur. J’ai passé 3 ans dans cette équipe, le temps de finir ma thèse et de revenir au Mali”, disait-il.
“Au Conseil de Tombouctou, j’ai été obligé de retirer ma candidature car ATT avait promis le poste de président de la Fémafoot à Kola Cissé”
Evoquant l’histoire de sa carrière de dirigeant, il a laissé entendre qu’étant DAF du ministère de la Défense et de la Sécurité, il faisait partie des dirigeants de l’Usfas. Dans les années 1995, Salif Kéïta a créé le Centre Salif Kéita (CSK) pour l’imposer comme 1er vice-président de ce club. “C’est comme ça que ma carrière de dirigeant sportif a commencé. J’ai été 1er vice-président du CSK pendant quand les meilleurs joueurs du Mali, Seydou Kéita, Mahamadou Diarra dit Djilla, Dissa, Scifo, Karembé et autres sortaient de ce club. Nous les avons encadrés au CSK. J’ai été pendant 2 ans vice-président du CSK, le temps qu’il monte en 1re division. Ensuite, la Caf a exigé à toutes les fédérations de créer une commission des jeunes en leur sein pour s’occuper de l’encadrement des cadets, des juniors et des U23. C’est ainsi qu’Amadou Diakité est venu me voir pour être le président de la première Commission des jeunes de la Fédération malienne de football. C’est comme ça que je suis entré dans la Fédération malienne de football en 1997 comme président de la Commission centrale des jeunes. Nous avons continué jusqu’à l’organisation de la Can-2002 au Mali. Pour cette Can, Amadou Diakité m’a pris comme manager des seniors jusqu’à la fin de la Can. Après la Can 2002, le Mali était 4e.
C’est ainsi qu’Amadou Diakité s’est retiré de la Fédération, mais en restant à la Caf et à la Fifa. Nous avons demandé à Tidiane Niambélé qui était 1er vice-président de la Fémafoot de devenir président de la Fédération. Ce dernier n’a pas fait plus de deux ans à cause de convulsions internes au sein de la Fédération. Tidiane Niambélé était obligé de quitter la Fédération. Entre-temps, j’avais aussi quitté la Fédération. C’est ainsi qu’ATT a appelé Salif Kéïta, Karounga Kéïta, pour dire qu’après la démission de Tidiane Niambélé, le football doit revenir aux anciens footballeurs. C’est comme ça qu’il a demandé à Salif Kéïta de se porter candidat pour la présidence de la Fémafoot afin de rassembler la famille du football. Salif Kéita est venu me chercher pour être 2e vice-président de la Fémafoot. C’est comme ça que je suis retourné à la Fédération. Et j’ai continué avec Salif Kéïta jusqu’en 2008 qui a vu la qualification du Mali à la Can Ghana-2008.
Mais ça n’a pas marché. Salif a décidé de démissionner, mais en me demandant d’être candidat à la tête de la Fédération. J’ai donné mon accord et je me suis présenté. Mais il y avait des problèmes parce qu’ATT avait promis le poste de la présidence de la Fédération à un de ses frères de Mopti, en la personne de Kola Cissé. Nous sommes allés au Conseil de Tombouctou. Durant 3 jours, le Conseil n’a pas pu se tenir à cause des problèmes. C’est comme ça qu’ATT a appelé mon ministre, le général Kafougouna Koné, pour lui dire de lui rendre un service en me demandant de retirer ma candidature pour qu’il ne perde pas la face. Je ne mens pas sur ATT qui n’est plus de ce monde. C’est ainsi que j’ai retiré ma candidature. Et Kola Cissé a pu être président de la Fédération. Nous avons continué comme ça. Quatre ans après, le résultat de Kola Cissé n’était pas bon. Des dirigeants de football sont venus me voir pour me demander de me porter candidat pour la présidence de la Fédération. Parmi ces dirigeants, il y avait les présidents des ligues de football de Kayes, Tombouctou, Gao, en plus de quelques présidents de clubs de Bamako. C’est comme ça que j’ai accepté. Nous avons battu campagne. Et j’ai gagné au Conseil de Mopti”.
Devenu président de la Fédération, Boubacar Baba Diarra a confié qu’il a dirigé avec beaucoup de bonheur la Fédération malienne de football eu égard au résultat que son bureau a engrangé durant les 4 ans de mon mandat. Mais il a été très amer sur certains points de sa présidence.
“Vers la fin de mon mandat, les choses n’ont pas été faciles. L’atmosphère n’était pas du tout bonne. Ça été une période noire de ma vie. Je n’ai jamais compris que pendant que je produisais les meilleurs résultats pour le football de mon pays, c’est en ce moment que j’étais avili par quelques représentants du gouvernement malien. Nous avons remporté la 1re Coupe d’Afrique junior pour le Mali en 2015. En 2017 nous avons pris le même trophée. Sous ma présidence, le Mali a été vice-champion du monde au Chili. Nous avons été 3e mondial avec à la clé le prix du meilleur junior en Nouvelle Zélande. Le Mali a été vice-champion d’Afrique au Rwanda.
Entre-temps, j’ai fait gazonner sur fonds propres de la Fémafoot 10 terrains de football pour les clubs de 1re division. J’ai électrifié à peu près 6 terrains de football pour que les clubs de 1re division puissent avoir beaucoup de temps d’entraînement. Parce qu’au Mali les entraînements se font entre 16 h et le coucher du soleil. Ce qui équivalait souvent à une heure de temps d’entraînement. Ensuite, avec l’aide de la Fifa, mon bureau a mis du gazon synthétique de dernière génération sur le terrain de Tombouctou qui a coûté 300 millions de F CFA. J’ai pu faire bénéficier des régions quand j’étais à la tête de la Fédération.
Mais malgré tous ces résultats, j’étais devenu l’homme à abattre, la cible d’un ministre de la République commandité par les plus hauts responsables du pays. La première opposition à la Fédération malienne de football était le ministre des Sports de l’époque. Tellement nos rapports étaient difficiles, il est arrivé à fermer les stades à la veille d’une compétition en empêchant les joueurs de l’équipe nationale de s’entraîner. Pour ce match, les joueurs n’étaient pas dans de bonnes conditions. J’ai pris un hôtel de luxe pour interner les joueurs dans de bonnes conditions.
L’animosité était grande entre la Fédération et le ministre des Sports. Au départ de l’équipe au Chan du Rwanda, le même ministre a refusé d’acheter des médicaments pour les joueurs. C’est quand le Mali s’est qualifié à la finale, qu’il a voulu remettre l’argent des médicaments. Avec le ministre Housseyni Amion Guindo, pour la première fois, un ministre a refusé de payer les primes des joueurs alors qu’il avait un budget pour ça. Quand j’étais président, c’est moi qui payait les billets des clubs participant aux compétitions africaines. Le ministre des Sports n’a jamais donné un franc de l’argent que le gouvernement mettait à sa disposition pour le football. Je le défie de le démentir. Dans le budget d’Etat l’argent est donné au ministre pour les fédérations. Il n’a jamais donné cet argent. A un moment donné, il est même allé à la Fifa pour dire de me chasser parce qu’il ne s’entendait pas avec moi. Les responsables de la Fifa ont refusé de le recevoir. Je n’ai jamais vu un ministre comme lui. Ce jour, il a été la honte pour le Mali. Cela ne lui a pas suffi. Il a pris la décision de suspendre la Fédération. Le gouvernement l’a contraint de revenir sur sa décision. Ensuite, il payait des gens pour nous insulter au terrain.
Housseyni Amion Guindo ne méritait pas d’être ministre. Je ne sais ce que nous lui avons fait. Il m’a même accusé de détournement de 2 milliards de FCFA. Durant les 4 ans que j’ai passées à la Fédération, la Fifa nous a donné 1 250 millions FCFA (ndlr : 1,250 milliard). Ensuite, il a porté plainte contre nous au Pôle économique.
Pendant 3 mois d’investigation, le Pôle économique a décortiqué tous nos dossiers sans trouver quoi que ce soit. Le procureur du Pôle économique a prononcé un non-lieu. Cela ne lui a pas suffi, il a écrit des lettres anonymes à la Fifa pour nous accuser de détournement. La Fifa a mandaté un cabinet suisse, Madar, pour nous contrôler. Ce cabinet n’a rien trouvé contre nous. Voilà pourquoi je n’ai pas voulu continuer. Je me suis arrêté là. Je ne me suis pas porté candidat à ma propre succession.
J’ai arrêté en 2017. Je veux que le ministre et ses commanditaires sortent pour dire ce que Baba leur a fait. Poulo était un bon petit frère pour moi parce que nous avons fait ensemble le bureau de Salif Kéita dans lequel j’étais 2e vice-président et lui 3e vice-président. Nous avons bien collaboré. C’est quand il est devenu ministre qu’il y a eu rupture entre nous. Qu’est-ce qui explique cette rupture ? […] J’aurais souhaité qu’il donne sa version des faits pour taire cette crise. Je le défie pour un débat contradictoire”, déplorait-il amèrement, sans jamais voir le ministre en question relever son défi d’un débat contradictoire, jusqu’à sa mort.