Ancien international malien (87 sélections entre 1997 et 2014) et passé par Lens (1999-2008) et Auxerre notamment (2008-2014), Adama Coulibaly, dit « Police », a accordé une interview exclusive à Afrik-Foot. Les maux dont souffre football malien, les souvenirs de sa carrière, la saison du RCL et de l’AJA… L'ex-défenseur central de 44 ans n’a éludé aucun sujet.
Que devient Adama Coulibaly ?
Je suis à Auxerre. J’ai décidé de vivre ici avec ma famille à la fin de ma carrière. J’entraîne en R2 après avoir passé tous mes diplômes.
Votre ancien coéquipier à Lens, Rigobert Song, a récemment été nommé sélectionneur de la Centrafrique. Est-ce un rêve pour vous de diriger un jour les Aigles du Mali ?
Plusieurs joueurs de cette génération sont sur les bancs de touche actuellement. Ce sera une fierté pour moi si un jour la Fédération malienne de football fait appel à moi. Je suis prêt pour ce défi. J’aime mon pays et je suis prêt à tout pour le faire briller. Le Mali a ses fils partout, et ils sont compétents.
En parlant des fils du Mali, Éric Sékou Chelle a récemment signé avec le Nigeria. Êtes-vous surpris par cette signature ?
Je viens de vous le dire, le Mali a des fils compétents un peu partout dans le monde. C’est un grand peuple. Éric va diriger l’une des meilleures sélections africaines. Si le Nigeria est parti le chercher, c’est parce qu’il est compétent. Je lui souhaite d’ailleurs bonne chance.
« Le Mali devait garder Eric Chelle »
Pourquoi le Mali ne l’a pas gardé selon vous ?
Je ne sais pas ! Ce qui est sûr, c’est qu’il devait le garder. Il a produit l’un des meilleurs footballs à la dernière Coupe d’Afrique des nations. Il a réussi à qualifier le Mali en quarts de finale. Les décideurs du Mali auraient pu le laisser en place. Ils doivent s’inspirer du Sénégal et de l’Algérie. Aliou Cissé est resté 9 ans en place. Le résultat, on le connaît tous. Belmadi aussi ! Au Mali, on refuse de donner du temps au sélectionneur.
C’est simple, ils doivent mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. C’est un pays où tout est politique. Le football malien est dirigé par des personnes qui n’ont rien à faire dans ce sport. Ils ne le connaissent pas. Dans les autres pays, ils ont compris. Le football est géré par les anciens footballeurs. Le haut niveau a des règles, il faut les connaître. Chez nous, tout est politique. C’est très compliqué et délicat au Mali.
Le président de la Fédération malienne, Mamoutou Touré, dit « Bavieux », est en prison, les anciens internationaux se sont réunis à Paris pour sauver le football malien. Que faire selon vous ?
Que faire ? Je vais me répéter : arrêter de mêler la politique et le sport. Ce sont deux domaines différents.
« J’échange souvent avec Seydou Keita »
Suivez-vous toujours les résultats de votre premier club, le Djoliba ?
Ah oui, toujours ! Cette année, c’est très compliqué pour le Djoliba. En Ligue des champions, c’est aucune victoire en phase de poules, aucun but marqué. C’est une saison difficile. J’ai suivi leur match en championnat, je veux parler du dernier face à la Police, ils ont fait match nul (interview réalisée fin janvier, ndlr). C’est une saison à oublier pour le Djoliba.
Au Mali, on vous appelle « Police » Coulibaly, pourquoi ?
(Rires) Vous savez quand j’étais petit puis adolescent, je fixais moi-même les règles dans le quartier avec mes amis. Je faisais le policier on peut dire. Mon oncle me disait “tu fais le policier”, il a commencé à m’appeler « Police » et c’est resté. Ce n’est pas lié au football. Ce surnom est resté. Au Mali on m’appelle « Police », ici en France aussi, à Lens puis à Auxerre.
Quel est le meilleur footballeur avec qui vous avez évolué ?
Pour moi, c’est Seydou Keita. Je l’ai connu quand nous avions 15, 16 ans. Croyez-moi, il était trop fort. El-Hadji Diouf, c’était aussi quelque chose. Je peux aussi citer Benoît Pedretti.
“On n’arrêtait pas de se lancer des piques entre Sénégalais et Maliens”
Justement, Seydou Keita a un peu disparu des radars, que devient-il ? Vous avez de ses nouvelles ?
Bien sûr, j’échange souvent avec lui. Seydou vit entre Dubaï et Bamako. Il fait la navette entre les deux pays. Il suit de près ce qui se fait dans le football, pour ne pas dire qu’il a encore un pied dedans.
Vous pouvez nous raconter une anecdote sur vos anciens coéquipiers ?
En sortir une comme ça, ce n’est pas évident pour moi. Après, El-Hadji dans un vestiaire, c’est autre chose. Il est un petit peu ingérable. C’est quelqu’un que j’aime bien, on n’arrêtait pas de se lancer des piques entre Sénégalais et Maliens.
« Pour Lens, je crois que ce sera une saison de transition »
La sélection malienne aurait pu compter dans ses rangs un certain Alou Diarra avec qui vous avez évolué à Lens, pourquoi il n’a pas joué avec les Aigles ? Vous lui en vouliez ?
Ah non, jamais ! Alou reste un frère. Il a choisi de jouer avec les Bleus, c’est une décision que je respecte. Il ne faut pas oublier qu’il est né en France. Et je crois, si ma mémoire est bonne, qu’il était déjà international français avant de signer à Lens. Le Mali n’avait pas Alou mais avait Momo Sissoko, Seydou Keita et Djila Diarra, c’était du très lourd aussi.
En tant qu’éducateur, vous conseillez aux jeunes binationaux de choisir les sélections africaines ?
Oui, je le fais. Mais ce n’est pas évident. Pour le choix de la nationalité sportive, il y a la décision du joueur, celle de ses parents et de son entourage. Tout le monde a son mot à dire. Je vous donne l’exemple d’Abdou Diallo, capitaine de l’équipe Espoirs française. Du jour au lendemain, il a choisi le Sénégal. Il a été champion d’Afrique et a joué une Coupe du monde. Les jeunes africains nés en Europe doivent s’en inspirer.
Pour Lens, je crois que ça sera une saison de transition. Ils ont changé d’entraîneur et de manière de jouer aussi. Il faudra du temps. Ça joue bien, mais ça manque d’efficacité devant le but.
Pour Auxerre, ils avaient bien démarré la saison. C’est beaucoup plus compliqué depuis la reprise après la trêve hivernale. J’espère qu’ils vont relever la pente pour bien terminer la saison.
Quels sont vos meilleurs souvenirs avec Lens et Auxerre ?
Avec Lens, je ne peux parler de meilleurs souvenirs. Le titre perdu lors de la dernière journée à Lyon, je ne vais jamais l’oublier (en 2002, ndlr). Avec l’AJA, nous étions fiers de terminer 3es du championnat (en 2010, ndlr) car on ne nous attendait pas à ce niveau.