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Crise malienne : Quelle communication en cette période
Publié le mercredi 4 juillet 2012   |  Les Echos




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Celui qui dispose de l’information détient le pouvoir, a-t-on coutume de dire. Aucun gouvernement ne peut réellement gouverner dans la paix et la tranquillité s’il ne dispose pas d’un service de renseignements efficace et bien organisé. L’information produite doit être traitée afin qu’elle serve les objectifs de gouvernance.

L’information maîtrisée contribue à donner de la vision à une politique de gouvernement et une direction aux objectifs de développement d’un pays. Un pays qui en est dépourvu ou qui l’utilise mal se retrouve dans une gouvernance de pilotage à vue et la gestion des rumeurs devient le jeu favori que les gouvernants eux-mêmes finissent par « valoriser« . Ainsi, les canaux officiels d’information du gouvernement deviennent les lieux de lutte d’influence inutile et des cadres propices à la répression au service d’intérêts partisans très éloignés des objectifs de gouvernance et de développement du pays.

Au Mali des dernières décennies, on a laissé se développer « les canaux parallèles d’information« créant une sorte de frustration chez les professionnels du renseignement. Les « ennemis« ayant eu vent de cela ne se sont pas privés de « manipuler« avec une certaine aisance (ce qui est de bonne guerre) ces sources parallèles d’information qui ont contribué à rabaisser le niveau de la gouvernance.

Notion de communication de crise

« Une crise est un changement soudain et brutal entre deux états, qui provoque une rupture d’équilibre : phénomène grave, mais néanmoins normal, il vient perturber le fonctionnement […]. Pour ne pas subir la crise, il faut alors prendre en main sa résolution et sa communication« . Quant au Nouveau Petit Robert, il définit la crise comme une « phase grave dans l’évolution des choses, des évènements, des idées« .

Le Mali se trouve dans une situation de crise grave de gouvernance de l’Etat provoquée par deux faits majeurs : la prise des armes contre l’Etat dans le Nord qui a conduit à l’occupation des 2/3 du territoire et la mutinerie de certains militaires qui a abouti à la démission du chef de l’Etat. Ces deux phénomènes fortement entrelacés ont crée un état de choc tel que six mois après le début l’onde continue à faire des vagues difficiles à maîtriser.

Une crise à une (des) cause (s) et des conséquences qu’il faut apprendre à connaître afin de pouvoir les gérer efficacement. Et le temps n’est pas le meilleur allié du gestionnaire d’une crise. « Le temps joue pour la crise, contre les responsables. On connaît la loi chère aux sapeurs-pompiers, plus sévère encore pour les crises : ‘une minute, un verre d’eau ; dix minutes, un camion ; une heure, une caserne’. Elle s’applique plus encore en situation d’événement majeur« .

C’est une véritable course contre la montre qui est engagée actuellement par le gouvernement de transition qui en plus de la pression pour la libération des zones occupées doit faire face à la pression politicienne interne de ceux qui estiment le temps venu pour eux de dire leur mot en étant partie prenante entière à la gestion du pays matérialisée par des postes ministériels.

Un bouleversement qui mérite réflexion

Depuis le 19 janvier 2012, le Mali est entré dans un tournant décisif qui a pris une pente raide le 22 mars avec les événements qui ont conduit à la démission du chef de l’Etat. La pente du 22 mars est raide pour tous les acteurs selon le camp dans lequel ils se situent : vers l’abîme pour ceux qui se réclament de l’ancien régime vers un renouveau de rectification du peuple pour ceux qui estiment cela salutaire et les autres observent sans rien comprendre de la « folie« qui s’est emparée de tous ces « gens qui s’agitent sans s’écouter les uns les autres« .

Pour l’iman de la mosquée de Tombouctou « tout le marche sur la tête« . Et l’homme de foi de dire qu’« il est temps qu’on s’arrête en cours de chemin pour réfléchir et repartir sur de nouvelles bases« et cela afin d’arrêter la chute vertigineuse actuelle du Mali.

Qu’a-t-on constaté depuis le 19 janvier, jour des premières attaques dans le Septentrion malien dans les médias à Bamako ? Dans le comportement de nos gouvernants ? En un mot on pourrait parler d’étalage d’état d’âme plus ou moins déshonorants les uns que les autres qui ont contribué à désorienter les populations qui ne comprennent rien à cette agitation qui n’a fait que rajouter à la confusion et à la « surprise« des premières heures.

« On ne peut pas comprendre qu’à une heure aussi cruciale pour le Mali où les hommes politiques, les leaders religieux, les personnes ressources, les hommes intègres qui doivent se réunir pour chercher une solution de sortie de crise se mettent dos-à-dos. On est tous aveuglés par notre passion ou l’on est en train de suivre Satan. On a des yeux pour voir, mais on a aussi des oreilles pour ne rien entendre. Parce que chacun est aveuglé par sa passion. C’est une honte pour le Mali« , ainsi se désole l’iman de la Grande mosquée de Tombouctou, dans « Les Echos« .
Quel rôle pour les médias ?

Les journaux se sont fait l’écho des rancœurs et frustrations contenues ou subitement nées.

De l’intérieur, on nous rapporte que les radios de proximité ont été plus que des relais mais de véritables sources de haine pour certaines d’entre elles. Pendant tout ce temps, le téléspectateur de la seule chaîne nationale de télévision avait l’impression que rien n’avait changé en dehors des interviews qui étaient balancées parfois n’importe comment sans aucune annonce préalable ou des communiqués ou déclarations à profusion que tous les regroupements de circonstance pouvaient venir lire.

Les conditions de travail étaient certes difficiles et il faut certainement saluer l’esprit de sacrifice de certains agents pendant ces moments troubles. Mais il faut reconnaître le rôle pas encourageant qu’ont joué un certain nombre de mass-média dans cette période difficile pendant lesquels tout citoyen s’attendait à un élan de patriotisme de leur part. Qui mieux que les responsables de ces médias de proximité pour en parler. Et le quotidien national « L’Essor« dans un excellent papier publié le 27 juin 2012 ressort cela très clairement.

Ainsi, on peut lire que : « A la veille du coup d’Etat du 22 mars, comme le paysage politique, le paysage médiatique particulièrement radiophonique s’est retrouvé divisé entre les différentes tendances politiques selon les affinités et les lignes éditoriales des radios. Tandis que certaines stations s’efforçaient de jouer la carte de la neutralité, d’autres, par contre, ont plongé avec délices dans les dérives du militantisme, l’usage du sensationnalisme, de la rumeur. Au fur et à mesure que les tensions politiques s’accentuaient, la confraternité a été violemment bafouée et les appels à la haine se sont multipliés. Le président de l’Urtel, Daouda Mariko, constate que le contenu de certaines radios pendant cette période n’était pas de nature à favoriser la cohésion tant recherchée. Cela s’explique, analyse-t-il, par la déconfiture des valeurs sociales et culturelles que ces crises ont engendrée« .

Triste constat fait par tout le monde dans le pays mais malheureusement personne n’a, semble-t-il, le courage de le dénoncer comme le laisse penser M. Mariko qui se dit être « peiné de constater […] que personne n’a le courage de désigner le nom de ces radios« .

Le coordonnateur des Radios Sikoro de Ségou, Moustapha Maïga, est encore plus explicite : « Sincèrement, je pense que certaines radios contribuent à empoisonner le climat social et à radicaliser les positions des différentes tendances. A l’heure, où nous sommes, le Mali a surtout besoin de radios qui donnent de l’information avec le plus grand patriotisme possible tout en observant les règles d’éthique et de déontologie de la profession. Il faut éviter tout comportement qui favorise l’incitation à la violence et le trouble à l’ordre public« .

Le timide communiqué de mise en garde du ministre de la Communication au lendemain de l’agression du chef de l’Etat avait laissé entrevoir que quelque chose allait se passer mais force est de constater que le consensus à la malienne s’est encore imposé « pour laisser les gens travailler« .

C’est ce laxisme qui ne repose sur aucune valeur positive qui a fait basculer le Mali dans la situation actuelle et les leçons doivent être tirées de cela afin de développer et mettre en œuvre des règles de gestion de l’espace médiatique plus rigoureuses si les médias peinent à se responsabiliser.

Le Forum pour la paix et une transition apaisée au Mali, tenu les 29, 30 juin et 1er juillet par la Maison de la presse demande qu’une plus grande place soit accordée aux médias dans la gestion de la crise. Ce qui paraît tout à fait normal, mais il appartient à ces médias de se montrer à la hauteur de la mission que personne n’a besoin de leur confier en ce moment précis en dehors peut être d’un certain accompagnement.
Quoi dire et que taire ?

La visite du Premier ministre à Paris en juin 2012 a été une occasion de se rendre compte que notre pays avait toujours besoin d’apprendre à communiquer sur la situation de crise que nous traversons. Les « révélations« faites sur l’état de déliquescence de l’armée ont été un peu « trop poussées« .

Certaines informations sont trop précieuses pour être livrées comme ça très gratuitement à la face du monde sans aucune couverture par celui qui est chargé de nous donner confiance. Ce ne sont pas ses larmes devant la presse et la communauté malienne qui ont contribué à rassurer sur ses efforts, loin de là. Cela a été perçu comme un « aveu de défaite« pour certains et d’autres s’interrogent :
- Est-ce le signe de sa résignation ?
- Est-ce la reconnaissance de sa faiblesse ?
- Est-il impuissant ou incapable d’action face à la réalité?

Rien de tout cela, sommes nous tentés de dire. Le PM s’est juste laissé emporter par ses propres émotions. Dans la communication, les larmes du faible appelle à la sympathie mais celles d’un leader en période de détresse (crise, guerre) sont plutôt l’expression d’une faiblesse ou d’une impuissance face aux problèmes qu’il est appelé à résoudre. Elles créent le doute dans les populations et peuvent créer chez les gens soit de la violence, le découragement ou de l’indifférence, dans tous les cas c’est la stratégie de défense qui se trouve affaiblie ; toute armée ayant besoin du soutien du peuple.

Le « chef« est le baromètre de la confiance et de la fierté nationale. Quant il/elle se comporte « bassement« comme tout le monde, la dignité nationale s’en ressent. Le chef ne doit pas faire ressentir du complexe lorsqu’il est porteur d’un élément qui, pour le citoyen ordinaire, peut être source de frustration dans certaines situations.

A titre d’exemple, en visite aux USA juste après son élection, François Hollande est interrogé, après une réception par Barack Obama, s’il avait été impressionné par la Maison Blanche. « On ne doit être impressionné par rien quand on est le président d’un pays comme la France !« , a-t-il répondu. La France n’est pas le Mali, juste pour dire que le Premier ministre dans les circonstances actuelles (pleins pouvoirs en l’absence du chef de l’Etat), se doit d’être « sans reproche sur la dignité nationale« .

ATT a été « la main de Dieu« pour le Mali depuis la transition démocratique de 1991. Son retour avait été, pour beaucoup, interprété comme soit la confirmation de cette « bénédiction« pour le Mali soit l’ouverture de la boîte d’infamie que le Mali est en train de subir. La situation actuelle est une succession de petites choses qui ont été la source d’une trahison suprême, celle de faillir à la réalisation de la volonté divine pour le Mali.

Allah ne pouvait tolérer cela tant qu’il n’y a pas d’âme ayant ressenti cette vibration positive et essayer de l’arrêter. Tous ont « contribué« à la trahison contre le Mali guidé par Satan qui a fait croire que le Mali était sur la bonne voie. Si nous étions sur la bonne voie pourquoi tout peut-il s’écrouler si facilement ? Tout simplement parce que le Mali a été trahi.
Prenez le cas de la fonction publique. Qui n’était pas content de pouvoir caser son frère, neveu, fils, cousin, oncle ou je ne sais quoi au masculin comme au féminin ? Personne, et s’il fallait même pour cela emprunter les voies les plus abjectes qui soient. La falsification ou la vente de faux diplômes en était le moindre mal. Quel individu de bonne foi peut dire qu’il ne savait pas qu’il y avait beaucoup de cas de ce genre au Mali depuis 1992 ? Qu’avons-nous fait pour arrêter cela ?

Et lorsque je lis « il ne faudrait pas que cette affaire ait le goût d’inachevé auquel nous sommes habitués au Mali. Le ministre doit se départir des considérations sociales et politiques pour remettre un peu d’ordre et résoudre définitivement des actes qui ternissent l’image de notre fonction publique depuis des années et qui sont à la base du désamour des jeunes diplômés envers celle-ci, tant les recrutements se faisaient de façon occulte« .

Ce qui me fait dire que jusque-là rien n’a été compris du rôle que chacun de nous doit jouer dans la construction du Mali. A trop croire que le ministre en « super homme« peut tout, tout seul, on laisse fabriquer des monstres qui disposent de nos vies et choisissent les raccourcis qui consistent à endormir les gens et à s’accaparer des ressources disponibles à des fins bassement serviles et futiles.

Et maintenant que le ministre est allé jusqu’au bout, car il aurait signé le décret de radiation des 2000 personnes concernées, qu’est-ce qui va se passer maintenant que l’UNTM serait prête à « faire le rappel de ses troupes« contre cette mesure, selon « Le Canard Déchaîné« ? Il faut qu’en tant que citoyen chacun se donne un rôle afin de contraindre à une bonne gouvernance du Mali.

Pour revenir aux « révélations« , lorsque le chef de l’Etat, ATT a reçu les femmes des camps donnant « gratuitement« des détails sur notre « disponible » en matériel militaire, cela donne du courage à un ennemi. Le devoir national recommandait de censurer à la diffusion publique certaines séquences de ce monologue devant les femmes que le président cherchait à convaincre de sa bonne foi.

Savoir anticiper

On n’a jamais su anticiper les crises au Mali. A commencer par la résurgence des rébellions. Tous les observateurs avertis savaient qu’au Mali quelque chose allait se passer depuis la fin de l’année 2009. Les signaux étaient là. Et même quand les premières attaques ont eu lieu, il nous revient que certains chefs d’Etat voisins ont appelé leur homologue du Mali qui, semble-t-il aurait minimisé la chose en prétendant que ce sont les agissements de jeunes désœuvrés à qui il fallait trouver de quoi s’occuper.

La gouvernance d’un pays relève d’une bonne planification couplée d’une capacité d’anticipation à toute épreuve. Les services de renseignements contribuent à renforcer les capacités d’anticipation si on en fait un bon usage. Mais tout cela est une question de vision. De cela nous en parlerons la prochaine fois.

Sidi Coulibaly
(journaliste à Ouagadougou)

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