Suspension des partis politiques : l’ONU dénonce une « violation directe des droits humains »
Bamako est sous tension. La décision des autorités de transition maliennes de suspendre les activités des partis politiques jusqu’à nouvel ordre suscite une vague d’indignations tant à l’intérieur du pays qu’au niveau international. Un groupe d’experts indépendants des Nations Unies a vivement condamné cette mesure, la qualifiant de « violation directe des droits humains fondamentaux », a révélé ONU info le jeudi 8 mai 2025.
Les spécialistes onusiens Eduardo Gonzalez, Irene Khan et Gina Romero appellent, dans un communiqué conjoint, à l’abrogation immédiate du décret controversé et alertent sur un projet de loi qui pourrait restreindre davantage les libertés politiques au Mali.
« Ce décret suspendant les activités politiques doit être immédiatement abrogé. Le projet de loi du 30 avril, s’il est adopté, mettra le Mali en infraction vis-à-vis de ses engagements internationaux, notamment en matière de liberté d’association et d’expression », ont-ils martelé.
La junte malienne, au pouvoir depuis près de cinq ans, justifie ces mesures par une volonté de « mettre fin à la prolifération des partis politiques ». Le ministre de la Communication, Alhamdou Ag Ilyène, a précisé que cette suspension « n’est ni une interdiction définitive, ni une remise en cause du pluralisme ».
Mais pour les observateurs, le climat politique actuel rend tout dialogue impossible. Les partis d’opposition dénoncent une stratégie visant à étouffer l’espace civique. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs boycotté les consultations d’avril 2025, censées préparer la révision de la Charte des partis politiques. Ils redoutaient – à juste titre – que ces discussions servent à légitimer la mise à l’écart de la classe politique.
Les experts de l’ONU s’inquiètent aussi du contenu du projet de loi qui conditionne l’enregistrement des partis à des exigences financières élevées, rendant l’engagement politique inaccessible aux formations disposant de faibles moyens.
« Cela risque de réserver la participation politique aux élites économiques, ce qui est contraire aux principes fondamentaux de la démocratie », dénoncent-ils.
Le texte prévoit également d'imposer de nouveaux critères qui pourraient exclure une majorité d’acteurs politiques du paysage électoral. Une dérive autoritaire, selon les experts, qui pourrait être aggravée si le Conseil national de transition (CNT), présidé par le général Malick Diaw, l’adopte dans sa version actuelle.
Face à ces décisions, la société civile et plusieurs formations politiques ont tenté de mobiliser. Une manifestation prévue ce 9 mai à Bamako a été reportée par crainte d'affrontements. Le Collectif pour le respect de la Constitution accuse des partisans du régime de vouloir saboter ces rassemblements pacifiques.
« Le droit de se réunir pacifiquement est essentiel à toute société politique saine. Les autorités doivent s’abstenir de toute forme de répression ou d’intimidation », rappellent les experts onusiens.
Plus inquiétant encore : selon certaines recommandations issues des dernières consultations, le nom du général Assimi Goïta, actuel chef de l’État, aurait été proposé pour diriger le pays sans élection pendant cinq ans renouvelables. Une orientation perçue comme un passage en force, qui bafoue les principes de transition démocratique initialement annoncés.
Les experts des Nations Unies concluent en réitérant leur volonté de soutenir les autorités maliennes à réviser leur projet de loi, pour l’aligner sur les normes internationales en matière de droits humains. Mais ils mettent en garde : tout affaiblissement du pluralisme politique met en péril la stabilité, la cohésion nationale et l’avenir démocratique du Mali.
« Les libertés d’expression, d’association et de participation politique ne sont pas négociables. Elles sont le socle de toute démocratie durable ».