La junte au pouvoir au Mali a suspendu "jusqu'à nouvel ordre" la chaîne de télévision française TV5 Monde, lui reprochant un manque d'impartialité dans un reportage sur une manifestation de l'opposition, selon une décision consultée par l'AFP mardi.
TV5 Monde avait déjà été suspendue pour trois mois par la junte en 2024."Il a été décidé de retirer de vos bouquets les services de la télévision TV5 Monde jusqu'à nouvel ordre", a indiqué la Haute Autorité de la Communication (HAC) dans un courrier adressé aux distributeurs de services audiovisuels.
La chaîne n'était plus accessible au Mali mardi, a constaté un journaliste de l'AFP.
Dans son journal Afrique du 3 mai, TV5 Monde a fait état d'une manifestation à Bamako de l'opposition contre une possible dissolution des partis politiques par la junte au pouvoir. Ce jour-là, dans un acte de protestation rare depuis l'arrivée au pouvoir de la junte, une nouvelle coalition de l'opposition avait réussi à mobiliser plusieurs centaines de personnes dans la capitale malienne.
La junte a finalement annoncé mardi après-midi la dissolution des partis politiques, dans un décret présidentiel lu à la télévision nationale.
Cette décision est la dernière d'une série de restrictions aux libertés prises par les militaires, au pouvoir depuis deux coups d'Etat en 2020 puis 2021, pour consolider leur régime.
La HAC reproche à la chaîne TV5 Monde de n'avoir le 3 mai donné la parole qu'aux responsables de partis, et d'avoir tenu des "propos difamatoires" contre les forces de l'ordre.
Les militaires qui ont renversé le président civil Ibrahim Boubacar Keïta en 2020 ont rompu en 2022 l'alliance avec la France et ses partenaires européens, pour se tourner militairement et politiquement vers Moscou.
Plusieurs médias français comme France 24 et Radio France Internationale (RFI), très suivis au Mali, ont été suspendus de manière permanente.
- "Coup de massue" -
La chaîne France 2 avait aussi été suspendue temporairement début 2024, avant que la chaîne LCI ne connaisse le même sort fin août. Ces suspensions ont depuis été levées.
Les correspondants d'un certain nombre de médias étrangers ont été contraints au départ, à l'exil ou au silence faute de pouvoir travailler.
La chaîne TV5 Monde, qui a pour vocation de promouvoir la culture et la création francophone sous toutes ses formes, est l’opérateur oficiel de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Son capital est partagé entre des entreprises audiovisuelles publiques françaises (dont France Télévisions), belge, suisse, canadienne et québécoise.
"Nous nous alarmons et dénonçons la décision manifestement abusive prise par la Haute autorité de la communication de suspendre TV5 Monde à la suite d'un reportage sur les manifestations populaires dans le pays", a dénoncé mardi la directrice éditoriale de Reporters sans frontières (RSF), Anne Bocandé, dans un communiqué transmis à l'AFP.
Mme Bocandé, qui réclame le "rétablissement immédiat de l'accès à la chaîne de télévision généraliste francophone internationale", fustige "un énième acte d'intimidation et de pression à l'encontre des médias dans un pays où les conditions d'exercice du métier ne cessent d'être entravées".
"C'est un nouveau coup de massue pour le paysage médiatique malien qui prive les citoyens de leur droit d’accès à une information plurielle", relève Mme Bocandé.