Jadis considéré comme la vitrine de la démocratie et du respect des droits et libertés en Afrique de l’ouest, le Mali sous Assimi Goita est en passe de devenir un no man’s land où règnent la terreur et l’anxiété dans toutes leurs dimensions les plus abjectes. De Modibo Keita premier Président du Mali indépendant à IBK le dernier Président élu qui a été renversé par un putsch, en passant par Alpha Oumar Konaré, le premier Président démocratiquement élu jusqu’à ATT, le Père de la démocratie malienne, jamais les libertés et les droits fondamentaux n’ont été aussi confisqués et bâillonnés que sous le Général d’armée Assimi Goita. Même pendant les années de plomb d’un autre général putschiste, en l’occurrence Moussa Traoré les citoyens avaient une petite marge de liberté et parvenaient à s’exprimer. 34 ans après la fin de ces années de plomb, après une lutte acharnée du vaillant peuple pour l’avènement de la démocratie nous voilà entrain de retomber dans une autre période sombre de l’histoire moderne de notre pays, celle de la restriction des libertés de la remise en cause de la lutte du peuple, ou encore celle de la mise entre parenthèses des précieux acquis démocratiques, ou simplement de notre retour dans le concert des nations civilisées. Le Mali est revenu à la case départ celle de la dictature des années 1968 – 1991, cette période, soit 23 ans durant, a été une des grosses parenthèses noires dans un Mali qui avait pourtant amorcé son virage sous le leadership du Président Modibo Keita et cela tant sur le plan économique que diplomatique. Pour rappel, même avec notre brouille diplomatique avec l’ancienne puissance coloniale qu’est la France, le Mali était loin d’être isolé sur le plan diplomatique, comme c’est le cas aujourd’hui. La voix du Mali était audible dans tous les foras, cette même voix s’est éteinte aujourd’hui pour ne laisser place qu’à la baïonnette, à la répression, à la brimade.
La mise sous mandat de dépôt de l’ancien premier ministre Moussa Mara, pas pour avoir détourné un centime du contribuable malien, mais plutôt pour avoir émis son opinion sur les questions communes, celles d’un pays en gravissime crise multidimensionnelle, est le comble de la restriction des libertés dans notre pays. Moussa Mara le plus jeune premier ministre de l’histoire politique de notre pays est désormais le symbole de la résistance, de la résilience et de l’audace. Son incarcération pour les charges qui sont les siennes est la preuve de la volonté affichée des autorités de faire taire toutes les voix antinomiques aux discours officiels. Son arrestation sonne comme une faute de trop et elle est la preuve que le régime est aux abois, qu’il est à cours de solutions face aux nombreux défis qui se posent à notre pays. La question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir si les autorités maliennes sont conscientes des conséquences à court, moyen et surtout long terme de toutes ces actions antidémocratiques et anti droit- de- l’hommistes d’une époque assez révolue. Qu’elles comprennent qu’il y a une vie après le pouvoir, car nul n’est éternel tout comme aucun pouvoir ne l’est. C’est vraiment inédit dans notre pays depuis l’avènement de la démocratie qu’un ancien PM soit mis sous mandat dépôt pour avoir émis son opinion. Comme pour dire que dans un pays où on arrête un ancien PM pour un oui ou un non, nulle autre personne n’est à l’abri du rouleau compresseur du régime qui a décidé d’ériger la terreur, l’oppression et la panique pour faire taire toutes les voix dissonantes.
Cette panique qui s’est emparée de l’opinion a été tellement forte que même les camarades de notre PM Moussa Mara jouent à la prudence dans leurs messages de dénonciation et de condamnation. Certains ont simplement fait le choix de se terrer chez eux, même pas une réaction de condamnation, de peur de ne pas subir le même sort que l’ancien PM Moussa Mara. Si et seulement si les autorités pouvaient comprendre que la démocratie est irréversible, car elle a été acquise au prix du sang des martyrs, elles auraient réfléchi mille fois avant de poser les actes mortifères à l’endroit de ce précieux bijou. Aujourd’hui elles ont le vent en poupe, mais nul ne saurait deviner de quoi demain sera fait. Conseil d’un sage. Les libertés sont certes malmenées aujourd’hui, mais elles résisteront à toute tentation de leur démolition, car elles sont écrites en lettres d’or au fronton de la République, donc inoxydables.
Youssouf Sissoko