Décidément la roue de l’histoire tourne et personne ne pourra l’arrêter. Il y a juste quelques années le Ministre des affaires étrangères et de la Coopération internationale M Abdoulaye Diop dans un discours à la fois souverainiste et populiste à la tribune des Nations Unies demandait sans ambages le départ sans délai de la MINUSMA du sol malien. Ces forces étrangères étaient considérées comme des forces d’occupation et surtout de soutien aux forces du mal. Trois ans après ce discours souverainiste du ministre Abdoulaye Diop c’est un autre discours qui vient d’être livré à la réunion du conseil de sécurité de la même organisation, pas par le même ministre, mais par le premier partenaire du Mali en termes de lutte contre le terrorisme, à savoir la Russie. En effet Dmitri Tchoumakov, le représentant permanent adjoint de la Russie auprès de l’ONU lors de son intervention à la réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies a déclaré sans ambages que le Mali, le Burkina Faso, et le Niger ; membres de l’Alliance des Etats du Sahel AES, ont besoin d’un soutien collectif à l’échelle mondiale, car ils sont devenus la principale ligne de front dans la lutte contre les groupes terroristes en Afrique de l’ouest. Ce discours qui sonne comme un désaveu cinglant à celui précédemment tenu par le Ministre des Affaires Etrangères du Mali, donne du coup raison à tous ceux qui avaient estimé que la présence des Forces étrangères sur le sol malien, bien que problématique, étaient un mal nécessaire, eu égard à la complexité du phénomène et au niveau de préparation de nos armées à faire face à ce nouveau phénomène. La question qui taraude l’esprit des observateurs est celle de savoir si le représentant permanent russe a fait cette déclaration de son propre chef sans se référer aux pays de l’AES ou si c’est de concert avec ses partenaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
Dans tous les cas de figure, cette déclaration du représentant permanent adjoint de la Russie aux Nations Unies est aux antipodes de la posture et du discours des dirigeants de ces trois Etats de l’AES qui ont demandé, au nom de la préservation de leur souveraineté, le départ de cette même communauté internationale, à travers la MINUSMA, considérée comme une force d’occupation. Aujourd’hui le discours est à la sollicitation de cette même communauté internationale pour aider les trois pays de l’AES à lutter contre le terrorisme. Si cette sollicitation du représentant russe venait à prospérer qu’adviendrait il du ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop qui aura subi la plus grande humiliation pour avoir défendu le contraire il y a quelques années ? Va-t-il démissionner pour préserver sa dignité et son honneur ? L’histoire semble donner raison à ceux qui avaient estimé qu’il serait prématuré de demander le départ des forces étrangères quel que soient ce que l’on pouvait leur reprocher, pour la simple raison que nos armées ne sont non seulement pas formées pour lutter contre le terrorisme, mais aussi et surtout que nos équipements militaires ne sont pas adaptés à cela. Donc il fallait se donner le temps et les moyens pour faire face à cet hydre qu’est le terrorisme. Ses raisons tout aussi objectives auraient dû être l’ossature de tous les discours tenus par le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop partout où il passait. Cette posture audacieuse a cruellement fait défaut chez notre diplomate de carrière que j’ai souvent qualifié de diplomate de pacotille.
Il n y a aucune honte à solliciter les autres pour nous soutenir dans cette lutte contre le terrorisme, qui, faudrait-il le rappeler, va au-delà de nos Etats, mais qui est une menace planétaire. Quoi de plus de normal que de demander le soutien de la Communauté internationale pour éviter que cette digue que constitue le sahel ne se rompt pas au risque de voir le monde entier submerger par l’eau. Qui contrôle le sahel contrôle également une bonne partie du monde. Conscients de ce péril imminent, se rappelant de la cinglante défaite des grandes puissances en Afghanistan, en Syrie et en Irak les dirigeants des Etats du sahel ne doivent nullement se gêner à solliciter le soutien du monde entier avant qu’il ne soit trop tard. Leur avenir et celui de leurs Etats en dépendent fortement.
Youssouf Sissoko
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