Le 20 août, les États-Unis ont annoncé(https://thenationonlineng.net/us-sanctions-against-icc-representatives-raise-questions-about-court-credibility/0
de nouvelles sanctions à l’encontre de juges et procureurs de la Cour pénale internationale (CPI) pour leurs enquêtes impliquant Washington et Israël. Cette décision a suscité de vives réactions dans le monde juridique international. Le magistrat malien spécialisé en droit international public, Ousmane Coulibaly, a commenté cette situation, soulignant plusieurs aspects préoccupants concernant le fonctionnement et l’indépendance de la CPI.Selon M. Coulibaly, « l’indépendance du pouvoir judiciaire doit être protégée de toute pression ou représailles extérieures. En visant des juges pour leurs décisions, Washington porte atteinte à l’indépendance de la justice internationale, ce qui est contraire à l’idéal du procès équitable ».L’expert rappelle que, sur le papier, la CPI, créée par le Statut de Rome en 1998 et entrée en vigueur en 2002, se veut une juridiction indépendante et impartiale, chargée de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves tels que le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre ou le crime d’agression. Le statut constitutif de la Cour contient des garanties d’indépendance destinées à la protéger des pressions politiques. Cependant, dans la pratique, « de nombreux observateurs et États du Sud perçoivent la CPI comme un outil politique aux mains des grandes puissances, ou du moins comme une institution dont l’action reflète les rapports de force mondiaux plutôt qu’une impartialité absolue », précise Ousmane Coulibaly.L’expert dénonce notamment la sélectivité des poursuites. « Deux tiers des personnes mises en accusation par la Cour sont des Africains, alors même que des violations massives du droit humanitaire ont eu lieu en Irak, en Libye ou dans l’ex-Yougoslavie sans qu’aucun responsable occidental ne soit inculpé. Ce déséquilibre statistique confirme l’idée d’une justice à deux vitesses ou d’une justice à géométrie variable », explique-t-il.Les sanctions américaines sont, selon M. Coulibaly, une illustration flagrante du double standard qui affecte la CPI. « Tant que la Cour se concentre sur des situations concernant des États faibles ou des adversaires géopolitiques des États-Unis, son action est tolérée, voire soutenue ; en revanche, dès qu’elle s’approche des alliés stratégiques de l’Occident, elle est entravée et punie », souligne-t-il. Cette contradiction entre l’idéal légal d’égalité devant la justice et la réalité politique des grandes puissances révèle un détournement des instruments du droit international au profit d’intérêts géostratégiques .Du point de vue africain, et particulièrement pour les États de l’Alliance des États du Sahel (AES), l’incident conforte l’idée que la CPI est largement perçue comme partielle et orientée contre l’Afrique. « Depuis des années, de nombreuses voix africaines dénoncent une Cour qui agirait principalement contre le continent tout en restant impuissante face aux crimes commis par les grandes puissances ou leurs alliés », rappelle Ousmane Coulibaly.Face à cette situation, l’expert estime que l’Afrique doit envisager des alternatives. « L’Afrique ne peut compter que sur elle-même pour juger les crimes graves commis sur son sol, plutôt que d’attendre d’une justice internationale trop politisée qu’elle protège réellement les intérêts des victimes africaines sans discrimination ». Plusieurs États africains s’interrogent désormais sur la pertinence de demeurer parties au Statut de Rome et sur la création de juridictions indépendantes locales.Enfin, M. Coulibaly souligne que les prochaines années seront déterminantes. La CPI pourra-t-elle, par des réformes et une application plus égalitaire de la justice, regagner la confiance des États du Sud, ou verra-t-on l’émergence de nouvelles initiatives de justice alternatives, reflétant un ordre international multipolaire en pleine évolution ? Par Ahmed Camara