Si dans un passé récent, la carte du parti au pouvoir ouvrait toutes les portes, aujourd'hui, les règles d'accession aux postes à responsabilité et d'attribution de marchés publics ont changé. Il faut désormais être un protégé, recommandé par les hommes les plus influents de la gouvernance actuelle. La transition, censée être une gestion concertée pour donner un nouveau souffle à la marche du pays, semble privilégiée un corps social.
Au Mali, à chaque changement de régime, le peuple applaudit les nouveaux venus au pouvoir, pensant ne plus revivre les injustices sociales dont le régime déchu lui a fait subir. Du CMLN-UDPM à la transition en cours, en passant par les régimes démocratiques, ils ont tous bénéficié du soutien sans faille des masses populaires pour un véritable changement. Mais au fil du temps, le rêve d'une vie meilleure se transforme en cauchemar. Les tenants du pouvoir, après avoir inoculé du somnifère à une grande partie de la population, passent à la vitesse supérieure en violant le contrat social, dont l'article premier porte sur l'assainissement de la vie publique. Ce renouveau, qui devait nécessairement passer par le choix judicieux des hommes de rupture, dont leur crédibilité, intégrité ont traversé des âges au sein de l'opinion nationale, devient une illusion. Aussitôt, nous assistons à un tripatouillage dans les nominations. Alors que le véritable changement qui pouvait convaincre le peuple à toujours soutenir le régime en place, commence par la nomination des femmes et des hommes de bonne moralité. Sans se soucieux des attentes du peuple, certains cadres décriés du régime défunt sont réhabilités et appelés aux affaires. Ils sont nommés à des postes à responsabilité dans le nouveau système, censé tourner la page sombre du régime défunt et écrire une nouvelle page de l'histoire politique de notre pays. Sachant bien qu'ils sont responsables et comptables du bilan désastreux du pouvoir passé, les animateurs de la vie politique préfèrent ces hommes à ceux du peuple qui n’hésitent pas à rappeler les termes du contrat chaque fois qu’ils constatent qu’on s'éloigne des aspirations légitimes du peuple, à savoir une justice pour tous.
Pourtant, avec la dynamique en cours, c'est-à-dire la construction d’un Mali Koura (un nouveau Mali) débarrassé de l'injustice pour faire place à la promotion du mérite, l'espoir était là. Et ce flambeau, la transition devrait l'entretenir pour ne pas tomber dans le même piège que les régimes précédents. À savoir la main mise sur les nominations. Si dans un passé récent, la carte de membre du parti au pouvoir est un sésame pour ouvrir toutes les portes pour accéder à une ascension politico- sociale, aujourd'hui, la donne a changé. Ceux qui détiennent la réalité du pouvoir, nomment leurs camarades. Des nominations à certains postes à responsabilité commencent à cristalliser des mécontentements dans l'administration publique. Le constat serait qu’elles écartent de plus en plus les cadres civils compétents de la gestion de la chose publique.
Les langues commencent à se délier. Notre micro-trottoir est édifiant. «Mon chef a été relevé sans qu’on lui reproche quelque chose. Cela est resté au travers de ma gorge. Il était un cadre compétent. Il a donné le meilleur de lui-même pour la bonne marche de la structure. Il a été récipiendaire d’une médaille», se fâche cet administrateur qui a préféré garder l’anonymat. Cet autre agent de l’administration publique ne cache pas sa colère: «N’importe qui ne doit pas être nommé comme administrateur. L’administration a ses règles et codes. Nous regrettons que beaucoup marchent sur ces principes».
Pour ce cadre d’une direction nationale, les nominations à outrance des militaires me rappellent l’époque du Comité militaire de libération nationale (CMLN). Selon lui, ceux qui n’avaient eu de place dans le gouvernement ont été nommés gouverneurs, commandants de cercle, chefs d’arrondissement, mais aussi à la tête des directions nationales, des sociétés et entreprises d’État. La liste est loin d’être exhaustive.
Le tout militaire pèse lourdement sur les nominations. La transition ne devrait pas tomber dans ce piège à un moment où le Mali a besoin de tous ses fils pour faire face aux multiples défis dont il est confronté depuis 2012. À cette phase critique, le gouvernement doit revoir sa copie dans les nominations pour faire appel à d’autres compétences. Car, une des forces de notre pays réside dans la bonne collaboration entre civils et militaires dans la gestion de l’administration publique. Ce qui fait que le passage de certains est toujours rappelé (les colonels Youssouf Traoré (paix à son âme) au ministère de l’Éducation nationale, Missa Koné au ministère de la Santé et Issa Ongoïba (paix à son âme) à l’Office du Niger.
Yoro SOW