PARI - François Hollande a pu annoncer "une heureuse
nouvelle" avec la libération des otages d’Arlit, bonheur rare pour un
président malmené dans les sondages, mais sans doute pas à même de relancer un
exécutif encalminé, prévoient des experts.
Dénouement sans heurts d’une prise d’otages commencée pendant le
quinquennat précédent, joie des familles puissamment relayée par les médias
d’info continue, coup d’arrêt donné au torrent de commentaires négatifs sur
l’écotaxe suspendue et la manifestation bretonne maintenue: l’annonce d’Arlit
(Niger) est tombée à point nommée, mardi, pour le chef de l’Etat.
Une embellie prolongée mercredi avec l’accueil des quatre Français libérés
par le chef de l’Etat à l’aéroport militaire de Villacoublay, où s’étaient
massés une centaine de journalistes pour une cérémonie relayée en direct.
M. Hollande met ainsi ses pas dans ceux de ses prédécesseurs: Nicolas
Sarkozy accueillant la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt dans ce même
aéroport des Yvelines, Jacques Chirac s’y rendant pour la journaliste Florence
Aubenas.
Le chef de l’Etat a pu bousculer son agenda de Bratislava, où il était en
visite officielle mardi. Mais dans un domaine des plus délicats où des vies
sont en jeu - sept Français encore otages - il s’est gardé de tout
triomphalisme, mettant l’accent sur le rôle de son homologue nigérien,
Mahamadou Issoufou.
Ce qui n’a pas empêché plusieurs de ses proches de mettre en avant son
action: "Il y a un travail personnel du chef de l’Etat", a déclaré le chef de
file des députés PS, Bruno le Roux. C’est un président "qui ne lâche rien et
qui est courageux", a vanté François Rebsamen, son alter ego du Sénat.
Le courage: précisément la vertu que l’opposition dénie sans relâche à
François Hollande.
Mais dans un contexte de négociations nécessairement souterraines,
d’informations contradictoires sur de l’argent versé aux ravisseurs, ces
"hollandais" n’ont pas insisté outre-mesure.
Les familles elles-mêmes n’ont pas eu ces accents lyriques d’une Ingrid
Betancourt lançant en 2008 vers M. Sarkozy : "Je regarde cet homme
extraordinaire qui a tant lutté pour moi"...
L’impact de tels événements sur l’opinion publique est de toute façon
incertain, fluctuant, note le politologue Jérôme Fourquet. Comparant les
popularités mesurées par l’Ifop pour le JDD avant et après des libérations, il
relève qu’il n’y a pas toujours eu de bonus: Jacques Chirac dévisse de 12
points en juin 2005, l’effet Aubenas ne contrebalançant nullement l’échec du
référendum européen.
Scepticisme
La popularité de Nicolas Sarkozy perd 6 points en février 2010, malgré la
libération de Pierre Camatte du Mali. Mais il en gagne 6 en juin 2011 au
retour des journalistes Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier.
C’est que "la libération n’est pas invariablement et sans contestation
imputée à l’action de l’exécutif" et plus généralement, les événements de
politique étrangère "ont peu d’impact sur le moral de Français inquiets du
chômage et de la pression fiscale", note M. Fourquet.
Même scepticisme chez son collègue d’Harris Interactive Jean-Daniel Lévy.
"Ce n’est pas du tout autour de cela" que se joue une popularité.
M. Hollande, relève-t-il, "n’a jamais eu la confiance du peuple de droite"
qui lui a reproché "dès le départ la fin de sa campagne électorale renvoyant
aux caciques du PS, sa manière de ne pas raccompagner son prédécesseur sur le
perron de l’Elysée".
Plus grave, "les sympathisants de gauche ont du mal à à pouvoir être fiers
de son action. Il n’y a pas un acte d’identification faisant que le peuple de
gauche se reconnaît" dans le président.
Interrogés sur un an et demi de présidence, "ils n’arrivent pas à citer un
acte lourd" comme ceux qui marquèrent le début de mandat Mitterrand: 39
heures, abolition de la peine de mort, radios libres... cite M. Lévy.
Pour le politologue Gérard Grunberg, la libération des otages "peut freiner
la descente" et "temporairement doucher l’hystérie anti-gouvernementale".
Mais sans effet sur "un malaise profond". "On va retomber tout de suite
dans les problèmes français", prédit-il.
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