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Retour en force d’Al-Qaïda : L’Afrique du Nord et le Mali, des terrains privilégiés
Publié le jeudi 5 juillet 2012   |  Le 22 Septembre


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© Autre presse par DR
Un Groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi)


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Beaucoup d’observateurs se demandent où en est Al-Qaida après la mort de son leader Oussama Ben Laden tué le 2 mai 2011 à Abbottabad au Pakistan par des Seals américains. Il semble que l’organisation terroriste est, une fois encore, en cours de restructuration.

Une chose est certaine: elle n’est pas morte avec son chef. Si son importance dans la zone Afpak (Afghanistan-Pakistan) semble stagner, voire diminuer, cette organisation, après une période d’incertitudes, jouerait désormais un rôle accru en Afrique et au Proche-orient, profitant des troubles créés par les révolutions arabes. Si Al-Qaida ne les a pas initiées, l’organisation tente désormais de les accompagner, de manière à se régénérer.

Le nouveau leader d’Al-Qaida, le docteur égyptien Ayman al-Zawahiri, désigné officiellement le 16 juin 2011, est très différent de celle de Ben Laden. Cela laisse à penser que la stratégie d’Al-Qaida va évoluer, certes lentement, car les moyens logistiques et humains du mouvement restent pour le moment les mêmes, si l’on excepte les armes qui ont été récupérées en Libye. Autant Ben Laden était pieux, archaïque et replié sur lui-même, autant al-Zawahiri paraît être plus «moderne» et ouvert à l’international. Par contre, il est tout aussi vindicatif que son maître. En effet, il haït les Occidentaux en général et les Américains en particulier, surtout depuis que son épouse Azza Ahmed Nowari et trois de ses enfants ont été tués lors d’une frappe aérienne qui a eu lieu en Afghanistan en novembre 2001. Par contre, il n’a pas le charisme de Ben Laden, qualité qui était surtout le résultat d’une histoire personnelle, réécrite pour devenir une «légende».

Sous l’impulsion de son nouveau leader, la direction d’Al-Qaida pourrait être confiée majoritairement à des Egyptiens. En effet, déjà sous son influence, ces derniers occupaient la moitié des postes de responsabilité du mouvement, alors que les activistes de base sont essentiellement Saoudiens, Irakiens, Yéménites et Maghrébins. La révolution égyptienne pourrait s’en trouver affectée dans l’avenir, par effet de capillarité. Toutefois, ce n’est pas obligatoirement un point positif pour le mouvement. En effet, pour les sunnites extrémistes, les Maghrébins et les Egyptiens ont moins d’aura que leurs frères saoudiens, qui sont considérés comme le «must» du monde musulman pour des raisons historiques: ce sont en effet les descendants directs de Mahomet et de ses fidèles et ils vivent en terre sainte.
Al-Zawahiri, qui sent bien que la situation est actuellement moins favorable pour Al-Qaida en zone Afpak, devrait tenter de soutenir plus massivement les mouvements affiliés établis dans d’autres contrées. Toutefois, il commence à manquer cruellement de moyens financiers, les riches donateurs saoudiens et des pays du Golfe arabique qui soutenaient en sous-main Ben Laden n’ayant pas la même générosité à son égard.

Cela est dû à deux facteurs: sa nationalité et le fait que certains ne croient plus en la politique du djihad mondial destinée à établir un émirat islamique mondial. En effet, en plus de dix ans d’action, Al-Qaida n’a pas réussi à progresser notablement, alors que les révolutions arabes sont en train de parvenir relativement pacifiquement à établir des régimes salafistes en Afrique du Nord. Force est de constater que la «démocratisation» d’anciennes dictatures, voulue par les Occidentaux, leur a ouvert des voies royales. Cela permet en effet aux intégristes islamiques sunnites de parvenir, grâce aux élections «démocratiques», au pouvoir en Tunisie, en Egypte et, dans une moindre mesure, en Libye et au Maroc.

Al-Zawahiri qui a bien compris la nouvelle donne a – en plus de l’Egypte – l’intention d’infiltrer les «révolutions arabes» au Maghreb et en Syrie, afin d’infléchir leurs orientations vers des buts plus conformes à ceux d’Al-Qaida. Le mouvement djihadiste n’a, en effet, que faire de «démocratisation» et de «libertés individuelles», slogans prônés par une grande partie des manifestants qui ont participé au «printemps arabe» et qui se retrouvent aujourd’hui dans la position de «dindons de la farce».

Alors que l’Afrique du Nord devient un gigantesque marché d’armement, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) parvient à trouver un écho, de plus en plus favorable, jusque dans la zone saharo-sahélienne du continent. Une situation qui présente un risque croissant pour les Occidentaux en général, et la France en particulier.

Si Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) a relativement perdu du terrain en Afrique du Nord dans les années 2008-2010, il semble que la «révolution arabe» lui a apporté un nouveau souffle. L’organisation terroriste représente désormais un risque qui va en s’accroissant. Depuis la création de ce mouvement, les objectifs qu’il s’était fixé n’ont pas été atteints. En effet, Abdelmalek Droukdel, l’émir d’AQMI n’est pas parvenu à transformer son organisation en un mouvement populaire et important par le nombre de ses activistes et sympathisants. Il s’est montré incapable d’enflammer l’Afrique du Nord depuis le Maroc, en passant par la Tunisie et la Libye, jusqu’à la zone saharo-sahélienne.

La création espérée du «Califat islamique au Maghreb» a été un échec cuisant. AQMI a bien tenté de recruter des étrangers, mais les cadres de l’organisation sont toujours très majoritairement des Algériens. Les mouvements islamiques libyens et marocains ont gardé dans leur ensemble leur indépendance vis-à-vis d’AQMI. Cela a démontré que le nationalisme existe même au sein des activistes islamiques radicaux!

Aujourd’hui, la situation est en train d’évoluer plus favorablement pour AQMI. S’étant rendu compte que le djihad contre les infidèles (Américains, Français, Espagnols, Britanniques, etc.) est beaucoup plus mobilisateur que la lutte contre les pouvoirs en place au Maghreb, AQMI a infléchi son discours. Il est désormais plus question de «bouter les infidèles et les croisés» hors des pays musulmans que d’y prendre le pouvoir par la force. De toutes façons, AQMI est convaincu que les régimes qualifiés d’«apostats» tomberont à terme par eux-mêmes.

Les exemples de la Tunisie, de l’Egypte et maintenant de la Libye sont là pour conforter cette idée. Il en découle que, sans abandonner la lutte contre les gouvernants en place et leurs représentants, en la personne des membres des services de sécurité accusés d’être les complices des «infidèles», les actions devraient se concentrer sur des objectifs occidentaux. En conséquence, de nouvelles tentatives terroristes, telles que des attentats à la bombe et des prises d’otages, se sont intensifiées dans la région. En plus d’apporter une publicité à leur combat, ces dernières permettent aux islamistes radicaux d’en tirer de substantifiques subsides issus des rançons versées. Ces sommes importantes permettent d’acheter plus d’armes.

De plus, la révolution a gagné la zone saharo-sahélienne jusqu’au Nigeria. Elle pourrait également contaminer le Burkina Faso, toute la zone étant devenue une véritable poudrière. En tout état de cause, l’Afrique du Nord est maintenant un gigantesque marché d’armements, auprès duquel viennent s’approvisionner tous les activistes de la planète.
L’argent des rançons et des trafics permet mais aussi aux activistes salafistes de s’attirer la sympathie des populations, particulièrement dans la zone saharo-sahélienne, en leur reversant une partie de cette manne financière. Ils remplacent ainsi les gouvernements locaux, qui se montrent incapables de remplir la mission régalienne qui est la leur.

AQMI concentre désormais tous ses efforts sur le «théâtre proche», c’est-à-dire l’Afrique du Nord. Des actions offensives ont désormais lieu en Algérie même, plus particulièrement dans le fief des islamistes, situé en Kabylie à l’est d’Alger. En zone saharo-sahélienne, il a été beaucoup question de la «concurrence destructrice» que se livraient les différentes katibas, particulièrement celles d’Abou Zeid et de Belmokhtar. C’est oublier un peu vite que l’immensité de la zone leur permet d’agir indépendamment sans réellement se gêner. De plus, au Mali, les différents groupes sont parvenus à unifier leurs efforts pour vaincre l’armée malienne, sans que les pays membres de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) ne puissent réagir efficacement.

En effet, le cas du Mali est exemplaire. La rébellion des Touaregs, emmenée par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) de Mahmoud Ag Ghali, qui a amené la partition du pays en deux, a été dépassée par les islamistes, qui ont pris de fait le contrôle du Nord du pays: AQMI, le MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest) de Soultan Ould Bady, une formation dissidente d’AQMI composée essentiellement d’arabes mauritaniens et maliens, et Ansar Dine du Malien Iyad Ag Ghaly, une figure de la résistance touarègue qui a rejoint l’islam radical.

Droukdel, le chef d’AQMI, a déclaré avoir mis ses forces à la disposition de Ansar Dine. Le MNLA a, pour sa part, dénoncé un accord conclu avec Ansar Dine, estimant que l’application stricte de la Sharia n’était pas dans les traditions du peuple touarègue. On se dirige tout droit vers une «afghanisation» de la région, sans que personne ne semble pouvoir s’y opposer, surtout pas le pouvoir malien, qui est déchiré en plusieurs factions depuis le coup d’Etat de fin mars 2012. Le péril pourrait s’étendre progressivement au Niger, voire au Nord du Tchad à l’Est et à la Mauritanie à l’Ouest.

De plus, une conquête du Mali tout entier n’est pas à exclure, ainsi qu’une jonction avec les islamistes de Boko Haram, dirigés par l’imam Abou Shekau, qui contrôlent de fait le Nord du Nigéria. Ces derniers sont ravis de recevoir une aide financière et en armements ayant pour origine la Libye. Cela leur a permis de déclencher une véritable guerre civile anti-gouvernementale et anti-chrétiens, coupant littéralement le pays en deux.

Enfin, si la «révolution arabe» représente un challenge idéologique pour AQMI, il n’en reste pas moins que des nouveaux activistes rejoignent actuellement les maquis. Même les autorités algériennes reconnaissent que les effectifs d’AQMI dépasseraient désormais largement le millier de combattants, alors qu’ils n’étaient encore que quelques centaines l’année dernière. Cette montée en puissance est favorisée par le fait que le chaos politique règne en Tunisie et en Libye et que les pays du Sahel ne sont pas parvenus à réellement s’entendre pour accroître la coopération sécuritaire, qui est indispensable. La faute en revient en partie à l’Algérie, qui tient à garder la direction des opérations contre AQMI en excluant le Maroc et l’aide étrangère directe, particulièrement celle venue de France.

Par Alain Rodier (sur Atlantico.fr)

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