Au Mali, le harcèlement sexuel en milieu scolaire et universitaire reste largement tu, malgré ses effets dévastateurs sur la santé, la scolarité et la dignité des jeunes filles.
Témoignages poignants, enquêtes locales et initiatives citoyennes révèlent l’ampleur d’un phénomène qui mine l’éducation et compromet l’avenir de milliers d’élèves et d’étudiantes.
Dans les lycées de Bamako, des professeurs abusent de leur autorité pour faire pression sur des élèves, parfois en menaçant de mauvaises notes en cas de refus une pratique tristement surnommée "la menace du Bic rouge". Ce harcèlement entraîne des échecs scolaires, des abandons d’études, et des traumatismes durables.
"Quand je préparais le bac, un professeur m’a proposé son lit après que j’aie posé une question sur mes notes confisquées. Je n’avais pas le choix", témoignage anonyme d’une élève.
"Plusieurs enseignants m’ont fait des avances à l’intérieur ou à l’extérieur de l’école, mais j’ai refusé. Ce refus ne m’a pas valu de représailles", déclare Awa Diarra, élève en 4e année de technique de comptabilité.
Selon l’ONG Wildaf-Mali, près d’une vingtaine de cas ont été recensés récemment, impliquant aussi bien des enseignants que des étudiants. Les conséquences sont graves : infections, violences psychologiques, avortements clandestins.
À l’université, une corruption sexuelle institutionnalisée
Une étude de l’Association Yeleen révèle une corruption sexuelle persistante dans les établissements supérieurs. Certains enseignants ou responsables exploitent leur position pour obtenir des faveurs sexuelles, compromettant l’avenir et la sécurité des étudiantes.
"Une étudiante a été abusée par un membre de l’association des élèves. Il lui a promis des entrées pour son inscription mais l’a entraînée dans une chambre à l’internat pour des relations forcées", confie F.D., étudiante en médecine
Face à ce fléau, des initiatives de sensibilisation et des dispositifs de veille ont été mis en place dans les grandes universités de Bamako, en partenariat avec les autorités et les associations étudiantes. Un centre dédié aux questions de genre et une force de sécurité spécialisée œuvrent à la prévention et à la protection des victimes.
Mais l’absence de législation spécifique, le poids des tabous et la peur de représailles freinent encore la dénonciation. Ces violences sexistes et sexuelles sapent non seulement la dignité des victimes, mais aussi la qualité de l’éducation et les perspectives d’un avenir égalitaire.
"Le harcèlement en milieu scolaire détruit la confiance et la dignité de chacun, hommes ou femmes. Il est urgent de le combattre pour un environnement sûr et respectueux pour tous", plaide Assatou Guindo, surveillante générale de lycée.
Un impératif national : protéger, prévenir, punir
Il est urgent de poursuivre les enquêtes, d’intensifier les campagnes de sensibilisation, et de renforcer les dispositifs d’accompagnement dans tous les établissements scolaires et universitaires du pays. Lutter contre le harcèlement sexuel, c’est garantir un environnement d’apprentissage sain, respectueux et sécurisé pour tous.