Alors que plusieurs analystes internationaux s’inquiètent de la montée en puissance du Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (Jnim), certains allant jusqu’à envisager une prise de contrôle de Bamako, le journaliste français Antoine Glaser, spécialiste des relations franco-africaines, propose une lecture plus nuancée.
Selon lui, le Jnim ne dispose ni de la capacité militaire ni de la légitimité politique pour s’emparer de la capitale malienne. Plutôt que de viser une conquête territoriale directe, le groupe mise sur une stratégie d’asphyxie logistique, notamment par le blocage des approvisionnements en carburant, afin d’affaiblir l’État malien de l’intérieur.
Depuis octobre 2025, le Jnim a intensifié ses attaques contre les convois de carburant en provenance de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. Cette tactique a provoqué une pénurie sévère à Bamako et dans certaines régions, paralysant les transports, les services publics et les activités économiques. Des files interminables de véhicules bloquent les stations-service, tandis que des milliers de travailleurs se retrouvent sans moyen de locomotion ni revenu.
Pour Glaser, cette méthode révèle les limites opérationnelles du groupe. Une offensive directe sur Bamako exigerait une coordination militaire complexe, une logistique lourde et une capacité à tenir le terrain des éléments que le Jnim ne possède pas. À la place, le groupe cherche à exercer une pression économique et sociale, en ciblant les flux vitaux pour provoquer un effondrement interne ou une révolte populaire contre les autorités.
Les divergences entre analystes internationaux et des observateurs comme Glaser tiennent souvent à la lecture des rapports de terrain. Certains experts, alarmés par la progression du Jnim dans les zones périphériques et son agilité tactique, extrapolent une menace directe sur la capitale. Mais Antoine Glaser rappelle que le Jnim reste un acteur insurrectionnel, non étatique, dont la stratégie repose sur la fragmentation du territoire et la délégitimation du pouvoir central non sur sa substitution.
Le blocus du carburant met en lumière les vulnérabilités structurelles de l’État malien, mais ne signifie pas pour autant une chute imminente. Glaser insiste : " le Jnim n’a ni les moyens ni l’intérêt stratégique de gouverner Bamako. Son objectif est de maintenir une pression constante, d’épuiser l’État et de faire vaciller le régime sans jamais chercher à le remplacer ».