À la veille de sa grande Révolution, la France était gangrénée par la corruption, l’arrogance des élites et le désespoir populaire. Deux siècles plus tard, le Mali, en quête de justice et de stabilité, traverse des secousses troublantes.
Cette analogie n’est pas une provocation : c’est une leçon d’histoire à méditer avant qu’il ne soit trop tard.
1- La France d’avant 1789 : l’injustice comme prélude à la révolte
L’histoire des peuples enseigne que les injustices s’accumulent jusqu’à l’explosion. Avant 1789, la France ploie sous le joug d’une aristocratie arrogante et d’un clergé complice. La corruption ronge les institutions, la misère s’étend, et le peuple, désabusé, s’égare dans des distractions éphémères.
Pourtant, dans cette torpeur, une étincelle jaillit. Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Diderot, Beaumarchais… Ces penseurs transforment les mots en armes. Ils alertent les puissants du volcan social qui gronde et révèlent au peuple sa propre force. La Révolution éclate. Le roi chute, les privilèges s’effondrent, mais dans la fureur et le sang. Les contradictions des nouvelles forces « républicaines » plongent le pays dans un nouveau despotisme, celui d’un empereur. Malgré tout, la France a goûté à la liberté : le peuple a appris qu’il pouvait écrire son destin.
2- Le Mali d’aujourd’hui : un miroir des erreurs passées
Le Mali contemporain reflète, à bien des égards, la France prérévolutionnaire. Un fossé béant sépare le peuple de ses dirigeants. Les élites politiques et économiques, sans titres nobiliaires, ont forgé une aristocratie moderne, faite d’influence, de passe-droits et d’accumulations indécentes. Elles s’abritent derrière des institutions fragiles, des discours creux et un appareil médiatique qui distrait plutôt qu’il n’éclaire.
Le peuple, lui, ploie sous la pauvreté, l’insécurité et le désespoir. Chaque crise révèle la voracité de certains, qui, dès que le danger s’éloigne, reprennent leur festin sans vergogne. Ils misent sur la mémoire courte d’un peuple jeune, souvent déconnecté de son histoire et de sa conscience politique.
Mais l’histoire française l’atteste : aucun système injuste n’est éternel. Quand la conscience collective s’éveille, les bastilles, quelles qu’elles soient, s’effondrent.
3- Le rôle des « fous lucides » : rallumer la flamme
Chaque époque a besoin de ses « insoumis raisonnables », ces « fous lucides » qui refusent le confort du silence. Le Mali a un besoin urgent de voix courageuses, capables de mobiliser la culture, la parole et la pensée pour éveiller les consciences. Il faut redonner à la vérité, à la justice et à la probité leur place au cœur du débat public. Car le peuple malien, profondément bon, suit toujours la lumière lorsqu’elle brille avec clarté.
L’histoire ne se répète jamais à l’identique, mais elle se venge des peuples qui l’ignorent. Le Mali n’a pas besoin d’une révolution sanglante : il a besoin d’une révolution des consciences.
4. Leçon et avertissement
La France d’avant 1789 dialogue avec le Mali d’aujourd’hui, car les deux nations partagent un même combat : la dignité face à la confiscation du pouvoir. La leçon française est limpide : une élite qui méprise son peuple prépare sa propre chute. La leçon malienne doit être tout aussi claire : un peuple qui se soulève sans conscience prépare sa désillusion.
L’histoire ne se moque pas : elle avertit. À nous, Maliens, de choisir entre écouter son appel ou revivre ses tourments.
Charles Coulibaly
Agrégé d’Histoire et de Philosophie (New York, États-Unis)
28 octobre 2025