La situation sécuritaire est certes, aujourd’hui, délétère avec les attaques des groupes extrémistes violents, au référentiel musulman, contre les camions citernes et la restriction de la mobilité des populations.
Par ces actions, ces groupes extrémistes violents arrivent à porter un coup dur à l’économie malienne. Pour autant, il serait hasardeux de comparer le Mali à la Syrie en termes de configuration des groupes terroristes, de sociologie des pouvoirs, de l’histoire et la trajectoire des groupes terroristes, de cultures locales et d’architecture des armées des deux pays.
Pour ces raisons, l’appel de certaines chancelleries à leurs ressortissants de quitter le Mali nous paraît hâtif surtout que ces pays disposent de suffisamment de moyens pour rapatrier les ressortissants en cas de dégradation de la situation sécuritaire.
Il est vrai que la responsabilité de chaque pays est engagée dans la sécurisation et la garantie de sûreté de ses ressortissants, mais il est aussi vrai que les vrais amis d’un pays se comptent davantage dans les moments de crise aiguë.
Subséquemment, le niveau de maillage du territoire national par l’armée malienne, la fréquente acquisition d’équipements militaires de pointe, notamment l’aviation, l’offre diversifiée de formations suivies par les troupes depuis 2012, la grande volonté de sauver la patrie du péril, la résilience dont font montre les populations maliennes face à la nébuleuse terroriste, sont des éléments qui écartent toute possibilité de comparaison du Mali à la Syrie. Des interrogations simples, au demeurant fondamentales, pourraient tourner dans les têtes :
• Si des pays venaient à demander à leurs ressortissants de quitter le territoire malien, ces derniers pourraient-ils légitimement prétendre revenir, si le déluge prévu ou l’apocalypse prédite n’a pas lieu ?
• L'offre du JNIM en matière de gouvernance est-elle comparable à celle de Hayat Tahrir al Shams(HTS) en Syrie ?
• De quelle légitimité le JNIM pourrait-il se prévaloir au regard de la violence inouïe qu’elle déploie contre les populations ? Cela est d’autant plus important que le recours à des accords locaux atteste du rejet des prétentions du JNIM.
• Quelle appréciation les acteurs qui ont été obligés de quitter le Mali (MINISMA et Force Takuba) pourraient-ils avoir de la situation en cours ?
• Quid des soutiens directs et indirects des terroristes si ces derniers parvenaient à gagner la confiance des maliens ?
• Au cas où les groupes radicaux violents l’emporteraient, les Maliens l’accepteraient-ils passivement, surtout quand on connaît la capacité du peuple malien à critiquer et vilipender les élites dirigeantes, même pendant les dictatures ?
De ces questions ouvertes dont les réponses sont difficiles à cerner, ne demandez surtout pas mon avis.
Dr Aly TOUNKARA, Enseignant-chercheur à l’Université Yambo OUULEGUEM de Bamako et Expert au Centre des Études Sécuritaires et stratégiques au Sahel- CE3S.