Le samedi 18 novembres 2025, les faîtières de la presse malienne se sont réunies à l’historique Maison de la Presse pour « déjouer la cabale médiatique de la presse occidentale contre notre pays, le Mali », ils disent se poser en boucliers afin de contrer le complot géopolitique international contre notre pays. Noble mission des premiers responsables des faîtières de la presse malienne surtout dans un contexte marqué par la gravissime crise multidimensionnelle dans laquelle s’embourbe le Mali depuis le coup d’État de 2020. Cependant cette assemblée, je veux dire que ce tribunal n’aurait jamais dû juger ni une seule partie, à savoir la presse occidentale encore moins la presse malienne, il doit poser le constat d‘un mal plus profond qu’une simple condamnation ou soutien qui ne serait que factice, avant de proposer une thérapie. Les faîtières auraient dû avoir le courage de faire la part des choses en diagnostiquant sans complaisance la situation d’ensemble de la presse malienne, en tout cas si tant est qu’elles ne veulent pas donner l’impression d’être en mission et cela non seulement envers et contre les intérêts de la presse, mais aussi aux antipodes des principes sacrosaints de l’éthique et de la déontologie qui régissent la profession.
Donnons-nous juste la peine de faire un état de lieux exhaustifs de la presse malienne de 2020 à nos jours, une presse réduite à sa plus simple expression, vouée aux gémonies, considérée à tort comme l’ennemie numéro 1 à réduire en silence par certaines autorités de la transition, d’où d’ailleurs la prééminence des réseaux sociaux sur la presse classique. Privée de son droit de subsistance qui est l’aide à la presse depuis plus de cinq ans la presse malienne est agonisante pour ne pas dire que son pronostic vital est engagé. En effet, de la trois - centaine de journaux écrits, il n’en reste plus qu’une trentaine qui parait de façon irrégulière, faute de ressources à la fois financière et humaine. Quant aux radios privées si elles ne font pas l’objet d’un harcèlement financier, certaines se voient souvent la licence retirée, alors même qu’une radio au-delà de son aspect commercial, demeure avant tout un précieux outil de communication, de sensibilisation, de formation et d’éducation. Pendant ce temps des licences sont accordées à tour de bras à des non professionnels dont le seul mérite est de chanter les louanges des autorités de la transition. Les premiers responsables semblent se tromper de combat, ils auraient dû d’abord avoir le courage de dénoncer les traitements inhumains et dégradants dont font l’objet les médias et réclamer plus de moyens, en jargon militaire, plus d’armes et de munitions à hauteur de mission pour « déjouer ce qu’ils appellent cabale médiatique occidentale ».
Si les médias occidentaux et même sous régionaux sont audibles à travers le monde c’est parce que les autorités de ces pays ont mis le prix. Quand nos pays voisins comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire consacrent des montants colossaux pour leur presse, le Mali lui choisit les vidéastes pour sa communication et n’a pas mis un kopeck dans la presse et cela depuis 2020. Vous ne pouvez pas demander à un journaliste qui est réduit en état de mendiant, qui se bat au quotidien pour sa survie, d’aller au front pour combattre celui qui est moralement requinqué et armé de tous les moyens logistiques, humains et financiers ? Les forces seront inégales et disproportionnées. Les premiers responsables devraient d’abord faire une petite évaluation pour savoir dans quelles conditions travaillent encore les quelques journaux qui paraissent, les quelques radios qui émettent avant de demander aux médias de faire un travail qu’ils ne sont pas à mesure de faire. Messieurs les premiers responsables des faîtières de la presse, savez-vous que quand des nombreuses rédactions de la presse classique, journaux, radios, ont mis la clef sous le paillasson faute des moyens, d’autres soldats de l’information et de la communication moins professionnels, se la coulent douce, au point d’exhiber leurs biens matériels sur les réseaux sociaux.
La presse malienne classique a une glorieuse histoire. Elle a été pionnière de la démocratie, la voix des sans voix, la défenseuse des droits humains, mais aussi la rebelle à toute caporalisation. Pour rappel, la presse malienne a toujours joué sa partition dans l’édification d’un Mali démocratique. Elle a toujours été la sentinelle vigilante, la gardienne du temple, le quatrième pouvoir, l’éveilleuse de conscience. Messieurs les premiers responsables de la presse que vous inspirent ces noms de journaux, qui, hier faisaient la gloire de la presse comme : Les Échos, d’Alpha Oumar Konaré, le Républicain, de Tiébilé Dramé, l’Aurore, de Chouadou Traoré, Info Matin, de Sambi Touré, l’Indépendant, de Saouti Haïdara ? Pour ne citer que ces quelques noms qui ont bien résonné dans l’espace médiatique malien, qui non jamais cédé ni à la tentation, ni aux menaces, mais qui ont le patriotisme chevillé au corps. Leur glorieux héritage ne doit pas être bradé.
Youssouf Sissoko
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