C’est à quelques encablures de la proclamation des résultats des élections Présidentielle et législative, par la Commission électorale nationale, que le Président sortant, candidat à sa propre succession, a annoncé son renversement par un groupe de militaires. Cet énième coup d’Etat perpétré dans la sous-région en général, et en Guinée Bissau, en particulier, prouve à suffisance que la démocratie est sérieusement menacée en Afrique de l’Ouest et met du coup la CEDAO devant ses responsabilités. Si cette Organisation était la plus enviée en Afrique à cause de ses prouesses sur les plans de l’intégration des états à un seul bloc économique et surtout des avancées démocratiques, elle n’est aujourd’hui que l’ombre d’elle-même tant elle est fragilisée, voire défiée par ses Etats membres. L’Organisation sous régionale a-t-elle encore les moyens d’exiger la vérité issue des urnes en Guinée Bissau comme elle en a fait en Gambie quand Yaya Diamé a voulu confisquer les résultats issus des urnes ? A quand la fin de ce cycle infernal de coup d’Etat dans la sous-région Ouest Africaine ?
Après le Mali, le Burkina Faso, la Guinée Conakry et le Niger, c’est au tour de la Guinée Bissau d’enfreindre aux principes du protocole additionnel pour la démocratie et la bonne gouvernance auquel tous les Etats membres de la CEDEAO ont souscrit. En commettant le coup d’Etat le plus stupide au monde, car le processus électoral n’a jamais connu des soubresauts, la campagne électorale s’est bien déroulée, les Bissau guinéens se sont rendus aux urnes pour voter et l’on était à quelques heures seulement de la proclamation des résultats des élections présidentielle et Législative par la Commission Electorale Nationale Indépendante. A la surprise générale de tous les militaires se sont invités sur la scène politique pour arrêter le processus. C’est pourquoi tous les observateurs de la scène politique Bissau guinéenne s’accordent à dire que ce coup d’Etat n’est ni plus ni moins qu’une passation de pouvoir entre militaires. Tous les indicateurs ont prouvé que le général Umaro Sissoco était sur le point d’être battu par Fernando Dias, donc pour ne pas permettre à un civil de lui succéder Sissoco a passé la main à un groupe de militaires, d’où le simulacre de coup d’Etat. L’une des preuves les plus tangibles de cette affirmation est la condition dans laquelle il aurait été arrêté et le fait qu’il soit celui qui a donné la primeur de l’info aux médias comme Jeune Afrique. Que dire de la promptitude avec laquelle il a été exfiltré pour élire domicile à Dakar avec la complicité des nouveaux hommes forts du pays, alors même qu’ils auraient dû le retenir pour qu’il rende compte de sa gestion. Quid de l’arrestation de certains opposants et surtout de la suspension du processus électoral. Tous les éléments tangibles d’appréciation sont présents pour éclairer la lanterne de la CEDEAO afin d’agir pour rétablir la légalité constitutionnelle et permettre au peuple Bissau Guinéen de jouir de ses droits comme celui de choisir en toute liberté les hommes et les femmes qu’il juge digne de le diriger.
L’Organisation sous régionale a-t-elle encore les moyens d’exiger la vérité issue des urnes en Guinée Bissau comme elle en a fait en Gambie quand Yaya Diamé a voulu confisquer les résultats issus des urnes ?
Si les autres organisations comme l’Union Africaine, UA et l’ONU ne pourraient que se contenter d’une simple condamnation, la CEDEAO, quant à elle joue non seulement sa dernière carte en terme de crédibilité et d’aura, mais aussi et surtout son avenir en tant qu’organisation sous régionale qui a fait des émules et qui continue tant bien que mal à faire encore rêver d’un lendemain enchanteur, tant elle dispose des atouts incommensurables. Son bilan politique est malheureusement désastreux ces dernières années. Elle a échoué dans la gestion et la résolution des crises de trois de ses Etats membres que sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui ont d’ailleurs fini par claquer la porte de l’organisation. Elle s’est accommodée de la violation de ses textes et principes en Guinée Conakry quand Mamadi Doumbia au lieu de passer la main à un civil en organisant des élections inclusives, transparentes et crédibles, est plutôt sur le point de confisquer le pouvoir en Guinée Conakry. Il a exclu de la joute électorale les grands ténors de la scène politique guinéenne pour n’être qu’en face des candidats issus de formations politiques peu connues. Le cas de la Guinée Bissau doit être traité avec doigté et responsabilité en restaurant l’ordre constitutionnel, il y va de la crédibilité de la CEDEAO. Tout arrangement tendant à permettre à ce groupe de militaires de faire la transition même d’un an serait considéré comme un aveu d’incompétence et d’échec de la CEDEAO et contribuerait davantage à l’affaiblir. La CEDEAO est tout simplement face à ses responsabilités dans la gestion de ce simulacre de coup d’Etat en Guinée Bissau.
A quand la fin de ce cycle infernal de coup d’Etat dans la sous-région Ouest Africaine ?
Si les pays Anglophones, à l’instar du Nigeria et du Ghana, ont pu trouver la solution à ce mal qui est le coup d’Etat en bâtissant des institutions fortes et en faisant de l’alternance la règle dans la gestion de l’Etat, les pays francophones et Lusophone sont encore et toujours à la traine. Ils continuent à se singulariser non pas par un bond qualitatif dans les domaines économique et sociopolitique, mais par la récurrence dans la violation de leurs Constitutions. Ils battent tous les records en nombre de coups d’Etat perpétrés et sont à la traine du monde sur le plan du développement. Vont-ils enfin prendre conscience que le coup d’Etat n’a jamais été la solution même à une crise sécuritaire ? En effet, l’Afrique ne se développera jamais tant qu’elle ne bannit pas certaines pratiques comme le coup d’Etat, les conflits armés, la guerre tribale, la mauvaise gouvernance avec son corollaire de corruption et de népotisme. Elle ne connaitra aucun progrès véritable tant qu’elle ne soit pas tourné résolument vers la formation des ressources humaines qualifiées capable de booster son développement et tant qu’elle ne mettra pas ses forces en synergie pour être un seul bloc compact face à l’inhumaine compétition au marché mondial. Quant à l’Afrique de l’ouest, jadis sous-région enviée par tout le monde, elle a fini par être comme les autres parties du continent où gestions dynastiques, patrimoniales font bon ménage avec les coups d’Etats à répétitions.
En définitive, il est grand temps que les pays de la CEDEAO reviennent aux fondamentaux. Ceux qui ont forgé sa bonne réputation et qui lui ont permis de se hisser au firmament des organisations les plus en vue en Afrique. Ses prouesses d’intégration économiques, de libre circulation des personnes et de leurs biens, avec un passeport unique ont fait d’elle un modèle à imiter et un exemple à suivre sur le continent.
Youssouf Sissoko