Iyad Ag Ghaly, il n’est pas seulement le fondateur et chef du mouvement terroriste Ançardine. Il est aussi et surtout celui qui a planifié et dirigé l’attaque de la horde de djihadistes contre la localité de Konna (Mopti), le 9 janvier 2013. Une attaque qui déclencha l’opération Serval. Finalité : la libération des régions nord du Mali.
Depuis, Iyad a miraculeusement disparu. Le terroriste, dont l’organisation a été classée par les Américains parmi les organisations terroristes, vient de rebondir au devant de la scène avec la libération des otages français enlévés, en septembre 2010, au Niger. Iyad Ag Ghaly n’est pas un humanitaire, il ne dirige pas non plus une association de bienfaisance. C’est un criminel qui, pour se sauver, a négocié son propre sort, en même temps que la libération des otages. Alors, ce terroriste recherché par l’ensemble des forces de sécurité pourrait jouir d’une impunité totale et vaquer désormais à ses occupations entre Kidal, l’Algérie et la Libye. Avec, en guise de cerise sur le gâteau, un pactole d’euros qui lui garantit de beaux jours dans le désert saharien. Manœuvrier, Iyad l’a toujours été. Il a toujours su se tirer des situations difficiles avec une habilité déconcertante.
Les preuves.
En 1990, c’est lui qui déclencha la rébellion qui, finalement, avait touché presque toutes les régions du nord du Mali. Après des négociations menées en Algérie, en France et sur place au Mali, le gouvernement conclut un accord (en 1992) avec les Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad (Mfua).
Iyad, au lieu d’intégrer l’armée, préféra monter « ses propres affaires ». Il aurait touché, à l’époque, un joli pactole de la part de l’Etat malien. Dès lors, Iyad prend goût à l’argent facile. Il noue de solides liens avec les réseaux terroristes et mafieux implantés un peu partout au nord du Mali et dans des pays voisins, notamment l’Algérie et le Niger.
Le négociateur et l’activiste
C’est alors que Iyad se forge un nouveau talent, celui de « négociateur » lors des prises d’otages.
A cet effet, il est intervenu dans plusieurs négociations concernant la libération d’otages dans le Sahel. En fait, la duplicité a toujours été le point fort de cet activiste. Qui a toujours su, en effet, manœuvrer entre l’Etat et les différents groupes terroristes, notamment Aqmi. Aussi, Iyad était le parrain de groupuscules terroristes qui jouaient souvent le rôle d’intermédiaires dans les rapts. En clair, ces groupuscules, à la solde de Iyad et d’autres chefs touaregs du nord, enlevaient les Occidentaux, puis les revendaient aux gros groupes que sont Aqmi et le Mujao. Il semble qu’au Sahel un otage occidental avait une valeur marchande de l’ordre de 10 millions de FCFA dans le Sahel.
En plus de la négociation, Iyad Ag Ghaly se livrait à d’autres activités obscures entre Kidal, Bamako et l’extérieur. Cependant, l’aventurieux et le chef de guerre qu’il était ne renonçait jamais à l’une de ses revendications premières : l’indépendance de l’Azawad.
En 2006, exactement le 23 mai, il tire les ficelles d’une insurrection dirigée par Ibrahim Ag Bahanga. Les deux hommes (Iyad et Bahanga) partagent en commun leur goût prononcé pour l’argent, surtout le gain facile.
A l’époque, les Ifoghas, pour justifier cette nouvelle rébellion (déclenchée à Kidal), accusaient les autorités de les marginaliser. Or, la réalité était toute autre. Iyad avait tenté de soumettre le président ATT à un chantage. En vain.
Cette nouvelle crise s’est finalement soldée par la signature de l’Accord d’Alger, le 04 juillet 2006.
Cerveau de l’attaque de Konna
Mais pour tenter de calmer Iyad et surtout l’éloigner du pays, ATT le nomme Agent consulaire à Djeddah. Pas pour longtemps. L’agitateur fut expulsé au terme d’une mission qui n’aura duré que quelques mois. Il était accusé par les Saoudiens de mener des activités subversives et de s’adonner à divers genres de trafics douteux.
Revenu au pays, Iyad Ag Ghaly reste à Bamako. Dans la capitale, il s’était construit un appartement de haut standing au quartier Kalaban Coura.
Le chef rebelle, entre temps, s’était complètement métamorphosé. Il verse dans la pratique de l’islam. Il devient adepte d’une secte religieuse et fréquente assidument certaines mosquées de la capitale. Le nouveau Iyad se révèle aux Maliens avec des barbes impressionnantes.
Il multiplie les contacts au nord du Mali, notamment à Kidal. Visiblement, Iyad attendait le moment propice pour passer à l’action.
Il n’attendra pas longtemps. Car, en octobre 2011, le retour massif de déserteurs libyens au nord du Mali constitue une aubaine pour le terroriste. Il rejoint ces libyens dans les massifs de l’Adrar. Au même moment, il organise la désertion des soldats touaregs (Ifoghas) intégrés dans l’armée malienne. Iyad sillonne les localités du nord et multiplie les contacts avec les chefs de tribus et les milieux islamistes. En fait, il tente de les sensibliser sur le contenu de son projet de création d’un « Etat islamique de l’Azawad ».
Pour la réalisation de ce projet, il savait qu’il pouvait compter sur les autres groupes terroristes notamment le Mnla, Aqmi et le Mujao. C’est alors que ces trois groupes s’associent à Ançardine à partir de janvier 2012, pour déclencher des attaques simultanées dans la partie septentrionale du Mali. L’horreur et la barbarie ont été perpétrées à Aguel Hoc, où des prisonniers de guerre avaient été désarmés, ligotés et égorgés. Cette attaque d’Aguel Hoc avait été revendiquée par le Mnla et Ançardine.
De janvier 2012 à janvier 2013, Iyad et ses accolytes ont mis le nord du Mali à feu et à sang.
Et le coup d’Etat perpetré à Bamako, en mars 2012, fut un coup de pouce salutaire pour la horde de terroristes. Cela, malgré ce qui avait été dit par les putschistes de Kati dont l’action avait précipité la chute des régions du nord. Et, conscient du vide sécuritaire né du coup d’Etat, Iyad avait l’intention de pousser le bouchon suffisamment trop loin ….
D’où son idée d’attaquer Konna et de s’emparer de Bamako, où il devait proclamer une République islamique. La suite, on la connait. Aujourd’hui, l’on pense même que Iyad a été épargné par la France et couvert par elle dans sa retraite du massif de l’Adrar afin de pouvoir négocier avec lui ou via lui la libération de ses ressortissants détenus dans le nord du Mali.
Ce criminel de guerre, dont les partisans détenaient finalement les otages français, réussira-t-il une nouvelle fois à passer entre les mailles ? Sans doute.
CH Sylla