Le 7 novembre dernier, Kary Bogoba, notre Madou Wolo national, a donné la première de son spectacle, « Le grand Sumu de djeliba », un conte musical, de leçons et d’humour. Un moment de pur bonheur pour tous ceux qui ont pu faire le déplacement.
Dans un Mali en quête de repères et de cohésion, l’art continue de montrer sa capacité à créer du sens, à réparer les fractures et à ouvrir des espaces de dialogue. C’est dans cette dynamique que s’inscrit Le Grand Sumu de Djeliba, une création originale portée par l’artiste Madou Wolo et mise en scène sous la direction de Kary Bogoba Coulibaly, en partenariat avec le ministère de la Culture. Présenté récemment dans la salle des banquets du CICB, ce spectacle marque une entrée remarquée dans un genre encore peu exploré au Mali : le conte musical.
Confronté, comme de nombreux créateurs, aux tensions et bouleversements qui secouent le pays, Madou Wolo a ressenti la nécessité de s’interroger sur le sens de son art : comment exercer son métier dans un contexte d’incertitude ? Quel rôle l’artiste peut-il jouer dans une société blessée, parfois fragmentée ? De ces questionnements profonds est né Le Grand Sumu de Djeliba, un récit scénique qui puise dans l’intime pour toucher l’universel.
Fruit des réflexions de l’Association To Bôdji – Studio d’actions artistiques partagées –, le projet propose une relecture contemporaine du sumu, une forme traditionnelle de spectacle mêlant récit, musique et sagesse populaire. Ici, la tradition se marie à une mise en scène inventive, à une écriture ciselée et à une musicalité portée par la voix chaude et expressive de Madou Wolo.
Dans ce conte musical, le public est guidé à travers les âges de la vie : les émerveillements de l’enfance, les élans et les rêves de l’adolescent, puis les désillusions qui étreignent l’adulte. Tout se déploie avec un humour fin, un sens du rythme maîtrisé et une capacité rare à convoquer l’émotion sans jamais tomber dans la lourdeur.
Au-delà de l’esthétique, le spectacle s’inscrit dans une démarche citoyenne assumée. À travers ce récit initiatique, les porteurs du projet entendent promouvoir la paix, la réconciliation et la cohésion sociale. Le Grand Sumu de Djeliba se veut outil de sensibilisation à destination de la jeunesse, une jeunesse à laquelle l’œuvre rappelle les valeurs de respect, de responsabilité, de solidarité et de fidélité aux sources culturelles.
Dans ce sens, la tournée prochaine dans les régions du pays revêt une importance particulière. Le projet ambitionne de toucher un public large, au plus près des réalités locales, avant une diffusion sur les antennes de la télévision nationale.
En revalorisant le conte, la parole juste et la musique comme modes de transmission, l’équipe artistique redonne tout son éclat à une tradition qui a longtemps cimenté les sociétés mandingues. Le Grand Sumu de Djeliba rappelle que le djeliba – le griot – n’est pas seulement un dépositaire de mémoire : il est aussi un médiateur, un éducateur, un artisan de paix.
À travers les thèmes de la migration, de l’identité, du rêve et du retour au pays, l’œuvre de Madou Wolo résonne avec les aspirations mais aussi les tourments d’une génération balancée entre départ et enracinement. Le spectacle montre, sans jugement, la complexité des parcours et l’importance de renouer avec ce qui fonde une communauté : les récits, les valeurs, la culture.