La salle de réunion du campus de l’Institut Confucius de Kabala a accueilli, le vendredi 28 novembre 2025, sous la présidence du Dr Ahmadou Fané, chef de cabinet du ministère de l’Enseignement supérieur, la cérémonie solennelle d’hommage à l’écrivain malien Yambo Ouologuem.
Point de départ d’un vaste projet institutionnel, cet hommage est une initiative de l’Université Yambo Ouologuem.
Placée au cœur de l’année 2025 dédiée à la culture, cette journée visait à rendre justice aux victimes de l’impérialisme et du colonialisme, tout en réaffirmant la souveraineté culturelle et intellectuelle du Mali, dans une politique de mémoire, de dignité et de transmission.
Un hommage à une figure majeure de la littérature africaine
Premier Africain à remporter le Prix Renaudot avec son roman ‘’Devoir de Violence’’, Yambo Ouologuem reste une figure incontournable du courage intellectuel. À ce titre, son nom accompagnera désormais l'ex-ULSHB – rebaptisée Université Yambo Ouologuem (UYO) – appelée à devenir un haut lieu de formation des esprits, de recherche, de création culturelle et de liberté de pensée.
Dr Ahmadou Fané, chef de cabinet du ministère de l’Enseignement supérieur, a rappelé le sens profond de cette initiative, saluant l’engagement de l’administration de l’UYO, des responsables du campus et des acteurs de l’ancienne Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako.
De nombreuses personnalités du monde académique et politique ont pris part à l’événement : recteurs des universités de Bamako, anciens responsables de l’UKB, représentants d’institutions publiques, famille de l’écrivain, artistes, journalistes et étudiants.
Voir plus
Analyses politiques
Nouvelles du Mali
Radio Mali
Actualités au Mali
Services de surveillance de sécurité
Produits de santé
Services de communication
Informations santé
Équipement sportif
Informations économiques
Un changement de nom chargé de symboles
Le Président du Conseil, Pr Doulaye Konaté, le Recteur de l’UYO, ainsi que le Dr Fané ont tous insisté sur la portée symbolique de cette transformation inscrite dans le cadre de la Transition.
Elle traduit, selon le représentant du ministre, « la volonté des autorités de réhabiliter les grandes figures de notre histoire, de restaurer la dignité culturelle nationale et de rompre avec les héritages de l’impérialisme et du colonialisme ».
Selon le Recteur Pr Belko Ouologuem, ce changement ouvre un nouvel horizon pour l’institution et pour l’enseignement supérieur malien.
Des ambitions académiques concrètes
Le Dr Fané a exhorté l’équipe rectorale à faire de l’UYO un modèle d’excellence, invitant les enseignants-chercheurs à poursuivre des travaux rigoureux, et les étudiants à s’investir dans la construction d’une pensée critique, au service d’une société plus juste et mieux informée. Il a également plaidé pour des actions concrètes : création de programmes de recherche en littérature africaine, mise en place de chaires d’études postcoloniales, renforcement des initiatives culturelles au sein de l’université.
Témoignages et perspectives
La journée a été marquée par de nombreux témoignages d’amis, de parents, d’hommes de lettres et de journalistes, tous saluant la richesse du patrimoine intellectuel malien et l’importance de valoriser ses grandes figures.
Cet hommage du 28 novembre constitue le point de départ d’un vaste projet institutionnel. Le Pr Doulaye Konaté, le recteur et son équipe ont annoncé que plusieurs initiatives seront dévoilées dans les jours à venir, en cohérence avec la politique culturelle et éducative des autorités actuelles.
Source : Com UYO
Yambo Ouologuem : une aventure littéraire ambiguë
14 octobre 2017, s’éteignait Yambo Ouologuem à l’âge de 77 ans, une grande voix de la littérature africaine. Son aventure académique en France, qui lui vaut une carrière d’écrivain, s’achève au Mali, dans des conditions peu dignes de son rang. Cette disparition est une perte énorme pour l’Afrique en général et pour le Mali en particulier, qui a nécessairement besoin d’un langage de vérité. Couronné du prix Renaudot pour son roman ‘’Devoir de violence’’ en 1968, il devient ainsi, à 28 ans, le premier Africain à atteindre cette gloire littéraire. Yambo marque l’histoire des idées et de la littérature francophone du XXIè siècle. Cette popularité fulgurante ne va jamais sans la défaveur et il en sait plus que quiconque.
Une mission périlleuse !
Dans cette première décennie des indépendances africaines où on tentait de cicatriser les plaies du colonialisme, restaurer la dignité et l’honneur de l’homme noir, en magnifiant l’histoire de l’Afrique précoloniale, il était impardonnable à l’écrivain de se tromper de lutte ou de s’abstenir. Dans le vent des libertés et du panafricanisme florissant, Yambo, contrairement à ses prédécesseurs de la Négritude et autre mouvance littéraire, amène le lecteur à porter un nouveau regard sur l’histoire et les tares des sociétés africaines.
Dans son projet littéraire très périlleux, il n’a que son talent, sa vérité, sa bravoure pour accomplir sa mission, celle d’établir la vérité dans un océan où il est seul à bord de son navire.
Devoir de violence ou l’ère de l’autocritique ?
« Dans leur vie publique, de terribles sabbats sont à l’honneur, auxquels les membres se rendent la nuit, à travers la brousse, s’interpellant par des grognements imités du cri de l’hyène. Au cours des saturnales, l’inceste est licite et même recommandé, conjugué d’actes tels sacrifice humain suivi de rapports sexuels incestueux et de coït avec les animaux : comme si, Nègre, on eût dû véritablement n’être que sauvage », Devoir de violence P 26. L’audace de dire le non-dit sur l’Afrique ‘’princesse pitoyable’’ des pionniers de la littérature africaine, est la valeur qui a incarné ce jeune esprit de la littérature négro-africaine. Mais l’auteur ne s’arrête pas là, il persiste et signe dans un entretien audio-visuel « Le colonialisme blanc n’est qu’un mince épisode dans une suite d’exactions qui trouve son origine avec la dynastie des notables africains ». Ce propos tenu par un noir africain au milieu de ses frères ouvre une nouvelle page de la littérature négro-africaine.
Alan Mabanckou, dans Jeune Afrique, parle de « la naissance de l’autocritique, […] une hardiesse au moment où tout écrivain africain était censé célébrer les civilisations africaines… ». Cette hardiesse au goût amère exposa Yambo sur l’autel des critiques littéraires, notamment de la part de l’élite africaine qui cherchait à régler son compte avec son maître colonial. Le soupçon de sabotage de la lutte panafricaine et de trahison en minimisant la barbarie coloniale en Afrique se fera payer cher. Déjà victime de diffamation pour plagiat qui va le déchoir de son prestigieux prix Renaudot, il se retire dans sa ville Sévaré où il meurt le 14 octobre 2017.
Démarrage de la réhabilitation de Yambo
Yambo Ouologuem, très connu et largement étudié dans les milieux intellectuels à travers le monde, reste moins connu sur sa terre natale. Son œuvre riche et enrichissante est presque absente dans le programme scolaire malien. Seuls les spécialistes des lettres et quelques curieux en savent sur lui. Cette méconnaissance impardonnable pourrait être bien corrigée en intégrant son œuvre dans le programme scolaire dès le fondamental, afin que sa bravoure littéraire, son combat pour la vérité, l’égalité et la justice puissent s’incarner chez la jeune génération.
L’attribution de son nom à l’une des Universités de Kabala qui s’appelle désormais « Université Yambo Ouologuem » est le démarrage de la réhabilitation de cette grande figure de la littérature africaine.
La journée d’hommage à Yambo Ouologuem organisée, le 28 novembre dernier par les responsables de l’UYO est un symbole de reconnaissance nationale, pour la qualité de l’homme et de son œuvre qui ont impacté sur le monde littéraire du XXIè siècle. Les différentes initiatives que l’Université Yambo Ouologuem ambitionne de réaliser permettront de réhabiliter définitivement un esprit brillant et l’un des dignes fils du pays.