Pour une résolution durable de la crise malienne, l’ancien Président du Conseil National du Patronat du Mali, CNPM, Mamadou Sinsy Coulibaly avait, dans une tribune qu’il a publiée au mois de juillet 2025, privilégié la piste algérienne comme étant incontournable. Actualité oblige, après la création d’une Coalition dont le parrain se trouve en exil en Algérie nous avons décidé de republier cette tribune pleine de propositions et de conseils. Relisez plutôt.
Totalement incomprise de la plupart de ses voisins proches, à l’instar du Mali, à cause de son rôle de leader sous régional incontesté dont elle est aussi jalouse qu’intransigeante, l’Algérie nourrit le nord-Mali jusqu’au centre, en dépit de vive tension diplomatique.
En fait, ce rôle stratégique que joue l’Algérie au Mali est à la base de l’équilibre socio-politique et économique de ce dernier. Les populations maliennes du proche voisinage algérien, et même au-delà, sont approvisionnées en produits de première nécessité ainsi que du carburant, subventionnés, provenant de ce pays.
Ce qui s’explique par sa position géographique, car elle partage avec le Mali un millier de Kilomètres de frontière, tout comme une longue tradition historique et sociologique qu’elle cultive avec le Mali. Un pays avec lequel les deux populations, de part et d’autre, sont imbriquées, comme s’il s’agissait d’un seul et même peuple, tant ici et là, les usages de promiscuité et d’interconnections communautaires voire culturelles sont ancrées.
Alliance stratégique et commerciale
C’est ce grand voisin du nord du Mali, acteur sous régional majeur, qui entretient également des relations de coopération dynamique et solide avec la Russie de Poutine. Paradoxe ? Ce pays est tout aussi fortement adoubé par les autorités militaires de Bamako qui tentent, par tous les moyens, de s’en rapprocher davantage, depuis qu’elles se sont brouillées avec la plupart de leurs partenaires traditionnels occidentaux, traités désormais sans aucun ménagement et devenus indésirables.
En termes de partenariat stratégique, au-delà des discours idéologiques, que peut gagner le Mali avec la Russie, étant donné que Bamako est en rupture diplomatique avec son grand voisin algérien, qui reste l’un des plus grands alliés stratégiques et commerciaux de ce pays en Afrique ?
Dès que l’on évoque les défis et les enjeux sécuritaires dans le Sahel, il est évident que les regards se tournent vers l’Algérie. La Russie, qui cherche, coûte que coûte, à accentuer son influence dans cette partie de l’Afrique, ne fera rien, absolument rien stratégiquement parlant, en termes d’initiatives diplomatiques et économiques, pour se brouiller avec son grand allié du moment, notamment sur les questions aussi vitales dans la région du Sahel comme la sécurité et le développement.
Pas de bruits à ma porte
Evidemment, l’Algérie, comme on le dit, ne veut aucune présence nocive ou toxique à ses frontières immédiates. Elle ne transige pas sur cela. Et pour cause, les violents soubresauts qu’elle a connus à l’interne, à l’image d’un Mali, miné aujourd’hui par de meurtrières attaques terroristes, et qui sont actuellement circonscrits, sont encore vivaces dans les esprits.
L’Algérie garde parfaitement bien en mémoire les stigmates de la violence socio-politique qui a failli gravement compromettre son unité nationale. Elle redoute la spirale de ces brutalités terroristes qui endeuillent également le nord du Benin et du Togo.
Comme la Russie de Poutine l’est à l’égard de l’Algérie, les responsables du Front de Libération de l’Azawad, le FLA, en froid avec les autorités de Bamako, ne lui refusent rien Çà, les autorités maliennes ne doivent pas le perdre de vue d’autant qu’il est évident que l’influence stratégique, dont jouit l’Algérie auprès des indépendantistes Touaregs, est à la fois croissante et totale.
De toute évidence, le modèle de guerre qu’on mène au nord du Mali n’a jamais marché. Il faut carrément intégrer cette réalité dans les approches et démarches stratégiques à mener pour stabiliser cette partie du pays.
Il faut se convaincre de cette évidence que le nord Mali sera toujours habité par les populations qui y ont des racines multiséculaires solidement enracinées. Et en cela, il n’y a pas de hasard dans les faits : il faut donc être littéralement d’accord avec elles si l’on veut y perpétuer la paix.
Dans le cas contraire, la paix fuira ces régions du pays, aussi longtemps que perdure l’option choisie par Bamako.
Plan de retrait pour Poutine ?
Pendant que le partenariat stratégique se renforce entre l’Algérie et la Russie, indépendamment des réalités géostratégiques liées au Sahel, le Mali, pour sa part, est de plus en plus touché par une sanglante violence terroriste et des crises socio-politiques aux conséquences insoupçonnées.
En ce moment précis, se dessinent les contours de véritables manœuvres tactiques chez Poutine. Le Président russe ne veut en aucune manière perdre la face au Sahel, notamment auprès de son allié malien et ne souhaite, pour rien au monde, être associé, de près ou de loin, à un quelconque échec concernant notre pays.
Pour éviter un chaos, Poutine chercherait-il un plan de retrait du Sahel ?
A y regarder de près, surtout si l’on se réfère à un passé encore récent dans les relations entre les deux pays, on s’aperçoit nettement que la Russie n’est pas la solution la mieux indiquée pour le Mali. Dans les années 90 tout près, au plus fort des soubresauts politiques ayant secoué le pays, la Russie a tout abandonné au Mali, en s’y détournant tout simplement.
En se comportant ainsi vis-à-vis de notre pays, comme elle ne s’en pas privée avec d’autres et de façon plus tragique en Irak, en Libye ou plus récemment en Syrie, la Russie rappelle cyniquement que les relations entre les pays sont avant tout basées sur des intérêts croisés.
La réalité stratégique du terrain prime sur tout. Dans la situation actuelle du Mali, cela s’entend par la dynamique des rapports stratégiques et commerciaux privilégiés que Poutine entend conserver avec l’Algérie. Il s’agit là en fait, d’une position géostratégique convenable, pour laquelle la Russie n’entend pas renoncer, en ce sens que cette forte influence qu’elle conserve avec son principal partenaire militaire et commercial, qu’est l’Algérie, va bien loin au-delà du cadre réduit du Sahel.
Dans cette recomposition géostratégique qui se profile à l’horizon, l’Algérie peut jouer un rôle déterminant pour aider au retour au bercail de nos compatriotes exilés à l’étranger ; à commencer par l’un de ces cas les plus emblématiques, vivant aujourd’hui en Algérie, l’imam Mahmoud Dicko. De même, ce n’est pas seulement qu’une vue de l’esprit d’assurer que la grand voisin du septentrion n’a pas fini de jouer un rôle crucial dans l’amorce d’une désescalade au nord-Mali, voire le retour de la paix tout simplement.
De véritables gestes d’apaisement qui pourront, à coup sûr, détendre les relations diplomatiques entre les deux grands voisins qui en ont le plus grand besoin, chacun d’eux, pris individuellement.
A condition bien sûr qu'à Bamako, on prenne conscience de la nécessité d’une nouvelle grille de lecture des événements et d’un autre prisme des enjeux. Une gageure.
Mamadou Sinsy Coulibaly, Président du Groupe Kledu