Adoptée à l’unanimité le 7 décembre 2025 par le CNT, la loi de finances 2026 prévoit 3 057,79 milliards de FCFA de recettes et 3 578,22 milliards de dépenses, soit 520,42 milliards de déficit.
Elle consacre une hausse des budgets de la Présidence, de la Primature et du CNT, dans un contexte de vie chère, de crise énergétique, de chômage élevé et de services publics sous forte pression.
La loi de finances 2026 fixe les recettes de l’État à 3 057,79 milliards de FCFA et les dépenses à 3 578,22 milliards de FCFA, pour un déficit de 520,42 milliards de FCFA, en léger recul par rapport à 2025. Ce déficit est présenté par les autorités comme maîtrisé, alors que l’économie reste fragilisée par les chocs sécuritaires, climatiques et financiers, et que la capacité de mobilisation des recettes constitue un enjeu central.
Derrière ces agrégats, les arbitrages retenus touchent directement les conditions de vie des Maliens. Le budget du CNT passe d’environ 11,451 à 13,620 milliards de FCFA, celui de la Primature de 12,803 à 14,413 milliards, et celui de la Présidence de 15,672 à 17,407 milliards de FCFA, soit des hausses d’un peu plus de 2 milliards pour chaque institution.
Dans le même temps, l’enveloppe du ministère de la Défense recule d’environ 554,091 à 531,206 milliards de FCFA, soit une baisse de l’ordre de 22 milliards de FCFA, alors que le pays reste engagé sur plusieurs fronts sécuritaires. Ces choix interviennent alors que les ménages font face à la hausse durable des prix, aux coupures d’électricité répétées, aux difficultés d’accès au carburant et à un chômage massif des jeunes.
Les documents budgétaires mettent en avant des montants destinés à l’éducation, à la santé, aux infrastructures et à l’opérationnalisation des nouvelles régions. Mais ces efforts s’inscrivent dans un contexte où près de 36% de la population vit encore sous le seuil de pauvreté monétaire, selon la Banque mondiale, et où le Mali figure parmi les derniers pays du classement mondial du développement humain, 188ᵉ sur 193 dans le rapport 2023-2024 du PNUD.
La pression sur les services de base reste forte : les hôpitaux, les écoles et les administrations locales peinent à répondre à la demande, sur fond de réduction de l’aide publique au développement et de besoins humanitaires importants.
Sur le volet de la gestion publique, les rapports du Bureau du Vérificateur général documentent des irrégularités récurrentes dans plusieurs entités. Une vérification d’Énergie du Mali (EDM-SA), portant sur la période 2020-2023, a ainsi mis en évidence des irrégularités financières dépassant 92 milliards de FCFA, en lien notamment avec les conditions d’achat d’énergie auprès d’un producteur indépendant. D’autres rapports pointent des anomalies dans la gestion d’organismes publics, ce qui interroge l’efficacité de la dépense à un moment où l’État explique la tension sur sa trésorerie par l’ampleur des besoins.
La question de la transparence patrimoniale des responsables publics constitue un autre élément structurant. La loi sur la prévention et la répression de l’enrichissement illicite impose aux hauts responsables, dont les membres du gouvernement, de déclarer leurs biens à l’entrée et à la sortie de fonction.
Le rapport 2023 de l’OCLEI fait cependant état d’une chute des déclarations, passées de 629 en 2018 à seulement 60 en 2023, soit une baisse de plus de 90% en cinq ans, et relève que cinq ministres sur 29 seulement ont déposé leur déclaration cette année-là. Ce décalage entre l’obligation légale et la pratique nourrit les interrogations sur la redevabilité au moment où les dotations des plus hautes institutions augmentent.
La loi de finances 2026 se situe au croisement des enjeux budgétaires, sociaux et de gouvernance.
Dans d’autres pays confrontés à des contraintes budgétaires fortes, des mesures ont été engagées pour réduire le train de vie de l’État et orienter une partie des économies vers les dépenses sociales : baisse ou gel des primes et indemnités, limitation des avantages des hauts responsables, encadrement plus strict des missions et des véhicules de fonction.
Dans la zone CEMAC, par exemple, certains États ont assorti leurs plans d’ajustement de réductions ciblées des dépenses de fonctionnement de l’administration afin de répondre aux exigences de soutenabilité budgétaire. Ces expériences, aux résultats variables, illustrent une orientation possible lorsque les finances publiques sont sous pression et que la demande sociale reste élevée.
Entre déficit jugé « maîtrisé », renforcement des moyens des institutions politiques, recul relatif du budget de la Défense, persistance d’indicateurs sociaux dégradés et signaux d’alerte répétés sur la gestion et la transparence, la loi de finances 2026 se situe ainsi au croisement des enjeux budgétaires, sociaux et de gouvernance. Les chiffres fixent le cadre ; l’exécution concrète de ce budget dira dans quelle mesure ces ressources contribueront à alléger, ou non, l’étau qui se resserre sur le quotidien des ménages maliens.