Le secteur minier malien a été secoué ces derniers temps par un différend avec Barrick-Gold consécutif à un audit. Un règlement à l’amiable permet désormais à l’Etat de récupérer plus de 220 milliards F CFA par an avec la même société.
Un cadre des mines, sous le couvert de l’anonymat, salue la prouesse de l’Etat à avoir donné un coup de pied dans la fourmilière et l’encourage à en faire de même dans le secteur pétrolier pour renflouer ses caisses.
Tout est parti de la réforme du secteur minier à travers l’adoption d’un nouveau code minier en 2023. La réorganisation ainsi décidée est une bouffée d’oxygène pour l’Etat. En effet, le nouveau code permet d’augmenter substantiellement les revenus fiscaux de l’Etat. En plus, sa participation passe de 20 à 30 %. Barrick-Gold, un géant du secteur dont le Mali est actionnaire à 20 %, avait rechigné à se plier à la rétroactivité du nouveau code sur sa filiale de Loulo-Gounkoto évoquant son antériorité. Le bras de fer, émaillé d’arrestations de personnels miniers et la saisine d’un tribunal d’arbitrage, a duré près d’un an. Au bout du compte, les deux parties ont fini par trouver un compromis. L’Etat du Mali suspend ses poursuites contre Barrick-Gold, qui accepte de signer le nouveau code minier pour son applicabilité à Loulo-Gounkoto.
A travers l’accord signé le 24 novembre 2025, au ministère de l’Economie et des Finances, l’Etat va empocher 220 milliards de F CFA par an de retombées économiques en impôts et taxes en plus d’une compensation financière.
Le désormais ex-contentieux entre le Mali et Barrick Gold a eu pour avantage de renforcer les autorités dans leur conviction d’avoir audité les secteur minier. Un cadre malien, responsable d’une importante société minière de droit anglo-saxon de la place, se prononce sur le sujet à cœur ouvert, mais sous le couvert de l’anonymat.
"Le dénouement de l’affaire de Barrick Gold a été une très bonne chose pour le Mali. Elle a permis à l’Etat de recouvrer toutes les déperditions financières (impôts et taxes) dans le secteur". Le cadre minier d’enfoncer le clou : "Vous savez, quand même que Barrick percevait plus de 200 milliards de F CFA annuellement au Mali sur lesquels l’Etat ne gagnait que 50 milliards de F CFA. C’est quand même hallucinant et invraisemblable", soupire-t-il.
Au regard du contenu de l’accord paraphé entre notre pays et la société minière canadienne, il juge très intéressantes les retombées pour les finances publiques. "Si, désormais, le Mali va gagner 220 à 250 milliards F CFA par an, ce n’est que justice et tout bénéfice pour le pays", explique-t-il. Et de jeter une pierre dans le jardin des acteurs étatiques et privés qui, selon lui, œuvrant dans l’impunité sont à la base du désordre qui régnait dans ce secteur.
"Une bonne gestion et organisation du secteur minier comme c’est le cas actuellement avec l’audit et la réforme, suffisent à développer le pays. Cela est connu de tous, il y avait une mafia qui était là et qui se considérait intouchable", témoigne-t-il. Il félicite les autorités d’avoir pris l’initiative de lancer l’audit ayant débouché sur les réformes minières.
Pour notre interlocuteur, il faut attendre deux à trois ans quand les bénéficies vont commencer à pleuvoir, pour se rendre compte de l’exploit réalisé grâce à encore à l’audit. "Je travaille dans le secteur minier, en toute franchise, je mesure la portée de ce qui vient d’être réalisé. Si l’or ne brille pas pour les Maliens, c’est très grave. Si tu vas dans les zones minières, tu ne peux pas concevoir en tant qu’être humain, la misère des populations. Il faut que cela change, ça va changer, car l’or brillera désormais pour les Maliens", dit-il optimiste.
A l’en croire, les réformes mises en place par le gouvernement depuis environ trois ans et qui ont été acceptées par les sociétés minières vont considérablement améliorer les conditions de vie des populations vivant dans ces zones. Il voit en ces réformes un travail de titan.
"Il faut voir, une société qui réalisait 400 milliards de F CFA par an dans l’exploitation minière en ne versant que 40 milliards de F CFA à l’Etat. Quel paradoxe ? Grâce aux réformes, la tendance est renversée, en ce sens que l’Etat va empocher 200 à 250 milliards de F CFA".
Ce cadre minier qui parle de manière crue de son secteur pour défendre son pays, estime que cet argent est une véritable manne financière qui permettra à l’Etat d’amorcer son développement économique et d’investir dans des projets de développements à tous les niveaux.
"Nous sommes quand même un pays en guerre où les ressources sont mobilisées pour la défense de la patrie. On n’a pas besoin d’étudier la macroéconomie dans une grande université pour le savoir", fait-il savoir.
A l’en croire, l’Etat doit étendre les mêmes réformes et audit à d’autres secteurs dont celui de l’importation, la distribution et la commercialisation des hydrocarbures. "A ce niveau aussi, l’Etat va bien se frotter les mains en y découvrant pas mal de déperditions financières au détriment du Trésor public. En auditant le secteur pétrolier, l’Etat va multiplier ses recettes fiscales, douanières et autres par 5, 7 ou même 10", estime-t-il.
"Il faut faire un clean-up à ce niveau parce qu’il y a beaucoup de choses qui se passent là-bas", selon notre témoin qui, manifestement, sait de quoi il parle.