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Diomansi Bombote aux MAMA’25 : « Que cette initiative serve de source d’inspiration pour les jeunes journalistes »
Publié le mercredi 17 decembre 2025  |  Mali Tribune
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Diomansi Bomboté, figure incontournable et icône du journalisme malien, a adressé un message aux Mama’25. Nous vous livrons le texte intégral.

« Recevoir cette distinction, qui couvre tant d’années de l’histoire du journalisme dans notre pays, est un honneur immense. Je mesure pleinement la responsabilité et la confiance qu’un tel choix représente.


Je vous remercie donc sincèrement, vous les honorables membres du Jury Tuwindi pour cette reconnaissance qui dépasse ma personne : elle met en lumière un métier, des valeurs et toutes celles et ceux qui, souvent dans l’ombre, défendent l’information libre et le droit du public à comprendre le monde.

Je dédie ce prix à mes confrères et consœurs, aux enseignants qui m’ont initié à la fonction de journaliste, à tous les collaborateurs et toutes les personnes au Mali et à travers le monde qui, à des degrés divers m’ont permis d’être ce que je suis devenu au fil des années et à toutes les générations de journalistes qui continuent de croire qu’un mot, une image, justes peuvent faire bouger les lignes.

Merci pour cette distinction qui m’honore et m’encourage à poursuivre, avec humilité, passion et engagement.

Une telle distinction n’est pas anodine ; elle est même énorme. Elle évoque une reconnaissance qui a valeur historique car elle fait ressortir un niveau d’excellence exceptionnel en soulignant une empreinte professionnelle durable, suggérant que notre travail a marqué la profession, influencé des pratiques, inspiré d’autres confrères ou contribué à l’histoire médiatique de mon pays et peut-être même au-delà.

Cette distinction témoigne d’une confiance institutionnelle, car un jury ose affirmer que sur de longues années de pratique professionnelle, notre contribution mérite d’être reconnue. Ceci est un scellement symbolique dans le patrimoine médiatique de notre pays.


Il s’agit pour moi d’une grande fierté personnelle mais aussi pour ma famille, mes amis et pour ce pays qui a tant donné au fils d’ouvrier, aux origines paysannes, que je suis. Il s’agit assurément de la validation d’un parcours et pour ceux qui me connaissent de la confirmation sans doute de ce qu’ils pensaient de moi. Il s’agit bien sûr aussi pour moi d’un défi permanant pour toujours aspirer à l’excellence, mon éternel credo.

Chers membres du jury, Mon cher Tidiani, ne soyez pas surpris du débat que vous allez soulever avec une telle initiative. Comme pour tout prix prestigieux, ce débat est tout à fait naturel. Il suscitera des discussions, des comparaisons, assorties de sentiments ambigus. Mais cela fait partie du jeu. Le débat nourrit la valeur du prix.

Je souhaiterais que cette initiative serve de source d’inspiration pour les jeunes journalistes ; cela peut devenir un repère afin qu’ils se disent « c’est possible ».

Un moine philosophe français du XII siècle, Bernard de Chartres, a déclaré : « Nous sommes des nains portés sur des épaules des géants. »

L’idée centrale d’une telle sentence est que nos connaissances actuelles ne sont possibles que grâce au travail intellectuel accumulé avant nous. L’image est simple : les « nains », c’est-à-dire nous, ne voient pas loin par eux-mêmes. Mais en se hissant sur les épaules des « géants », c’est-à-dire les grands penseurs, les grands devanciers, savants, inventeurs et créateurs du passé, ils peuvent apercevoir plus loin que ces géants eux-mêmes. Cela signifie que le progrès humain est un héritage, et que chaque génération s’appuie sur les découvertes, les idées et les œuvres de celles qui l’ont précédée. Il ne faudra pas que les jeunes oublient cette réalité.


Cette réflexion invite donc à une double attitude : l’humilité, car rien n’est construit à partir de rien, et la gratitude, car notre capacité à avancer dépend de tout un patrimoine intellectuel accumulé au fil des siècles.

Voyez-vous, Mesdames et Messieurs, la Philosophie des médias et leurs responsabilités sociales constituent une véritable obsession chez moi. La philosophie des médias s’intéresse à la manière dont l’information contribue à structurer la vie collective et à façonner l’existence sociale.

Elle considère les médias non comme de simples outils techniques, mais comme des institutions symboliques qui influencent la perception du monde, fabriquent l’opinion et participent à la définition du bien commun.

Dans cette perspective, les médias jouent un rôle éthique majeur : ils médiatisent la réalité, orientent les débats publics et peuvent à la fois renforcer ou affaiblir les valeurs fondamentales d’une société.

Au cœur de cette réflexion apparaît la notion de responsabilité sociale des médias. Parce qu’ils détiennent un pouvoir considérable sur l’imaginaire collectif, les médias doivent être guidés par trois principes clés :

• la vérité, qui suppose rigueur, vérification et honnêteté intellectuelle ;


• la justice, qui implique un traitement équitable des individus et des groupes sociaux ;

• la solidarité, qui exige de ne pas fragiliser la cohésion sociale, mais de donner voix à la pluralité des expériences humaines.

L’État, dans ce cadre, n’a pas pour mission de contrôler les médias, mais de garantir les conditions de leur indépendance, de leur pluralisme et de leur responsabilité sociale. La régulation démocratique vise à protéger à la fois la liberté éditoriale et les citoyens contre les abus liés à la désinformation, à la manipulation ou à l’incitation à la haine. La qualité de l’espace public dépend ainsi d’un équilibre délicat entre liberté, éthique professionnelle et cadre juridique protecteur.

Dans un environnement numérique où l’information circule vite et peut être facilement détournée, cette responsabilité devient encore plus cruciale. Les médias doivent développer une éthique renouvelée : transparence, contextualisation, respect des personnes, pédagogie face aux infox (fake-news). Les citoyens, eux aussi, deviennent des acteurs du processus, appelés à faire preuve d’esprit critique et à participer à la construction d’une culture de l’information.

Notre pays traverse une crise très grave qui exige de tous ses citoyens un sens de la responsabilité et de la mobilisation. Les journalistes doivent en être pleinement conscients et comprendre que les intérêts de la nation ne sauraient être sacrifiés sur l’autel des considérations partisanes insoutenables. Les autorités publiques doivent encourager un esprit loyal de saine coopération avec les hommes de média pour que soient préservés les intérêts majeurs de la nation.


Ainsi, la philosophie des médias invite à penser la communication comme un espace où se jouent la dignité humaine, la cohésion sociale et la démocratie. Les médias responsables sont ceux qui contribuent à une société fondée sur la justice, la solidarité et le respect, en reconnaissant que chaque information engage bien plus que des faits : elle engage l’avenir collectif.

Encore une fois, Mesdames et messieurs du Jury, Fondation Tuwindi, soyez assurés de ma gratitude.



Diomansi Bomboté

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