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Accord minier Mali–Barrick Gold : Un contentieux fiscal enfin résolu «Le secteur aurifère est un secteur névralgique pour notre pays» Dixit Modibo Mao Makalou, Économiste
Publié le vendredi 19 decembre 2025  |  Reflet
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Après plusieurs mois de bras de fer fiscal, le Mali et le géant minier Barrick Gold ont trouvé un terrain d’entente, mettant fin à un contentieux aux lourdes conséquences économiques. Dans cette interview, l’économiste Modibo Mao Makalou décrypte les enjeux de cet accord stratégique, ses implications pour les finances publiques, l’investissement étranger et les retombées attendues pour l’État et les communautés locales, dans un contexte de réforme profonde du secteur minier malien.


Reflet d’Afrique : Quelles est l’importance de l’accord conclu entre l’État malien et Barrick Gold ?
Modibo Mao Makalou : C’est une question très importante parce que vous savez que le secteur aurifère est un secteur névralgique pour notre pays. Plus de 80 % des recettes d’exportation de notre pays et 1/3 des recettes fiscales nettes viennent du secteur minier, surtout de l’or. Barrick Gold joue un rôle très important parce que la mine de Loulo-Gounkoto est la plus grande mine d’or de notre pays et constitue à peu près un tiers des revenus miniers de l’État malien. C’est la plus grande mine d’or du Mali, la deuxième plus grande d’Afrique, et elle fait partie des dix plus grandes mines d’or au monde.

Reflet d’Afrique : Comment évaluez-vous l’équilibre entre les intérêts de l’État malien et ceux de Barrick Gold dans cet accord ?
M.M.M : C’est un acte juridique, c’est un acte financier aussi, mais il faut que la convention d’établissement soit un contrat mutuellement bénéfique. Il faut que chacune des parties y trouve son compte. C’est en fait la migration du code minier de 2019 vers le code minier de 2023 qui avait posé quelques difficultés à cause de la non-rétroactivité de la loi. Il y a généralement dans les conventions d’établissement des clauses de stabilité fiscale, qui veulent dire que l’investisseur se prémunit de changements dans la législation, ce qui est un non-sens parce que la loi doit s’appliquer à tout le monde et elle doit pouvoir évoluer. Les ressources minières appartiennent avant tout à l’État. Avec le nouveau code minier et la loi sur le contenu national, l’objectif est de connecter davantage l’économie malienne à l’industrie minière, parce qu’elle était complètement déconnectée, et de faire en sorte que les PME, PMI locales et aussi l’emploi au Mali puissent bénéficier de cette importante production minière.

Reflet d’Afrique : Quels sont les risques ou opportunités de cet accord pour l’investissement étranger au Mali ?
M.M.M : La manière de négocier est très importante. Mais en toute chose, il faut considérer la fin. On a évité un arbitrage international qui est long et coûteux. Un accord a pu être trouvé. C’est une très bonne solution. Mais nous avons perdu beaucoup de temps. La production a été arrêtée pratiquement de janvier à juillet 2025. C’est un manque à gagner considérable pour le Mali, parce que Loulo-Gounkoto représente un tiers des revenus miniers de l’État. C’était aussi 14 % des revenus miniers de Barrick Gold, qui est la deuxième plus grande entreprise minière d’or au monde. Dans ses états financiers, Barrick avait même enlevé la mine de Loulo-Gounkoto de ses projections pour 2025. Aujourd’hui, nous allons dans la bonne direction, dans la bonne entente, pour un accord gagnant-gagnant.

Reflet d’Afrique : Que contient exactement l’accord signé entre le Mali et Barrick Gold ?
M.M.M : Je n’ai pas lu l’accord, mais ce que j’ai compris, c’est qu’il y avait des arriérés fiscaux à payer à cause de la migration d’un code vers un autre. Dans le code minier de 2019, l’État avait 20 % et Barrick 80 %. Aujourd’hui, l’État a 30 %, les privés 5 % et Barrick 65 %. Avec l’augmentation de la production et du prix de l’or, les retombées devaient être plus importantes pour l’État.
L’État avait réclamé 500 millions de dollars d'arriérés fiscaux, Barrick était prêt à payer 438 millions de dollars, soit environ 237 milliards de francs CFA. La différence d’environ 62 millions de dollars posait problème. C’est ce contentieux qui a été résolu.

Reflet d’Afrique : L’accord répond-il aux exigences du nouveau Code minier ?
M.M.M : Absolument. C’est à la suite d’un audit minier conduit par un cabinet malien et un cabinet international. Cet audit a constaté ces arriérés fiscaux dus à la migration du code minier de 2019 vers celui de 2023.
Ce n’était pas Barrick seulement. D’autres compagnies ont payé. Barrick avait contesté le montant des arriérés fiscaux ce qui a amené l'État malien à fermer la mine de Loulo-Gounkoto en janvier 2025 et au Tribunal de Commerce de Bamako à mettre la mine sous administration provisoire en juin 2025 pour une durée de 6 mois. Le contentieux est allé jusqu’au CIRDI, le Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements de la Banque mondiale. Avec l’accord trouvé, l’arbitrage international n’est plus d’actualité, ce qui est une bonne chose pour les 2 parties

Reflet d’Afrique : Quelles retombées concrètes les communautés locales peuvent-elles espérer ?
M.M.M : Tout cela est défini dans la convention d’établissement et dans le Code minier de 2023. Il y a de nouvelles dispositions. Plusieurs fonds ont été créés pour les communautés locales, pour les infrastructures et pour le budget de l’État. C’est bon pour les communautés locales, mais aussi pour l’ensemble des Maliens, parce que les fonds qui vont au budget de l’État bénéficient à toute la population malienne, l'État étant la puissance publique.

Reflet d’Afrique : Existe-t-il un risque de dépendance prolongée vis-à-vis des multinationales ?
M.M.M : Oui, c’est évident, parce que ce sont des investissements lourds. La recherche minière coûte cher, l’exploitation minière coûte cher. Le Mali n’a jamais acheté les 10 % en option prévus par les différents codes miniers. Nous avons besoin de la technicité et des ressources financières des multinationales, mais nous devons être vigilants pour éviter des contrats iniques ou léonins. La terre appartient à l’État, les ressources minérales appartiennent à l’État. Il faut que l’investisseur ait sa part des revenus, mais que l’État ait aussi une juste part.

Reflet d’Afrique : Cet accord peut-il servir de modèle pour l’avenir ?
M.M.M : Je ne pense pas, parce que le contentieux n’est pas un bon modèle. Mais le plus important, c’est qu’on ait trouvé un accord in fine. Les ressources appartiennent à l’État, et ceux qui ne veulent pas se conformer aux règles peuvent partir. Il faut alors, dès le départ, des négociations solides du côté de l'État avec des juristes, des géologues et des financiers, pour éviter des arrêts de production et des pertes de revenus.
Interview réalisée par Fatoumata Diaby et Coumba Diakité
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