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CAN tous les quatre ans : Une mauvaise passe en profondeur pour les supporteurs africains ?
Publié le lundi 22 decembre 2025  |  L'Alternance
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© Autre presse par DR
CAN Féminine : la CAF dévoile un nouveau trophée symbole d’égalité et de fierté pour le football africain
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L’annonce a fait l’effet d’un tournant historique. Et comme pour faire avaler la pilule, elle fut faite à seulement quelques heures de l’Édition de Rabat, au moment où l’engouement est à son paroxysme.

La Coupe d’Afrique des Nations, organisée tous les deux ans depuis 1957, se disputera désormais tous les quatre ans à partir de 2028, sur le modèle de la Coupe du monde. Dans le même mouvement, une Ligue des Nations africaine, calquée sur celle de l’UEFA, verra le jour à partir de 2029. Pour le président de la CAF, Patrice Motsep, il s’agit d’une réforme structurante, destinée à harmoniser le calendrier du football africain avec celui du reste du monde.


Derrière ce discours de modernisation se dessine toutefois une réalité plus complexe, où l’ombre de la FIFA plane lourdement sur les choix stratégiques du football africain.

L’influence de la FIFA : harmonisation ou alignement ?

Officiellement, la réforme vise à résoudre un problème ancien : l’incompatibilité du calendrier africain avec les compétitions européennes et mondiales. Dans les faits, cette incompatibilité a surtout été dénoncée par les clubs européens, principaux employeurs des joueurs africains, et par les instances mondiales soucieuses de préserver la fluidité de leurs propres compétitions.

La question se pose alors clairement : l’Afrique décide-t-elle souverainement de son football, ou s’adapte-t-elle aux contraintes imposées par l’ordre mondial du jeu ?

Dans un système où la FIFA concentre le pouvoir économique, symbolique et réglementaire, la marge de manœuvre des confédérations continentales reste limitée. La CAF évolue dans un écosystème où refuser l’« harmonisation » revient souvent à s’exposer à un isolement politique et financier.

Dans ce sens, la réforme ressemble moins à une rupture qu’à un alignement stratégique, présenté comme un compromis gagnant-gagnant, mais négocié dans un rapport de force largement défavorable au continent africain.


Souveraineté sportive : une bataille de plus perdue ?

La souveraineté ne s’applique pas uniquement aux domaines politique ou économique. Elle concerne aussi le sport, surtout lorsque celui-ci est un puissant levier d’identité, de cohésion et de rayonnement international. Or, la CAN, par sa régularité biennale, constituait l’un des rares espaces où le football africain imposait son propre tempo au monde.

En acceptant de réduire la fréquence de sa compétition phare, l’Afrique renonce à une partie de cette singularité. Une décision qui alimente le sentiment que, une fois encore, le continent s’adapte plus qu’il ne façonne, dans les grandes architectures du football mondial.

Pour autant, faut-il y voir une capitulation ? Ou plutôt un gentlemen agreement, un compromis politique permettant à la CAF de gagner en crédibilité institutionnelle, au prix de concessions symboliques ?

Le désarroi silencieux des supporters africains

Au-delà des institutions, cette réforme touche directement les supporters. Pour des millions d’Africains, la CAN n’est pas seulement un tournoi : c’est un rendez-vous culturel, émotionnel et identitaire. Passer de deux à quatre ans, c’est allonger l’attente, diluer le rythme et affaiblir un lien déjà mis à rude épreuve par les reports successifs et les contraintes logistiques.


Ce désarroi n’est pas bruyant, mais il est réel. Il traduit une frustration face à un football de plus en plus gouverné par des logiques économiques globales, parfois éloignées des réalités du public local.

Plus d’argent, vraiment ?

Patrice Motsepe promet davantage de ressources, plus de prize-money et une compétitivité accrue grâce à la future Ligue des Nations africaine. L’argument est séduisant. Mais il reste, pour l’instant, peu étayé par des garanties concrètes.

Les questions centrales demeurent : qui financera durablement cette nouvelle compétition ? Comment les revenus seront-ils redistribués aux fédérations, aux clubs et au football local ? Les promesses profiteront-elles réellement à la base, ou principalement aux élites institutionnelles ?

Sans mécanismes transparents et contraignants, le scepticisme des supporters et des observateurs apparaît légitime.

Entre révolution optimiste et scepticisme assumé

La réforme annoncée par la CAF peut être lue de deux manières. Soit comme une révolution optimiste, capable de repositionner le football africain dans l’économie mondiale du sport. Soit comme une nouvelle illustration des limites de la souveraineté africaine dans un système dominé par la FIFA et les grands marchés du football.


La vérité se situera probablement entre les deux. Mais une chose est certaine : évoluer dans les rouages des institutions internationales du football impose une posture quasi politicienne, faite de compromis, de calculs et parfois de renoncements.

Ahmed M. Thiam

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