En temps de crise, le budget est un acte politique. Il révèle des choix, des priorités, une vision de l’État et du Peuple. Le Budget 2026 du Mali, tel qu’adopté par le Conseil national de Transition (CNT), pose une question simple mais fondamentale : qui protège-t-on réellement, et pour qui gouverne-t-on ?
Pendant que les Maliens font face à une crise économique persistante, à la flambée du coût de la vie, aux pénuries de carburant et d’électricité, au ralentissement généralisé des activités économiques, le train de vie de l’État, lui, continue d’accélérer.
Des institutions repues dans un pays éprouvé
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La Présidence de la République passe de 15,672 à 17,407 milliards FCFA. La Primature grimpe à 14,413 milliards, contre 12,803 en 2025. Le CNT s’octroie 13,630 milliards, en hausse nette. La Réconciliation nationale voit son budget bondir à 16,360 milliards FCFA. L’ANSE dépasse cette fois les 21 milliards. Tout cela, sans qu’aucun rapport public sérieux n’ait établi l’impact réel des budgets précédents, ni évalué leur utilité concrète pour la sécurité, la cohésion nationale ou l’amélioration des conditions de vie des citoyens. Où sont les audits ? Où sont les redditions de comptes ? Où sont les sanctions en cas de mauvaise gestion ?
Une baisse troublante du budget de la Défense Plus inquiétant encore : le budget du Ministère de la Défense recule. De 554,091 milliards FCFA en 2025, il chute à 531,206 milliards en 2026, soit –23 milliards FCFA. Dans un contexte sécuritaire encore fragile, marqué par des attaques persistantes, des zones instables et des populations abandonnées à elles-mêmes, cette baisse interpelle.
Faut-il comprendre que la menace diminue ? Ou bien qu'il y avait du surplus ?
Éducation : un effort insuffisant face à l’urgence, certes, le budget de l’éducation augmente pour atteindre 472,254 milliards FCFA. C'est positif. Mais cette hausse reste timide au regard des défis réels :
– des milliers d’écoles fermées pour cause d’insécurité;
– des enseignants déplacés, découragés ou menacés;
– un retard criant dans l’intégration des outils numériques;
– une jeunesse livrée à elle-même, proie facile du désespoir ou de l’extrémisme.
On ne reconstruit pas un pays par les armes seules, mais par l’école.
AIGE : un budget en hausse… sans élections ?
Le cas de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE) frise l’absurde.
Son budget passe à 6,193 milliards FCFA, contre 5,274 en 2025.
Mais aucune ligne budgétaire spécifique aux élections n’apparaîtrait pour 2026.
Alors une question s’impose, brutale mais légitime : à quoi serviront ces milliards supplémentaires s’il n’y a pas d’élections ?
Faut-il comprendre que la Transition s’installe durablement, sans horizon électoral clair ? Le flou nourrit la suspicion, et la suspicion fragilise la légitimité. Un vote sans débat : 125 pour, zéro contre. Le plus préoccupant reste peut-être le symbole politique :
125 voix pour, zéro contre, zéro abstention. Pas un débat de fond, pas une objection publique, pas une voix dissonante. Un Parlement qui vote de cette manière contrôle très peu, et enregistre beaucoup. Gouverner, ce n’est pas ça. Les autorités politiques militaires ont promis sobriété, exemplarité et rupture avec les pratiques du passé. Le Budget 2026 donne malheureusement l’impression inverse :
– l’État se protège;
– les institutions grossissent ;
– le Peuple patiente.
Or un État qui s’enrichit pendant que son Peuple s’appauvrit prépare sa propre fragilisation.
Le Mali n’a que faire de budgets gonflés, le Mali a plutôt besoin de résultats visibles.
Il n’a pas besoin de discours, mais de vérité, de justice et de perspectives.
La Transillusion ne sera jugée ni sur ses slogans, ni sur ses chiffres, mais sur ce qu’elle aura rendu au Peuple malien.
Par Dr. Mahamadou KONATÉ
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