La rencontre qui va regrouper près de 1000 participants vise à faire connaître et partager les préoccupations et les attentes de nos compatriotes sur la voie de la recherche d’une paix durable et du développement des régions du Septentrion
Les Assises nationales sur le Nord débutent aujourd’hui au Centre international des conférences de Bamako. Elles se tiennent à l’initiative du président de la République et du gouvernement, sous l’égide du ministère de la Réconciliation nationale et du Développement des régions du Nord. La rencontre vise à faire connaître et partager les préoccupations et les attentes de nos compatriotes sur la voie de la recherche d’une paix durable, juste et inclusive et du développement.
L’événement regroupera près de 1000 participants venant de divers horizons : acteurs étatiques, chefs coutumiers et traditionnels, classe politique, organisations de femmes et de jeunes, société civile, forces de défense et de sécurité, mouvements armés et groupes d’autodéfense, représentants des refugiés et des déplacés, partenaires au développement, organisations internationales.
Au menu de la rencontre, trois grands sujets : la réconciliation nationale, la cohésion sociale et le vivre ensemble ; l’approfondissement du processus de décentralisation ; le Programme de développement accéléré des régions du Nord.
Récemment nommé secrétaire général du ministère de la Réconciliation nationale et du Développement des régions du Nord, Zeidane Ag Sidalamine, a du pain sur la planche. Depuis quelques jours, des participants et autres personnes ressources défilent dans son bureau avec des documents ou des listes de personnes en main. Le téléphone fixe du bureau et ses deux téléphones portables sonnent sans cesse. Cette ambiance montre à quel point le temps imparti aux organisateurs de cette importante rencontre, est serré.
RETABLIR UNE VRAIE FRATERNITE
Comme indiqué plus haut, les Assises nationales sont une initiative du président de la République. Pendant la campagne électorale, Ibrahim Boubacar Keïta a promis d’organiser une telle rencontre nationale. Après son élection, il l’a confirmé. « La résolution du problème du Nord demeure la priorité la plus pressante. Dès demain, nous enclencherons les actions appropriées pour forger des solutions robustes en vue d’une paix durable afin que nous sortions définitivement de la répétition cyclique des crises dans le Nord du pays. Je veux réconcilier les cœurs et les esprits, rétablir une vraie fraternité entre nous afin que chacun dans sa différence, puisse jouer harmonieusement sa partition dans la symphonie nationale », annonçait-il dans son discours d’investiture.
Dès sa mise en place, le 8 septembre, le gouvernement a pris plusieurs mesures visant à renforcer la confiance entre les Maliens, faciliter le dialogue inter et intra-communautaire, nouer le dialogue avec les groupes armés et tous les autres acteurs de la crise affectant le Nord du pays. Le redéploiement des forces armées et de sécurité dans le nord du pays en coopération avec la Minusma et l’Opération Serval, la restructuration de la Commission dialogue et réconciliation sur la base de la recherche de la vérité, l’organisation des États généraux de la décentralisation (21-23 octobre) constituent d’autres actions à l’actif de l’Etat.
Lors d’une audience accordée aux représentants des groupes armés le 17 septembre dernier à Koulouba, le chef de l’État a fixé le cadre des futures négociations avec les parties prenantes à la crise en précisant qu’en dehors de l’autonomie et de l’indépendance, tout était négociable dans le cadre d’un Mali uni et pluriel.
L’État entend mieux répondre aux aspirations de justice, de progrès social et d’épanouissement individuel et collectif de toutes les communautés du Nord à travers la concrétisation opérationnelle des trois stratégies d’action : la déclinaison d’une politique de réconciliation nationale visant à ressouder le tissu social, à renforcer la cohésion de la Nation et à promouvoir le vivre ensemble ; l’approfondissement du processus de décentralisation en matérialisant rapidement le transfert effectif des compétences, des ressources financières aux collectivités territoriales ; le lancement du Plan de développement accéléré des régions du Nord.
UN NOUVEAU CONTRAT SOCIAL
Selon le secrétaire général du ministère de la Réconciliation nationale et du Développement des régions du Nord, les objectifs des Assises s’inscrivent dans la perspective de la refondation d’un nouveau contrat social entre les Maliens. La rencontre vise à réunir tous les acteurs de la Nation malienne pour identifier et corriger les défaillances structurelles de notre système politico-institutionnel afin de promouvoir une nouvelle gouvernance démocratique prenant mieux en compte les réalités profondes de notre société et l’aspiration fondamentale de changement nourrie par nos compatriotes dans tous les domaines pour un développement plus harmonieux et plus solidaire.
De façon spécifique, les Assises nationales devraient permettre de proposer un nouveau modèle de gouvernance grâce au renforcement des compétences des collectivités décentralisées et impliquant les légitimités traditionnelles locales tout en favorisant le contrôle citoyen ; de responsabiliser les acteurs communautaires sur des questions vitales comme la préservation de l’environnement et du patrimoine, la lutte contre la criminalité transfrontalière, le terrorisme, les intégrismes religieux, le narcotrafic….
Des propositions seront également faites en vue de créer les conditions matérielles et psychologiques et sécuritaires pour le retour des déplacés et des réfugiés. Les Assises valideront la feuille de route relative aux négociations en vue d’un accord de paix inclusif et durable.
Les travaux se dérouleront en plénière et en commissions. Il y aura 3 commissions de travail : la Commission réconciliation nationale, cohésion sociale et vivre ensemble ; la Commission gouvernance locale qui discutera des recommandations des états généraux de la décentralisation ; la Commission développement accéléré des régions du Nord qui examinera le Programme de développement accéléré desdites régions.
Les résultats attendus sont un pays plus uni, avec de nouveaux acteurs crédibles, de meilleurs rapports inter et intracommunautaires, un suivi-évaluation mieux coordonné des interventions de l’Etat et des partenaires au développement répondant aux attentes des communautés et aux priorités de développement local et régional. Il est aussi attendu que les Assises dessinent un modèle de gouvernance mieux défini et adapté aux réalités et identités locales.
A. DIARRA
BREF RAPPEL HISTORIQUE
Vaste territoire situé au cœur de l’Afrique de l’ouest, à cheval sur le Sahel et le Sahara, tout en étant contigu, dans ses marches méridionales, aux zones forestières de la Côte, notre pays, terre de rencontres et de convergences, est un creuset où se sont fondues diverses ethnies et cultures. Il en a résulté une brillante civilisation basée sur l’acceptation de l’Autre, l’hospitalité, la solidarité, la tolérance religieuse, peut-on lire entre autres dans les termes de références des assises.
Dès les premières années de son accession à la souveraineté internationale en 1960, le pays a été confronté dans la région de Kidal à une rébellion touarègue en janvier 1963. En juin 1990, une deuxième rébellion touarègue a entraîné l’implication des communautés arabe, songhay et peulh. Elle a abouti à la signature des Accords de Tamanrasset du 6 janvier 1991 et du Pacte national du 11 avril 1992.
A partir du milieu des années 2000, le Nord est progressivement devenu un sanctuaire où les divers groupes terroristes, djihadistes et criminels se sont adonnés à des trafics en tous genres (échanges d’otages contre rançons, trafic de drogue, de véhicules, d’êtres humains, de cigarettes…). AQMI s’est ainsi incrusté dans cette partie du pays où il disposait d’une liberté totale d’action.
La mutinerie d’éléments touaregs intégrés dans les forces armées à Ménaka et Kidal s’est soldée par la signature, le 4 juillet 2006, de l’Accord d’Alger à la suite de la médiation de proximité de l’Algérie.
Le 17 janvier 2012, divers groupes armés (MNLA, Ançar Dine, AQMI…) attaquèrent les forces armées nationales. Après avoir commis les massacres d’Aguelhok (plus d’une centaine de soldats des forces armées nationales froidement tués), ces groupes occupèrent les trois régions du Nord où ils commirent de graves violations des droits de l’homme (amputations, viols, flagellations, destruction des monuments appartenant au patrimoine mondial de l’humanité).
La débâcle militaire s’est soldée par le coup d’état militaire du 22 mars 2012 qui fût, à la fois, le révélateur et la conséquence ultime de l’incurie totale des autorités étatiques. Le Mali a ainsi été plongé dans une crise multidimensionnelle grave. L’Accord-cadre du 6 avril 2012, signé sous l’égide de la médiation de la CEDEAO s’est traduit par la mise en place des institutions de la Transition qui ont permis le retour à une certaine normalité.
Le 18 juin 2013, le gouvernement de transition signa, à Ouagadougou, avec le MNLA et le HCUA – auxquels s’ajoutèrent le MAA et les FPR – l’Accord préliminaire en prélude à l’organisation de l’élection présidentielle et aux pourparlers de paix inclusifs. Cet Accord préliminaire s’inscrit dans la même perspective que la Résolution 2100 du 25 avril 2013 qui réaffirme clairement la souveraineté du Mali, le respect de son intégrité territoriale et de son unité nationale.
L’élection présidentielle du 28 juillet et 11 août 2013, couronnée par la victoire éclatante du président Ibrahim Boubacar Keïta, marque définitivement le retour à une vie constitutionnelle normale. Le 24 novembre et le 16 décembre 2013, le processus électoral s’achèvera avec l’organisation des élections législatives.