ISSY-LES-MOULINEAUX - Sur la porte d’entrée vitrée du siège de la radio endeuillée à Issy-Les-Moulineaux, dimanche, une photo des deux journalistes de RFI tués la veille au Mali, dont l’assassinat a provoqué une déferlante de messages bouleversés d’auditeurs et de rédactions du monde entier.
Dans le hall d’entrée que traversent des journalistes émus, visage fermé, parfois aux bord des larmes, le logo rouge de RFI a été barré d’un ruban adhésif noir en signe de deuil.
Les dirigeants de RFI, reçus dans la matinée par le président François Hollande, ont annoncé dimanche qu’ils allaient partir à Bamako afin de rapatrier les corps de leurs confrères, "peut-être dès lundi", selon Marie-Christine Saragosse, PDG de France Médias Monde, qui inclut RFI.
"Le premier mot à retenir c’est +assassinat+", a déclaré à la presse la directrice de RFI, Cécile Mégie, de retour de l’Elysée.
"Un véhicule a été localisé par des patrouilles terrestres à une dizaine de kilomètres de Kidal, les deux corps ont été retrouvés exécutés à quelques mètres de la voiture fermée à clé", a-t-elle raconté.
"Nous ne savons pas pourquoi eux et pourquoi là", a-t-elle ajouté, en
demandant que "toute la lumière soit faite" sur ces meurtres.
Signe de l’émotion soulevée par leur disparition, RFI avait déjà reçu dimanche matin plus de 1.300 messages sur la boîte de courriel ouverte aux hommages des amis, confrères et auditeurs à Ghislaine Dupont et Claude Verlon (rfihommage@gmail.com).
"Nous avons reçu des centaines de témoignages de Maliens qui sont édifiants. Ils sont aussi révoltés et honteux que cela se soit passé sur leur territoire", a affirmé Cécile Mégie.
"Tout le monde est en deuil", résume Bruno Daroux, directeur de la rédaction Monde de RFI, en rappelant le lourd tribut payé par sa radio en une
décennie.
"En 10 ans, nous avons perdu quatre journalistes": Johanne Sutton en novembre 2001 en Afghanistan, Jean Helène en octobre 2003, assassiné par un policier en Côte d’Ivoire, puis, samedi, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, exécutés lors d’un reportage à Kidal au Mali.
"Il faut continuer"
Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a rendu visite dimanche à la rédaction pour lui témoigner sa "solidarité".
"J’ai dit à l’équipe de RFI qu’il fallait qu’ils continuent de faire leur travail, c’est ce qu’auraient souhaité ces journalistes aguerris qui ont été tués de façon odieuse", a-t-il déclaré.
"La situation des journalistes a changé. Avant être journaliste c’était être protégé, aujourd’hui c’est être une cible", a-t-il ajouté.
Le ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti a également été reçue dimanche dans les locaux de la radio internationale. "Leurs deux collègues sont morts pour l’honneur de tous les journalistes, pour l’honneur de la démocratie et de la France", a-t-elle commenté.
Vers midi, la vingtaine de journalistes d’autres rédactions postés devant le siège de RFI ont observé une minute de silence en hommage à leurs confrères disparus et en signe de soutien à une équipe RFI meurtrie.
"On arrive pas à comprendre que leur chaise restera vide. On fait un métier où parfois on peut prendre une balle, c’est le risque. Mais être ciblé parce qu’on est journaliste, c’est injuste, cela devrait soulever l’indignation de tous", raconte, très ému, Nicolas Champeaux, journaliste au service Afrique de RFI. Et de rappeler l’importance de la mission d’informer: "Des pays et des régions entiers disparaissent de la carte du monde quand les journalistes n’y vont plus".
Mais "s’ils voulaient nous fermer le clapet, ils n’ont pas réussi, au contraire, ça va nous motiver encore plus pour y retourner", dit-il.
"Il faut continuer. Nous retournerons au Mali", a renchéri Cécile Mégie.
Une détermination partagée dimanche par tous les membres de "la radio du monde". Station la plus écoutée dans une grande majorité de capitales d’Afrique francophone, ses programmes, essentiellement destinés à l’étranger, rassemblent chaque semaine environ 40 millions d’auditeurs.