BEIJING - Deux journalistes français ont été enlevés et tués par des hommes armés dans le nord du Mali, un casque bleu tanzanien a été abattu en République démocratique du Congo (RDC)... Ces derniers jours, l'instabilité semble relever de la normale en Afrique.
Les actes de violence sont relativement fréquents sur le continent africain. Selon les données du site internet de l'ONU, depuis le lancement des huit missions onusiennes de maintien de la paix en Afrique jusqu'au 31 août 2013, 461 casques bleus ont perdu la vie pendant leur service.
Les activités terroristes, sous forme d'agressions, de meurtres, d'enlèvements, ou encore d'attentats à la voiture piégée ne cessent de se multiplier, entraînant de lourdes pertes en vies humaines.
Les problèmes au Mali et en Libye sont loin d'être réglés, les conflits entre les deux parties du Mozambique continuent, et le Nigeria, la Tunisie et la RDC ne sont pas non plus épargnés par l'instabilité.
Le Kenya, qui bénéficiait d'une bonne réputation et était considéré comme étant stable, a également perdu sa notoriété et son surnom de "perle de l'Afrique" suite à l'attaque tragique contre le grand centre commercial Westgate fin septembre.
Les pays africains qui se trouvent dans l'instabilité n'ont jamais semblé aussi nombreux. L'Afrique détient indéniablement le record du continent ayant connu le plus grand nombre d'attentats et de coup d'Etat au cours des cinquante dernières années. Il convient donc de réfléchir aux sources menant à l'instabilité chronique de nombreux pays et de plusieurs régions d'Afrique, afin de pouvoir assurer la sécurité sur tout le continent.
Tout d'abord, l'Afrique est un continent politiquement instable car elle a été victime de la colonisation occidentale capitaliste. Un facteur important qui favorise la propagation de l'instabilité est l'absence d'un contrôle fiable des frontières nationales héritées de la colonisation. La nature poreuse des frontières nationales sur le continent a encouragé la croissance des bandes de passeurs. Ces bandes ne se contentent pas de gérer le commerce transfrontalier de biens ordinaires. Elles se sont transformées en puissants groupes, et passent des drogues, des ossements humains et des armes à travers les frontières.
Deuxièmement, si cette situation peut être expliquée historiquement, la machine infernale de la mondialisation et ses conséquences, et la démocratisation forcée du continent peuvent être considérés comme les nouvelles causes des crises cycliques qui secouent le continent.
D'une part, la mondialisation et la libéralisation des échanges ont apporté de profondes mutations politiques et une déconfiture des structures sociales africaines. La lutte pour le contrôle des ressources naturelles et des matières premières pousse certaines multinationales jusqu'à armer des groupes rebelles. Les différentes conditions imposées par les politiques d'ajustement structurels ont tellement paupérisé les populations et les classes moyennes n'existent plus en Afrique. Le plus révoltant est l'écart visible entre les pauvres et les riches. D'autre part, la démocratisation forcée et imposée de l'extérieur a un effet plus négatif que positif. Elle a provoqué plus de problèmes qu'elle n'en a réglés. Sans moyens, les pays africains ne sont pas capables d'entrevoir un horizon démocratique.
Troisièmement, la mauvaise gouvernance et la marginalisation des minorités, aggravées par un manque réel de démocratie représentative et de dialogue entre les différents peuples, seraient à l'origine des rébellions et des coups d'Etat.
Quatrièmement, la recrudescence des activités terroristes et extrémistes sur le continent, menées par des organisations telles qu'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) en Afrique du Nord et de l'Ouest, les Shebab en Somalie, ou encore le Boko Haram au Nigeria, continue de présenter de nouveaux défis à la paix et à la sécurité.
"La mauvaise gestion des forces de sécurité nationales qui sont, dans la plupart du temps, plus tribales que nationales, aggrave cette situation", a déclaré Xu Weizhong, directeur adjoint du bureau de la recherche d'Asie de l'Ouest et d'Afrique de l'Institut chinois des relations internationales contemporaines, lors d'une interview accordée à Xinhua.
De plus, le continent a été rendu vulnérable par les frontières poreuses et les centaines de kilomètres de côtes non surveillées, les Etats fragiles et secoués par les conflits, les systèmes judiciaires affaiblis, la corruption, le taux élevé de chômage chez les jeunes, et d'autres défis sociaux, a ajouté M. Xu.
Enfin, fait non négligeable, malgré les efforts déployés par l'ONU et l'Union africaine (UA) en vue de renforcer la paix en Afrique, le retard en terme de développement économique et social dans la majorité des pays africains les empêche de créer rapidement une force interafricaine permanente de maintien de la paix qui serait entièrement compétente pour régler des conflits importants sur le continent.
Il n'y a pas de solution miracle ou de baguette magique nécessaire pour résoudre les conflits du continent africain, en particulier ceux des pays tels que la RDC, la RCA et le Soudan. Pour que le continent commence à bénéficier des dividendes de la nouvelle croissance économique, les différents acteurs doivent apprendre à respecter les accords, les minorités et aussi essayer de mettre en œuvre une réelle démocratie représentative.
En outre, une forte coopération régionale sur les questions de sécurité et de commerce doit être encouragée. Les pays africains doivent prendre leurs responsabilités pour écrire leur propre histoire politique sans ingérence ni influence. Seul ce choix responsable leur permettra non seulement de se renforcer en termes de possibilités et d'outils, mais d'obtenir une place respectable et respectée au sein du système international.