Silence, on démolit. Dans Tombouctou interdite depuis que les groupes armés salafistes l'ont envahie début avril, les destructions de mausolées et de lieux saints de l'islam se poursuivent à huis clos. Les Touareg ont fui, journalistes, travailleurs humanitaires et observateurs étrangers sont bannis, les habitants se terrent chez eux, trop effrayés pour oser témoigner par téléphone sous leur nom.
Tombouctou, "la perle du désert", ville mythique du Mali aux confins du delta intérieur du fleuve Niger et du Sahara, tremble sous les coups de pioche et la furie destructrice des nouveaux maîtres de la région. En quelques mois, les groupes islamistes radicaux ont pris possession de cet immense territoire du nord du Mali et, profitant notamment de la faiblesse du pouvoir central, fragilisé par un coup d'Etat le 22 mars à Bamako, ont imposé leur loi. Cette loi, c'est la charia. Un moment alliés, les rebelles touareg ont été débordés et chassés. L'alcool a été interdit, les bars fermés, les maisons des chrétiens pillées, les femmes mises au pas.
Depuis une semaine, les salafistes – dont il est difficile d'établir avec certitude s'ils relèvent d'Al-Qaida au Maghreb islamique ou du groupe malien Ansar Eddine – s'attaquent aux mausolées de la "cité des 333 saints". Sept, peut-être huit, de ces monuments ont déjà été détruits. Pour ces salafistes, le culte ancestral des saints, que pratiquent les musulmans soufistes de la région, porte atteinte à la pureté du culte de Dieu. Le salafisme, version puritaine wahhabite de l'islam sunnite fondée en Arabie saoudite, ne s'accommode pas de cette religiosité populaire et entend l'éradiquer.
Grand centre intellectuel de l'islam depuis sa création au XIIe siècle, Tombouctou, inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco, abritait à partir du XVe siècle une des plus prestigieuses universités du monde musulman, celle de la mosquée de Sankoré. Une collection unique de manuscrits de cette époque a été reconstituée ces dernières décennies. Elle abrite quelque 30 000 documents, rassemblés au sein du Centre de documentation et de recherche islamiques Ahmad Baba, qui, selon certaines informations, aurait également été saccagé.