Les pressions de la communauté internationale ont finalement eu raison sur le Mali, surtout avec la rencontre de la CEDEAO à Ouagadougou ce samedi 7 juillet dans le cadre de la formation d’un gouvernement d’union nationale au Mali pour conduire la transition. A cet égard, il y a bien des observations à faire.
Est-ce vraiment l’heure, pour la CEDEAO, de faire des gorges chaudes en indiquant que le gouvernement de Chick Modibo Diarra n’est pas consensuel ? L’Accord-cadre de Ouagadougou, dont le Premier ministre tient ses fonctions, prévoyait bien un tel gouvernement d’union nationale. Mais le rendu sur ce plan sera très décevant, et les partis politiques et la société civile n’ont pas manqué de dénoncer le fait, mais rien n’y fit : la CEDEAO fait motus et bouche cousue. Mieux vaut tard que jamais, certes, mais la remarque est loin d’être si inopportune. S’étant acharnée à dénoncer ce gouvernement de transition peu rassembleur, la CEDEAO se rend à Ouagadougou pour « remanier » l’équipe en place. Mais à ce qu’on sache, le Mali n’a pas abandonné sa souveraineté à la CEDEAO pour que cette dernière forme ses équipes gouvernementales à sa place. La Constitution de notre pays prévoit quand et qui doit y pourvoir. L’union sacrée des Maliens est une urgente nécessité, et de cela, seuls des individus obtus et mus par des considérations obscures peuvent douter ! Mais le fait que la CEDEAO transporte ses pénates à Ouagadougou pour se livrer à des consultations et autres tractations dans le but de constituer le nouveau gouvernement de transition est pour le moins insultant envers la dignité malienne. A moins qu’on estime qu’il lui en reste si peu que le Mali pourrait s’en accommoder sans faire trop de chichis. Il y a tout de même des risques à procéder de la sorte. En effet, premièrement, au bout du compte, on risque de se retrouver avec une équipe beaucoup plus aux couleurs de tels ou tels pays de la CEDEAO qu’à celles des Maliens. On passerait ainsi à côté de la dynamique du rassemblement attendu. Une telle manière de faire qui procède d’une interprétation abusive des textes de la CEDEAO peut par ailleurs créer un précédent et conduire à une volonté de supra-gouvernance des Etats de la CEDEAO par ceux des membres les plus puissants ou les plus manœuvriers. Ces dangers, ici identifiés parmi tant d’autres, commandent de s’appliquer à mieux soigner la susceptibilité des Maliens et à revenir aux fondamentaux de l’organisation sous-régionale qui en font, comme son appellation l’indique, une communauté économique et non politique. A défaut d’avoir convoqué cette réunion à Bamako plutôt qu’à Ouagadougou, on s’efforce de motiver et de conseiller les frères maliens à construire une sorte de sainte alliance avant d’engager la lutte de libération nationale. En effet, une chose est de prodiguer aide et assistance, une autre est de vouloir, sur un ton comminatoire, exiger que la formation du gouvernement suive les quatre bonnes volontés de la « si fameuse » CEDEAO. La bonne attitude, c’est finalement de connaître la limite à ne pas dépasser. On a déjà le club des puissants à l’ONU qui n’hésitent pas à imposer leurs lois aux plus faibles. Gardons-nous d’emprunter le même chemin que tous ces « requins » de l’Occident.
Il faut savoir raison garder
Toutefois, la normalisation de la situation au Nord-Mali passe par la résolution de la crise politique au Sud-Mali. En réagissant tardivement à la situation qui prévaut au Mali, en refusant de communiquer et de dire les choses telles qu’elles sont, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra aura laissé la porte ouverte aux « ultras » de son gouvernement qui ont su instrumentaliser la situation à risques dont chacun savait qu’elle pouvait effectivement, dégénérer. « Si nous sommes ce gouvernement de transition, c’est contre la situation qui nous est faite que nous nous rebellons », martèle en substance un membre du FDR. Mais qu’on ne s’y trompe pas : le Mali est aujourd’hui humilié et se trouve dans un mouvement général de sauve-qui-peut. Et ce sont ces actes du FDR qui, au départ, avait rejeté la concertation, qui compliquent davantage la situation du pays car sans accord à Bamako, il n’y aura pas de stabilité au Nord. Actuellement, il y a une déchirure entre la classe politique malienne et les populations qui sont abasourdies et pleines de rancœur à l’égard d’un Président de transition qu’elles qualifient de « traître » face à l’avenir du Mali.
Pour elles, il n’y avait rien d’impromptu en ce qui concerne la formation d’un nouveau gouvernement de transition au Mali. C’est plutôt le résultat de la manigance de ceux qui voulaient poursuivre leurs micmacs mafieux sous le « parapluie » d’un régime qui, à force de dire qu’il recherchait le consensus pour une sortie de crise, s’était finalement avéré incapable de prendre les décisions qui s’imposaient. Aujourd’hui, on commence à penser, dans les capitales ouest-africaines et les chancelleries « occidentales », que l’instrumentalisation du mécontentement de la classe politique malienne s’est poursuivie avec la nomination de Cheick Modibo Diarra comme Premier ministre. La classe politique a tout le temps contesté ce gouvernement de transition et s’est mise à penser qu’il détenait vraiment la clé de la situation. Dès lors, quel a été le diagnostic du FDR ? Le mouvement n’a jamais cautionné le départ d’ATT. Certes, il n’a pas engagé d’action concrète pour répondre à l’attente des Maliens. Bien au contraire, il est rapidement apparu qu’il entendait être consulté au moment de la mise en place du gouvernement de transition. Le FDR semblait prendre en otage la démocratie malienne. L’objectif était de cristalliser le gouvernement en le ramenant à une table de négociation qui permettrait à la classe politique, qui « ne buvait plus du petit lait », de rentrer dans le gouvernement et d’être partie prenante dans la résolution de la crise au Sud avant d’être partie prenante dans l’éradication des « islamistes radicaux » dans le Nord, contre, bien sûr, quelques avantages. Pour parvenir à ses fins, la classe politique malienne, sous la bannière du FDR, va mettre la pression afin que la « communauté internationale » et la « communauté africaine » imposent la formation d’un nouveau gouvernement de transition. Et c’est ce qui provoque la réunion de la CEDEAO à Ouagadougou pour mettre en place un gouvernement dit d’union nationale pour diriger la transition malienne. En attendant, il faut savoir raison garder, d’autant qu’il y a beaucoup d’embuches à franchir.