Il avait renversé un président démocratiquement élu à environ deux mois de la fin de son second et ultime mandat et il en avait poussé des cornes. A défaut de monter à l’échafaud.
Cet instructeur militaire à l’EMIA de Koulikoro, venu de nulle part, baragouinant l’anglais au Prytanée de Kati, s’est rapidement pris pour un démiurge. Le » butin de guerre « , les véhicules arrachés à leurs propriétaires, l’argent issu des nombreux pillages, les fonds extorqués aux personnalités politiques et militaires et surtout aux chefs d’entreprises arbitrairement arrêtés et séquestrés ont dopé le zèle de celui qui est surnommé » Boli » dans les quartiers populeux de Ségou. Le capitaine a alors pris goût à une vie de luxe et de lucre. Son cortège bruyant devient plus qu’impressionnant. Il a à sa solde des hommes plus que zélés pour assurer sa sécurité. Ses sorties sont pesées et sous-pesés avec minutie. Ses bidasses surarmés et motivés par le gain administreront une déverrouillée mémorable aux téméraires bérets rouges, qui avaient tenté un contre-coup d’Etat les 30 avril et 1er mai 2012. Ces terribles affrontements ont occasionné plusieurs morts et des disparus.
Si la pression de la communauté internationale, notamment celle de la CEDEAO l’a contraint à vite céder le » pouvoir « , l’homme fort de Kati n’en était pas moins devenu un héros auprès des couches populaires. Des jeunes applaudissaient à se rompre les phalanges ses apparitions publiques. Des escrocs de la République, dont des hommes politiques bien en vue, ont aussi vite fait de rallier sa cause, histoire d’apparaître à la télévision pour débiter des incongruités et autres dithyrambes au nouveau… messie. Bien de gens déçus et déboussolés par le régime d’ATT voyaient en le Capitaine Amadou Haya Sanogo » le libérateur du peuple « . Mais, très rapidement, ils se sont rendu compte que l’officier sac à dos avait son propre agenda. Il voulait être le » Général de Gaulle malien » rien moins que ça!! Mais les délices et privilèges du pouvoir l’ont poussé à subodorer le palais de Koulouba. Le capitaine va entrer en duplicité avec le président intérimaire, Pr Dioncounda Traoré, à qui il n’a pourtant apporté aucun secours lors de son passage à tabac par l’armada de ses jeunes partisans gonflés de haine contre les » politiciens corrompus « . Pour tirer profit de ce compagnonnage de circonstance entre lui et le président de la République par intérim, le capitaine se fera bombarder Général quatre étoiles pour…. « services éminents rendus à la nation « . Cette promotion, ajoutée aux gargantuesques indemnités accordées au chef des putschistes du 22 mars (devenu président d’un comité militaire de suivi des réformes des forces de défense et de sécurité du Mali taillé à sa mesure) sera la pomme de la discorde entre les putschistes. Et conduira Sanogo et ses amis à se livrer en spectacle le 30 septembre en une mutinerie avec mort d’hommes. Selon plusieurs sources, le putschiste en chef peut difficilement se soustraire aux preuves accablantes que ses anciens amis détiendraient contre lui et ses affidés dans ces événements sanglants. Ce qui pourrait entraîner son inculpation par le juge d’instruction Yaya Karembé dans les jours ou semaines à venir. Sans compter que les investigations judiciaires menées actuellement à Bamako et Kati par la Cour pénale internationale (et plusieurs organisations de défense des droits humains) pourraient confondre l’ex-homme fort de Kati. A ce stade, on peut, d’ores et déjà, regretter que l’homme du 22 mars voie son image flétrie au point de devoir comparaître à la barre. Comme un vulgaire criminel. A croire que le héros est devenu le zéro !
Bruno D SEGBEDJI