L’enlèvement et l’assassinat, le 2 novembre dernier à Kidal, des journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, continuent à faire couler beaucoup d’encre et de salive. Nos deux confrères ont été (longuement) pleurés ; une série d’hommages leur a été rendue, au Mali et en France. Mais, entre larmes, tristesse, compassion, indignation et condamnations, la disparition des deux Occidentaux aura révélé au grand jour la situation réelle du nord du Mali d’une manière générale et, en particulier, le cas de Kidal. Les langues (dont celles des plus hautes autorités) commencent à se délier pour dire tout haut ce qui a été toujours murmuré tout bas : à savoir que Kidal échappe jusque là au contrôle de Koulouba et du Mali, et que cette partie du pays est loin d’être « en sécurité ». Au contraire….
C’est exactement à 13h10, ce samedi 2 novembre 2013 que Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été kidnappés par un petit commando, au sortir du domicile d’un responsable du Mnla, Ambéry Ag Rissa. Un peu plus tard, leurs corps ont été retrouvés à 12 kilomètres de Kidal, assassinés froidement. Le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, a précisé qu’aucun impact de balle n’avait été trouvé sur le véhicule à proximité duquel gisaient les corps des journalistes : « L’un a reçu deux balles, l’autre trois balles. Leurs corps ont été retrouvés à 80 mètres de la voiture, qui était fermée à clef, et aucun impact de balle n’a été retrouvé sur la voiture ».
Via les réseaux sociaux, les radios et chaînes de télévisions, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Débute ainsi une série d’hommages.
Le gouvernement malien a promptement condamné ce double assassinat dans le journal télévisé de la soirée.
Le président François Hollande a appris avec consternation la mort des deux journalistes et « exprimé son indignation à l’égard de cet acte odieux ». IBK et Hollande « ont marqué leur volonté de poursuivre sans relâche la lutte contre les groupes terroristes qui restent présents au Nord du Mali ».
Le lendemain, dimanche 3 novembre, la presse malienne a organisé une grande marche « silencieuse » de condamnation de la Maison de la presse à l’Ambassade de France à Bamako.
A 18h, les deux corps ont été ramenés à Bamako par un avion de l’armée française.
Plusieurs officiels maliens, dont le Premier ministre, Oumar Tatam Ly, ainsi que le ministre français délégué aux anciens combattants, Kader Arif, et la Pdg de France Médias Monde, qui inclut RFI, Marie-Christine Saragosse, étaient à l’accueil à l’aéroport.
Lundi 4 novembre, le président IBK a élevé les défunts au grade de chevalier de l’ordre national du Mali à titre posthume.
Dans la soirée, les corps des deux journalistes ont été rapatriés à Paris ou le vol Air France AF3873 a atterri à 07 h 00 à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Cette tragédie a bouleversé l’ordre établi dans la ville et aux alentours de Kidal. Entre réunions de crise, communiqués et déclarations, la France a mis les bouchées double pour certes savoir la vérité sur l’assassinat, mais aussi et surtout pour renforcer les mesures de sécurité. Cela met justement à nu l’extrême légèreté avec laquelle cette ville est gérée depuis la libération des régions nord du Mali.
Les Maliens ont toujours pensé, sans le crier sur les toits, que la situation privilégiée de Kidal « cache quelque chose ». Depuis l’assassinat des deux journalistes français, les langues se délient et disent TOUT.
Le premier responsable du pays, chef suprême des armées, Ibrahim Boubacar Kéïta, avoue que « l’armée malienne est confinée l’arme aux pieds ».
Le ministre de la défense et des anciens combattants, Soumeylou Boubeye Maïga, se révolte (sur RFI) du fait que les rebelles du Mnla « ne sont pas cantonnés » et qu’ils vadrouillent librement en ville.
Le président du Parena et ancien ministre des affaires étrangères, Tiébilé Dramé, jure que « si l’autorité du Mali s’exerçait à Kidal, nous aurions pu éviter l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon ». Pour lui, ce drame devrait servir à voir la réalité en face et, surtout, que « Kidal doit revenir au Mali ».
Sékou Tamboura