Selon les observateurs, le récent conflit au Mali a dégradé les rapports sociaux, ce qui engendre des craintes de représailles parmi les populations déplacées et freine la réconciliation.
En effet, dans tout le pays, les Touaregs et les Arabes ont été accusés d’avoir aidé les islamistes à prendre le pouvoir dans le Nord. Lorsque les forces françaises sont intervenues en janvier pour chasser les terroristes, de nombreux Touaregs et Arabes ont été pris pour cible par la population et un climat de suspicion a envahi une grande partie des villes du nord et du centre du pays. De nombreuses personnes ont manifesté leur crainte d’éventuelles représailles.
Les tensions ethniques ne sont pas nouvelles au Mali et des violences interethniques ont déjà éclaté par le passé, mais Oxfam a révélé dans une étude publiée en octobre que le conflit de 2012/2013 avait miné les rapports sociaux plus profondément que les hostilités précédentes.
Selon Oxfam, outre le récent conflit, ce sont également la pauvreté chronique, la corruption et la colère suscitée par le sous-développement, la marginalisation et l’injustice dans le nord du Mali qui sapent les rapports sociaux.
Les programmes de réconciliation vont devoir se faire à l’échelle communautaire. Il s’agit moins d’accords politiques au sein des hautes sphères que de la possibilité de prendre le thé avec son voisin et de la possibilité pour les uns et les autres de se donner la main en se regardant les yeux dans les yeux.
La méfiance
L’effondrement de la cohésion sociale se reflète dans la tendance à généraliser les accusations. Ainsi, 60% des personnes interrogées qui trouvaient que les relations sociales s’étaient dégradées en rejetaient la responsabilité sur tout un groupe ethnique plutôt que sur des individus en particulier, a révélé le rapport d’Oxfam, qui a également remarqué que les menaces, la violence et la stigmatisation avaient contribué aux tensions.
La méfiance est particulièrement forte parmi les déplacés, qui ont été confrontés aux difficultés de la fuite et de la vie de réfugiés. Certains avaient déjà été obligés de fuir de chez eux par le passé.
Certains des réfugiés interrogés par Oxfam, notamment des Touaregs, ont affirmé ne pas vouloir rentrer chez eux. Cela complique nettement la recherche de solutions pour les personnes déplacées.
Toutefois, depuis que les islamistes ont été « chassés » de Tombouctou, Gao et Kidal, les trois plus grandes villes du Nord, des milliers de déplacés sont rentrés chez eux. Leur retour a été en partie encouragé par le gouvernement, qui a mis en place un programme visant à payer les frais de relocalisation et de réinstallation des fonctionnaires qui reprenaient leurs fonctions dans le Nord.
Et, selon l’Organisation Internationale de la Migration (OIM), entre janvier et septembre 2013, environ 65 000 personnes sont rentrées à Mopti, Gao, Kidal et Tombouctou. Mais 40 000 autres ont quitté le Nord pour s’installer dans des villes du Sud, à cause du manque d’opportunités économiques et des difficultés d’accès aux services essentiels.
Cependant, il faut noter que l’insécurité demeure une menace pour ceux qui sont rentrés dans le nord et la vie économique a également été perturbée avec le départ de nombreux touaregs et arabes, qui détenaient la majorité des activités commerciales du Nord.
La confiance entre les différents groupes a diminué et les gens réalisent donc moins d’échanges commerciaux entre eux.
Il importe pour le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, qui a promis de trouver des solutions aux facteurs qui ont conduit au renversement de son prédécesseur et à la prise de contrôle de la moitié nord du pays par les terroristes, d’agir le plus rapidement possible.