Les négociations en vue d’un gouvernement d’union condamnent la classe politique malienne à s’entendre avec elle-même pour commencer de régler les vrais problèmes du pays.
Bamakois réclamant le retour complet du pouvoir au civil après le putsch du 22 mars, 26 mars 2012, Reuters
D’abord annoncé, le président Dioncounda Traoré du Mali ne viendra plus à Ouagadougou, pour «raisons médicales», affirment ses proches. Un signe avant-coureur? La rencontre de Ouagadougou est en fait un mini-sommet ouest-africain devant permettre de trouver une issue à la crise du Nord Mali.
Cette crise voit d’ailleurs se multiplier les manifestations de colère face aux abus des groupes islamistes. Reste donc à savoir quels acteurs politiques viendront effectivement deBamako pour prendre part aux travaux devant déboucher sur la formation d’un gouvernement d’union nationale.
Ouaga, «nouvelle capitale» du Mali
Au sommet de samedi 7 juillet à Ouagadougou, le présidentBlaise Compaoré du Burkina Faso et différents chefs d’Etat de la région doivent échanger avec des représentants de la classe politique et de la société civile du Mali.
Ceci, en vue de constituer un gouvernement d’union nationale devant être, selon la Cédéao, «plus inclusif» que le cabinet actuel dirigé par le Premier ministre Cheick Modibo Diarra. On espère que la nouvelle équipe gouvernementale de transition pourra davantage répondre à la crise dans le nord du Mali.
En tout cas, pour l’heure, la ville de Ouagadougou semble être devenue provisoirement la nouvelle capitale du Mali. Depuis trois mois, le Mali se trouve coupé en deux. Après un épisode marqué par les revendications indépendantistes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), les choses se sont compliquées avec l’occupation du terrain par des groupuscules terroristes encadrés par Aqmi.
Ces derniers, presque sans adversaires en face, ont pris plaisir ces derniers temps à commettre des sacrilèges et à réprimer publiquement les personnes ne se conformant pas aux exigences de la charia, selon la compréhension qu’ont les nouveaux occupants illégaux et illégitimes du Nord Mali.
C’est donc visiblement à Ouagadougou que va se jouer le destin du Mali ce week-end et dans les prochains jours. Il faut de toute urgence, à ce pays, un gouvernement d’union nationale ayant les faveurs de tous. Reconnu au plan international, celui-ci détiendra alors toutes les cartes entre les mains. Lui reviendra, entre autres, la tâche de gérer la mobilisation contre l’occupant illégal, notamment en donnant une âme à l’armée malienne.
Trouver un consensus
Médiateur officiel, Blaise Compaoré, le chef de l’Etat burkinabè, sera entouré à l’occasion de certains de ses homologues. Les semaines passées à rencontrer les différents protagonistes et à chercher le bout du tunnel, n’auront certainement pas été faciles.
Dans des litiges du genre, il faut parfois savoir serrer les dents, à la fois ouvrir et fermer les yeux comme la bouche, se boucher les oreilles et s’empêcher de sentir les odeurs autant que les émotions. Ne s’engage pas dans la médiation en Afrique, qui craint d’avoir à gérer des susceptibilités. Il faut avoir appris à ménager la chèvre et le chou, et surtout faire preuve de patience et d’écoute active.
Car, il y va aussi de la préservation de la paix dans l’ensemble de la sous-région qui comprend plus d’une quinzaine de pays et plus d’une centaine de millions d’habitants. La responsabilité est lourde et toute erreur de jugement ou de stratégie pourrait être fatale.
C’est aussi pourquoi les acteurs politiques maliens attendus à Ouagadougou devront s’efforcer de surmonter leur ego, pour trouver des solutions consensuelles à leurs problèmes. Ils doivent comprendre que les Africains se désolent de plus en plus de les voir s’entredéchirer, alors que l’ennemi se trouve ailleurs, dérange la quiétude des populations et nargue un peu tout le monde par leur propre faute.
Il y a urgence à taire les divergences, pour sortir le peuple malien de la détresse dans laquelle l’ont justement plongé les acteurs politiques eux-mêmes. Plutôt que de sommeiller, il faut chercher à se réhabiliter à ses yeux, en passant outre les sempiternelles querelles de chiffonniers. Celles-ci auront conduit à exposer inutilement la République et ses populations aux diktats d’aventuriers en tous genres.
La classe politique devant ses responsabilités
Dans la capitale burkinabè, les représentants maliens ne devront pas dormir, à l’image des nombreux réfugiés qui souffrent aujourd’hui des conséquences de leur manque de clairvoyance. Car, la situation que vit ce pays voisin et frère, résulte bien de la mal-gouvernance. De cela, toute la classe politique doit se sentir responsable. Il faut arrêter de trouver des boucs émissaires un peu partout, et se dépêcher de regarder dans la même direction.
Ceux qui accourent au chevet du Mali, n’ont pas la même part de responsabilité dans la gestion de la crise que ceux qui ont déjà eu à gérer le pays ou en sont présentement les principaux acteurs, au pouvoir ou non.
Chacun doit se convaincre que de sa bonne foi et de son ardent désir de paix et d’entente, dépendra véritablement la préservation de l’héritage de Soundiata Keïta et des légendaires régnants de ce grand pays. Il ne sert à rien de ruer dans les brancards, encore moins de fourbir les armes, quand on n’est pas prêt pour le combat.
Par contre, il convient de s’ouvrir au dialogue, s’accepter mutuellement au nom des souffrances qu’il faut éviter à tout prix à ses propres concitoyens et aux autres populations. Dans la situation actuelle, s’abstenir de tout aventurisme constitue un impératif. A la classe politique malienne d’arrêter de tourner en rond et de s’assumer.
La réunion de Ouagadougou ne doit pas être une réunion de plus; mais une réunion qui consacre le début de la fin d’une crise qui n’a que trop duré, avec son cortège de morts, de désolations et de souffrances inadmissibles.