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Mali somalise : 100 jours d’occupation
Publié le lundi 9 juillet 2012   |  Le Prétoire


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© Getty Images par DR
Des militants Islamistes détruisant un lieu saint antique dans Timbuktu le 1 juillet 2012.


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Plus de trois mois que le nord du Mali est occupé par des groupes armés. En cent jours d’occupation, le septentrion aura tout connu, y compris le fond : tortures, viols, violations, assassinats, brimades et saccages. Il aura connu même la désacralisation de ses sanctuaires, la profanation de ses tombeaux, la destruction de ses mausolées. Après cent jours, il n’est pas près de voir le bout du tunnel.

Avec une gestion du pouvoir, sur fond de transfert de souveraineté, beaucoup à Ouagadougou, souvent à Abidjan, Cotonou ou Dakar, mais rarement à Bamako ou à Paris où s’est réfugié le président de la transition, une médiation plus que jamais contestable, une communauté internationale qui tarde à agir, le nord est encore très loin de voir le bout du tunnel. L’occupation des trois régions du nord et d’une grande partie de celle de Mopti consacre la «somalisation» du Mali. Depuis le 1er avril, cette zone, qui représente plus des deux tiers du territoire national, est contrôlée par des groupes armés.

Mais cette «somalisation» n’est pas seulement une partition schématique du pays en nord et sud, mais se révèle encore plus complexe. En fait, de ces groupes armés, seuls quelques uns contrôlent effectivement le nord. Il s’agit principalement du Mnla (Mouvement national de libération de l’Azawad, indépendantiste et séparatiste), d’Ansar Eddine (armée ou pouvoir de la religion, mouvement islamiste), d’Aqmi (Al Qaëda pour le Maghreb islamique, cellules terroristes) et du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest, intégriste religieux, dissident d’Aqmi).

La divergence d’intérêts et d’objectifs entre ces groupes consacre une autre partition, cette fois celle du nord même en différentes zones d’influence.

Depuis la conquête totale du septentrion, le Mnla n’a cessé de perdre de l’influence et du terrain. Il avait fini par jeter son dévolu sur Gao, une ville choisie comme capitale de son Etat indépendant. Sa déconfiture a été complète après sa défaite dans la bataille pour le contrôle de cette ville, face aux éléments du Mujao. Cependant, le Mnla est toujours présent dans la région de Gao, mais aussi dans celle de Tombouctou d’où il a opéré un «repli stratégique» pour se regrouper à Léré, non loin de la frontière mauritanienne.

Gao, enjeu pour le Mujao et le Mnla
Gao était devenue problématique pour les deux mouvements. Si le Mujao a été créé essentiellement par des dissidents maliens et mauritaniens d’Aqmi, il a été renforcé depuis par des Arabes implantés à Gao depuis des décennies. Ils ont excellé et prospéré dans l’enlèvement et la vente d’Occidentaux. Ceux-ci étaient vendus à Aqmi dont le Mujao assurait également la sécurisation des convois de drogue. Ils se sont dissociés d’Aqmi pour «travailler» à leur propre compte, notamment dans le narcotrafic, et faire en même temps l’économie de la redevance grâce à laquelle Aqmi, seule branche vraiment opérationnelle et rentable, finance les autres branches d’Al Qaëda.

Mais en plus du Mujao, d’Ansar Eddine et du Mnla, existent d’autres groupes armés dont on parle peu. Il s’agit des milices locales d’autodéfense, Ganda Koy et Ganda Izo, composées des populations sédentaires. Faiblement armées et ne bénéficiant pas de grandes marges de manœuvres, elles sont pour le moment peu actives, mais pourraient être d’un apport capital et décisif pour les forces armées et de sécurité du Mali ou de la communauté internationale en cas d’intervention militaire pour libérer et reconquérir les régions du nord.

Tombouctou est une toute autre réalité. Si le Mnla, réfugié à Léré, n’est pas totalement parti de la région, c’est Aqmi qui y fait sa loi, accentuant sa main mise sur la Cité. Au début, la branche maghrébine du réseau terroriste avait eu le soutien, ostentatoire ou secret, d’une partie de la population, très conservatrice, attachée aux valeurs fondamentales de l’islam, réfractaire à la libéralisation accrue des mœurs. Néanmoins, l’atteinte aux symboles mêmes de la «sainteté» de cette ville a conduit les conservateurs à se démarquer (passivement, il est vrai) des envahisseurs.

Là également, l’armée pourrait avoir le soutien d’un groupe armé, le Fnla. Ce front est composé essentiellement d’Arabes et de Maures, humiliés par Aqmi et Ansar Eddine qui les ont chassés de Tombouctou, leur terroir naturel. Ils sont aguerris puisque provenant pour la plupart des milices arabes créées et armées pour, officiellement protéger la région des narcotrafiquants et des terroristes, mais en réalité pour sécuriser, essentiellement, les circuits de la drogue dont profiteraient de «gros bonnets» de Bamako.

Des milices pour sauver Tombouctou
Pour avoir favorisé la prise de Tombouctou et contribué à son pillage, les miliciens ont récemment été réprimandés lors d’une rencontre, en Mauritanie, entre communautés arabes. Ils pourraient se racheter en tant qu’auxiliaires de l’armée, surtout qu’ils ont également une grande expertise du terrain.

C’est dans la ville de Kidal et dans d’autres localités de la région qu’Ansar Eddine règne vraiment en maître. Laissant le reste à Aqmi. Cependant la situation est en train de changer. Notamment depuis qu’à la suite de manifestations de protestations des femmes et des jeunes contre le rigorisme d’Ansar Eddine, le vieil Aménokal des Touaregs, Intallah Ag Attaher est sorti de sa réserve pour inviter ses fils, ses coreligionaires et compatriotes à se démarquer d’Ansar Eddine, «un parti d’Aqmi».

Par ailleurs, en voulant affermir son influence et son emprise sur Gao en s’appuyant sur le Mujao, Iyad Ag Ghali est de plus en plus désavoué par les différentes fractions touarègues, accusé d’avoir «laissé» le Mujao déloger le Mnla de son «territoire naturel», l’Azawad. Depuis, le chef d’Ansar Eddine serait dans une optique de négociations avec les autorités maliennes. Mais il y aurait aussi une autre raison: il n’aurait plus de contrôle sur les hommes qui sont en train de gérer Tombouctou avec la manière qu’on sait. Il aurait d’ailleurs entrepris de prendre ses distances avec Aqmi. La démarcation serait marquée par l’adoption, en lieu et place du hideux et lugubre étendard noir des extrémistes religieux, d’un nouveau drapeau blanc avec comme effigies le Coran, le sabre et la kalach.

Avec donc une telle mosaïque, Aqmi, Mujao, Ansar Eddine, Mnla d’une part, et Ganda koy, Ganda Iso, d’autre part, à Gao ; Aqmi, Ansar Eddine, d’un côté, et le Fnla et les milices arabes, d’autre côté, à Tombouctou ; Ansar Eddine qui pourrait en découdre avec Aqmi, la situation est loin d’être claire. Et si le Mali est divisé en nord et sud, chaque région du nord pourrait également entrer en sécession contre les autres régions, contre la nation.
Cheick Tandina

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