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Le festin perdu des politiciens : De Ouagadou 1 à Ouagadou 2, les politiciens maliens, ex-invités à la marmite du « Vieux Commando » en fuite, pensent à une seule chose: manger et boire…
Publié le lundi 9 juillet 2012   |  Le Procès Verbal


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© AFP
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Le Premier ministre Cheick Modibo Diarra, quoique débarqué, il y a peu, de sa navette spatiale Pathfinder, a eu le temps de remarquer qu’« il suffit de mettre deux Maliens dans une pièce pour qu’ils se jettent l’un sur l’autre ». Ce n’est pas facile de contredire un Martien mais Cheick Modibo a tort. Il y a une chose sur laquelle les hommes politiques maliens s’entendent bien, et fort bien: le partage du gâteau national. Tant qu’ils trouvent à manger à satiété et à boire à grandes goulées, les compères politiciens ne font aucune palabre et rigolent comme larrons en foire.

Le « Vieux Commando », avant sa mémorable fuite du palais de Koulouba, avait habitué notre foule de politiciens à partager assidûment la même marmite et à festoyer jour et nuit jusqu’à se lécher les coudes. Crise alimentaire ? Connaissaient pas. Invasion acridienne au nord ? Connaissaient pas. Et d’ailleurs, les sauterelles elles-mêmes se gardaient bien de venir au sud de peur de passer à la table des criquets politiciens dotés d’un appétit autrement vorace.

Ainsi donc, à la belle époque, les politiciens les plus dangereux pour le pouvoir du « Vieux Commando », c’est-à-dire ceux capables de remplir de monde les rues et les stades, recevaient des strapontins ministériels; les moins dangereux, c’est-à-dire ceux qui faisaient plus de bruit que de mobilisation populaire, devenaient directeurs ou PDG de machins; quant aux animateurs de micro-partis, ils étaient bombardés dans les ambassades et autres hauts lieux de fainéantise où l’on boit du petit lait en se roulant les pouces.

Bien sûr, il y avait aussi les courtisans du soir qui venaient raconter au grand chef que Bakarydian volait à pleines mains, que Seydoublén menait la belle vie, que Djanguinakouroun traficotait avec Sékoufing et patati et patata…

Ces courtisans nocturnes, dis-je, ne rentraient pas non plus les mains vides: ils émargeaient à la « caisse noire », ce fonds de souveraineté que le chef bouffe à sa guise et qui ne cessait de s’épaissir d’année en année. Ah! J’oubliais les syndicalistes qui, moyennant un préavis de grève bien senti, s’entretenaient copieusement le tube digestif sur le dos des militants.

Le « Vieux Commando » était si clément et miséricordieux qu’il a fait distribuer l’argent public à tous les partis qui devaient en être privés, faute d’une comptabilité fiable. Une sorte de cantine à ciel ouvert, en somme. Avec tous ces pâturages et prairies à la ronde, nul politicien ne s’avisait de rompre le charme du consensus. Et c’est vraiment manquer de jugeotte que de croire qu’ils pouvaient tenter des motions de censure contre les gouvernements du « Vieux Commando ».

Or donc, au moment où cette politique du consensus avait investi l’âme et le coeur des politiciens, voilà une junte militaire qui met le pied dans le plat ! Le temps de la stupeur passée, chacun a repris sa calculette pour savoir quel avantage tirer du jeune capitaine et de son étrange CNRDRE. Certains, trop mécontents de se voir chassés de l’abreuvoir qu’avait aménagé le « Vieux Commando », ont protesté tant et si fort qu’ils ont dû fuir le pays. D’autres, qui côtoyaient l’abreuvoir sans qu’on les laisse boire à leur aise, prétendent qu’il faut « prendre acte » du putsch et d’aller de l’avant (comprenez « plus près de l’abreuvoir »). Quant aux rares têtes brûlées qui avaient été tenues loin de la marmite par le généreux « Vieux Commando » lui-même, ils ont applaudi le putsch des mains, des pieds et, surtout, de l’estomac en entamant une danse du ventre digne de l’Arabie médiévale.

Le hic, c’est que tout ce beau monde n’a pu mettre le pied dans le gouvernement de Cheick Modibo. Il n’y a qu’un OVNI comme Diarra pour jouer des tours pareils ! Du coup, de Ouaga 1 à Ouaga 2, de Convention nationale à Forum national, nos mangeurs et buveurs sevrés de nectar battent le pavé. Leur unique programme et leur unique profession de foi ? Retrouver le festin perdu, ich Allah…

Tiékorobani

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