Unique interlocuteur malien de feu Khaddafi et des chefs terroristes d’AQMI, l’homme est le mentor d’Ansar Dine et le vrai maître du nord-Mali.
Cheickh Haoussa est un Touareg de la tribu des Ifoghas. Il est natif de Kidal, comme Iyad Ag Ghali, le chef officiel du mouvement islamiste Ansar Dine. Si Cheickh Haoussa, 46 ans, se contente du titre de numéro 2 de ce mouvement armé qui occupe les trois régions du nord du Mali, c’est en raison de sa propension à manipuler les acteurs plutôt qu’à prendre le devant de la scène. L’homme est un seigneur de l’ombre. Craint par Iyad Ag Ghali lui-même.
La première force de Cheick Haoussa, c’est son immense fortune. Selon un autochtone, quand, à Kidal, les rues se remplissent dès l’aube de véhicules 4X4 flambants neufs, tout le monde comprend que Cheick Haoussa vient d’arriver. Il se forme alors une queue de quémandeurs devant la forteresse que Cheick Haoussa a fait construire à Kidal, près de l’unique boulangerie de la ville: aux uns il donne des liasses d’argent; aux autres, il confie des missions.
Il faut dire que Cheick Haoussa a les moyens de tenir ses promesses; de plus, sa réputation de généroristé lui vaut l’allégeance des jeunes et des vieux Touaregs de Kidal. Il n’a donc eu aucun mal à enrôler tous les enfants-soldats qu’il voulait au sein d’Ansar Dine dont il constitue le seul pourvoyeur en armes et en argent.
Au fait, Cheick Haoussa est le seul interlocuteur malien d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) dont le chef, Abdelmalek Droukdel, est son ami. Seul Cheick Haoussa sait où le chef terroriste passe la nuit. Quand, ces dernières années, AQMI enlevait des otages occidentaux et exigeait une rançon, Iyad Ag Ghali était sollicité par le pouvoir ATT pour acheminer la rançon (très souvent plusieurs milliards de FCFA). Iyad parvenait toujours à faire libérer les otages car il se contentait de remettre l’argent de la raçon à Cheick Haoussa, lequel le remettait ensuite à Abdelmalek Droukdel.
Bien entendu, Cheick Haoussa percevait une juteuse commission au passage. Connaissant ses liens les narco-trafiquants colombiens qui, sous l’escorte d’AQMI, convoient la drogue du sahel vers l’Europe, l’ex- leader libyen, Khaddafi, a pris Cheick Haoussa sous son aile et le couvrait d’or et d’argent. Il se raconte que Khaddafi prenait sa petite dose de cocaïne, ne dédaignait pas en refiler à son entourage ni ne crachait sur la commission perçue sur une cargaison de poudre blanche. Voilà pourquoi le discret Cheick Haoussa lui servait d’agent de contact avec AQMI.
De plus, les généraux algériens, burkinabè et maliens sont nombreux à émarger à la caisse de Cheick Haoussa et, en contrepartie, ils ferment les yeux sur le trafic de drogue d’AQMI au Sahel. On dévine dès lors combien Cheick Haoussa est riche et pourquoi il est le seul militaire touareg à avoir toujours refusé, depuis 2006, son intégration dans l’armée malienne, malgré les hauts grades qu’il se voyait proposer.
La vie de Cheick Haoussa prend un tournant en 2011. Attaqué par des insurgés et les bombes de l’OTAN, Khaddafi charge Cheick Haoussa de faire venir en Libye des mercenaires maliens. Cheick Haoussa reçoit, pour la mission, des dizaines de milliards. Il n’a aucune peine à mobiliser pour le Guide libyen des centaines de combattants touaregs. Les recrutements avaient lieu dans une mosquée édifiée par lui à Kidal et où, généralement, seuls les Touaregs prient.
Mais Cheick Haoussa, tout en aidant son ami Khaddafi, nourrit une autre idée. Pourquoi ne pas soutirer encore plus d’argent à AQMI par la même occasion ? De fait, AQMI a deux objectifs vitaux au Sahel: sécuriser la route de la drogue (de la Colombie à l’Europe en passant par le désert sahélo-saharien) et servir de refuge aux chefs terroristes traqués par les services secrets occidentaux à travers le monde.
C’est de là que naît dans son esprit le projet de création d’Ansar Dine qui, allié à AQMI, prétend instaurer la charia islamique au Mali. Une charia qui, en vérité, sert de pieuse couverture à la réalisation des objectifs sus-visés des terroristes et narco-trafiquants d’AQMI.
Pour mettre à exécution son projet, Cheick Haoussa peut compter sur son cousin Iyad Ag Ghali, donnerait la présence donnerait un visage malien au mouvement; il peut aussi compter sur ses réseaux dans l’armée malienne et, surtout, sur les combattants qui retournent de Libye après la chute de Khaddafi.
En outre, la plupart des officiers touaregs intégrés dans l’armée malienne à la suite de l’Accord d’Alger le rejoignent. L’un d’eux s’appelle Bah Ag Moussa, le chef de l’unité militaire mixte de Kidal qui s’enfuit avec 7 véhicules 4X4 appartenant à l’armée malienne après avoir désarmé ses compagnons noirs. Cheick Haoussa n’hésite pas à se venger de ceux qui trahissent sa confiance; c’est ainsi qu’il fait abattre, en plein Kidal, le commandant Barka Cheick, une de ses anciennes taupes dans l’armée malienne.
En somme, aujourd’hui, Cheick Haoussa tient le nord sous ses bottes. La crise malienne ne se résoudra rien pas sans lui. Et ce qui rend le personnage encore plus intéressant, c’est sa proximité avec le pouvoir burkinabè. Très fréquent à Ouagadougou, il a fait construire sa forteresse de Kidal (la plus belle maison de cette ville) par des architectes burkinabè. Est-ce cette proximité qui conduit le Burkina à vouloir coûte que coûte éviter la solution militaire au nord au profit de l’instauration d’un régime fédéral qui ferait bien les affaires de Cheick Haoussa et de ses amis d’AQMI ? On s’interroge…