Il fît ainsi parti de la vague d’une centaine d’ex jihadistes rescapés des raids aériens, ramenés de Kidal puis libérés dans le Gourma par la MINUSMA en septembre dernier. La raison avancée par les forces de stabilisation en est que tous ceux-là qui ont été librement ramenés ici sont des individus sans convictions qui auraient juste par opportunisme ou ignorance, suivi les narcoterroristes dans leur idéologie de jihad par la violence. De Douentza à Gao, ils avaient été policiers, prêcheurs puis justiciers et cela au sein des leurs.
Le visage pleinement enturbanné, quotidiennement à bord d’un pick-up quasiment recouvert du banco et lourdement armé, il avait patrouillé et opéré des raquettes tel un loyaliste, tout seul et souvent avec ses compagnons de la lutte sainte « au sein des leurs », selon sa propre expression. En ville comme aux check-points, on fouillait les suspects et n’hésitait pas à leur infliger des gifles et sans avancer de raisons valables. Malheur et détresse à qui n’était pas jihadiste ou ami des jihadistes à cette petite époque. Car les autorités administratives c’était eux, la police c’était eux et la justice aussi c’était eux. Dieu, ils l’invoquaient constamment et se croyaient être en plein accord avec lui. Donc au malheureux qui a croisé leur chemin de se classer comme bon lui semble car il n’ y a nul secours en dehors du même Dieu. Ils n’avaient point pitié et justifiaient leurs agissements en service rendu à la religion.
A la question de savoir pourquoi avait-il accepté de se faire recruter par les terroristes, il répondit comme suit : « Aujourd’hui nous sommes vaincus et dispersés, je n’ai aucun intérêt à vous mentir. Alors, je vous notifie et rassure que ces gens (Ançar-Eddine, Mujao et Aqmi) ne sont pas des terroristes. Ils connaissent Dieu et leur seul objectif était de ramener les maliens vers Dieu(Allah). Moi que vous voyez ici, j’ai terminé mes études coraniques cinq ans avant leur arrivée au Mali. Ces gens (jihadistes) sont venus me trouver dans notre école coranique chez mon Cheick (grand maître marabout). Ils ont convaincu mon maître à travers leur savoir-faire et ayant constaté qu’ils disaient vrai, nous avions opté de leur apporter notre soutien en tant que musulmans. C’est ainsi que nous avions été acheminés à Gao pour la formation en stratégie de combat et au maniement des armes de guerre. Au bout de deux semaines, certains d’entre nous sont devenus prêcheurs, d’autres policiers islamiques et les plus résistants sont faits soldats. Pour la formation, la durée dépend de la mission à assigner… ».
Ironie du sort, le premier constat fut que ce malheureux ex jihadiste est loin d’avoir des remords malgré qu’il ait affirmé lui-même avoir échappé à la mort en voyant ses compagnons qui se cachaient, mourir sous l’effet d’une bombe larguée sur la même pièce que lui quelque part aux alentours de Gao.
Après avoir remué la tête, il confie que s’il mourrait, ça n’allait être qu’extasié par ce qu’il était sûr d’être directement accueilli au paradis, comme s’il savait ce qui l’attendait réellement.
Pour justifier son affiliation aux terroristes en déroute depuis janvier et expliquer son état d’esprit à ce jour, il dit ceci : « Moi, mon objectif n’était pas de faire du mal à quelqu’un, je voulais juste enseigner la bonne voie aux gens. Mais c’est vrai souvent, car il y a eu entre nous, des individus malintentionnés qui se sont servi de notre influence pour voler et tuer. Nos maîtres d’Ançar-Eddine ont toujours recommandé à ce que nous privilégions la presse à la violence mais certains de nos chefs ont abusé, il faut le reconnaître. Nous savions aussi que les blancs (occidentaux) nous guettaient car nos chefs nous l’ont dit dès le début. .»
« Je regrette d’avoir échoué. Je regrette aussi qu’à ce jour, dans mon village, ma famille qui était plutôt respectée par tous se retrouve sur toutes les lèvres. Tout le monde m’indexe et dans la rue, j’ai honte de marcher le jour car dès qu’on me voit les conversations sont interrompues. Cela a beaucoup compliqué ma vie depuis mon retour …», poursuivait-il , la tête baissée.
A son avenir, il y songe désormais car, « J’ai perdu mon téléphone dans les mouvements, je souhaiterais tout d’abord ravoir un pour reprendre contact avec mes anciennes relations à travers le sud du Mali afin d’aller chercher du travail et tacher à gagner honnêtement ma vie… ».
Incroyable mais vrai, en aucun point, il n’a hais ses anciens chefs terroristes. Encore pire, il refuse de les appeler terroristes.
Le second constat fut aussi que la chose qu’il déteste le plus au monde à ce jour, c’est le MNLA qu’il accable de violeurs et voleurs ayant sali leur nom à travers la zone. Mais le plus grand mystère a été pour l’heure de découvrir à quoi pensait exactement cet ex jihadiste dont la vie est quasiment impossible au sein des siens. Mais face à la tolérance et la solidarité des populations autochtones, il vit librement et essaie de se réinsérer à ce jour dans son petit village comme beaucoup d’ex combattants un an plutôt ayant subi un constant lavage de cerveau par les narcoterroristes et marchands d’otages.
L’anonymat, nous le lui gardons comme promis dès au début de l’échange…
Issiaka M Tamboura