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Elections: le casse-tête des législatives
Publié le lundi 18 novembre 2013  |  L’aube




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La campagne électorale du scrutin législatif du 24 novembre aura, déjà, révélé une autre facette de faire la politique au Mali : l’absence des candidats sur le terrain faute de moyens, la non maîtrise des missions du député, des bourdes sur le plateau de la télévision nationale, la substitution par les directions des partis, la rescousse des présidents des partis etc…Tout ceci explique le peu d’engouement constaté depuis l’ouverture de la campagne et qui pourrait aboutir à un taux de participation dérisoire jamais enregistré dans une élection législative au Mali. Pire, il faut craindre que la prochaine Assemblée nationale ne soit une tribune de folklore où se côtoieront analphabètes, brigands, prévenus, délinquants financiers, opportunistes, fils à papa et quelques… (rares) intellectuels.


election xCe lundi, nous avons bouclé les deux premières semaines de la campagne électorale pour le scrutin législatif du 24 novembre, et nous sommes à jour J moins 7. Mais, les Maliens peinent à réaliser qu’une campagne électorale est en cours et que le compte à rebours a même commencé. Comparaison n’est certes pas raison. Mais, à pareil moment lors de l’élection présidentielle du 28 juillet, la fièvre, empreinte d’une très haute tension, était telle que, aussi bien les Maliens que la communauté internationale redoutaient le pire pour le pays. La guerre des médias, des affiches, des messages, des programmes, des piques, tout y passait pour convaincre les électeurs, les rallier à sa cause, les détourner de l’autre. Résultat : une campagne dans une atmosphère de folie, une organisation (presque) parfaite de l’élection, une très forte affluence des électeurs devant les bureaux de vote, pour un taux de participation jamais égalé.


Comme le jour et la nuit, la campagne présidentielle et la campagne législative sont diamétralement opposées. Aucun point commun, aucune similitude, ni dans la forme, ni dans le fond. Qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ?


La campagne est en cours, mais les candidats ne sont pas sur le terrain ; ils ne sont pas allés en contact direct avec les populations, qui les attendent désespérément. A la place des meetings, beaucoup de candidats (Indépendants ou listes) ont préféré privilégié le porte à porte, une stratégie qui jadis servait juste d’appoint ou de complément.


Le porte à porte consiste pour les candidats à aller (très souvent nuitamment) rendre des visites de courtoisie, à leurs domiciles ou dans les vestibules ou encore sous l’arbre à palabre, aux chefs religieux et traditionnels, aux notabilités des quartiers, aux chefs de familles, aux voisins, aux parents, aux amis et proches, pour solliciter leur soutien.


Beaucoup de candidats sont rentrés directement « en campagne » ( ?) sans procéder à une cérémonie officielle de lancement. D’autres ont lancé leur campagne le week-end dernier. Un troisième groupe attend de franchir le pas, à cinq jours de la clôture de la campagne ? Alors, quand vont-ils clôturer ?


Un exemple concret de la morosité de la campagne électorale est fourni par la commune VI du District de Bamako. Là, 12 listes sont en lice : Cnid-Fyt, Adema-Pasj/Mpr/Urd, Rpm/Udd, Adpm/Psda, Fare-An ka wuli/Yelema, Liste Indépendants Nouveau Soleil, Um-Rda Faso Jigi, Prvm Faso Ko, Codem/Rpdm/Sadi, Apr, Umpc/Adp-Maliba et Pacp. A l’exception de l’Alliance Adema/Mpr/Urd, qui boucle aujourd’hui par Djanéguela, sa tournée dans les dix quartiers de la commune, aucune liste n’a pas réellement battu campagne. Chaque liste a un fief bien déterminé (une partie d’un quartier, ou le voisinage des candidats ou les grins les plus fréquentés…) où les candidats ont concentré leurs efforts. C’est dire qu’il y a des candidats qui ne sont connus que dans leur propre entourage et qui risquent d’avoir juste un vote familial. Ce qui fait légitimement croire aux gens que dans cette commune, les populations ne voteront pas le 15 décembre pour le second tour.


Par orgueil ou par opportunisme
Pourquoi alors autant de peine pour un échec essuyé d’avance ? La politique a ses raisons que la raison elle-même ignore.


Les candidats approchés par rapport à la morosité de la campagne expliquent la situation par le manque de moyens financiers. Le montant dérisoire de la caution (50 000 FCFA) incite de plus en plus de Maliens à tenter l’aventure, sans se préoccuper des moyens de leur ambition.
Autre explication : des candidats qui n’ont pas été retenus par leur parti ont préféré rendre le tablier et se présenter par orgueil ou par opportunisme alors qu’ils n’ont pas les moyens nécessaires pour faire face aux charges de la campagne.

Dans la campagne législative actuelle, on rélève une autre anomalie de taille : les promesses faites aux citoyens lors des (rares) meetings ou lors des passages à la télé des messages des candidats. Le député est certes élu dans une circonscription, mais il demeure un élu national. Par contre, il n’est pas bien séant qu’il fasse des promesses ou répondent favorablement à des doléances d’envergure communale ou local. « Tout mandat impératif est nul », dit la Constitution malienne. Or, depuis le début de la campagne, on entend les députés promettre de curer les caniveaux, de construire des routes au lieu de s’engager à initier des projets de lois dans divers domaines socioéconomiques afin d’améliorer les conditions des Maliens.


Me Demba Traoré, candidat de l’Urd au sein de l’Alliance Adema-Pasj/Mpr/Urd, ne rejette pas les doléances des populations lors des rencontres dans les quartiers, mais il les recadre (diplomatiquement) dans le cadre de l’appui aux maires et de la collaboration avec ceux-ci. Auparavant, il aura soigneusement décliné les missions et le rôle d’un député. C’est aussi facile que ça.

Les présidents à la rescousse
En outre, face à la caméra, pour l’enregistrement de leurs messages de campagne, la plupart des candidats passent à côté du sujet ; ils vont du coq à l’âne et déroulent des mots et des expressions sans suite. Ils se présentent avec n’importe quel accoutrement, adoptent n’importe quelle position et se perdent en conjectures.


Face à cette débâcle honteuse, les directions des partis ont re (pris) les choses en main. Pour rectifier le tir. Pour redresser les bourdes commises par leurs candidats. Pour faire passer les vrais messages, les messages captivants, les messages hypnotisants. Ils louent les services d’une agence de communication pour enregistrer et diffuser les éléments ou bien le président du parti (à l’image de Soumaïla Cissé et Choguel Kokalla Maïga) intervient directement.
D’autres présidents de parti vont plus loin pour parer au plus pressé sous la forme d’un soutien déguisé à leurs candidats. Ils se substituent carrément à ceux-ci pour éviter qu’ils ne commettent des gaffes. Exemple plausible : le vendredi 15 novembre, c’est Cheick Modibo Diarra, ancien Premier ministre et président du Rpdm, qui a sauvé, en personne, les meubles lors du lancement de la campagne du candidat du Rpdm en commune III, Baby Diarra. Ce jour là, les populations de Darsalam ont admiré la maîtrise de la langue bamanankan de ce Ségovien bon teint.


Modibo Sidibé a préféré sillonner le pays pour assister « ses » candidats. Ainsi, le candidat des Fare An ka wuli à la Présidentielle 2013, a fait les étapes de Yanfolila, Kouala et Bougouni. Hier, dimanche, il a rallié Bamako pour continuer sur Yélimané et Kayes. Sur le chemin du retour, il fera escale à Kita et Bafoulabé. Mercredi matin, Modibo Sidibé enjambera Bamako pour attaquer Ségou et Mopti. Il bouclera la boucle le jour de la clôture par Bamako, en commune Vi et en commune III. C’est dire que les présidents de parti ont bouché certains trous et éviter le spectacle à certains de leurs candidats.


Dernière grosse frayeur à redouter : la configuration morale et la qualité des débats de la future Assemblée. Le visuel physique des candidats qu’on voit sur les petits écrans, la teneur de leurs propos, le peu d’élégance et de personnalité qu’ils dégagent, les poursuites judiciaires qui planent sur les têtes de certains et la moralité douteuse d’autres, sont autant d’éléments qui ne sont pas de nature à rassurer. Au contraire…

Sékou Tamboura

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