La paix est revenue au Mali, les autorités politiques et leurs partenaires sont à pied d’œuvre pour faciliter le retour de nos compatriotes, qui se sont refugiés dans les pays frontaliers. Aujourd’hui, grâce à la sensibilisation en cours, plusieurs milliers d’entre eux sont rentrés chez-eux, mais toutes les conditions ne sont pas réunies pour leur insertion socioprofessionnelle. Ces populations, pour la plupart, ont tout perdu et demandent inlassablement l’assistance de l’Etat et des organismes humanitaires. C’est le cas Alhassane Ag Mossa, refugié au Burkina avec toute sa famille, mais de retour depuis quelques jours dans sa localité de Haribomo, dans le cercle de Gourma Rharous.
HarberL’Enquêteur: Monsieur Alhassane bonjour, vous êtes de retour aujourd’hui chez vous, après une année d’exil au Burkina, quel sentiment vous anime ?
Alhassane Ag Mossa : ce qui m’anime aujourd’hui, c’est un sentiment de joie et de soulagement, car rien ne vaut chez-soi. Nous sommes très heureux de retrouver nos terres même si nous avons perdu tous nos animaux et biens. L’exil est une chose qu’il ne faut pas souhaiter, même à son ennemi. Dans un camp de refugiés, vous n’êtes rien, car vous n’êtes personne. Votre identité, votre culture et toute votre personnalité sont ignorées. Vous vivez à la merci de dons, de pitié et de la charité du monde. Vous vous sentez inutile et à la limite vous êtes un parasite. Dans cette situation, vous ne pouvez même pas regarder les siens dans les yeux, car ce sont d’autres qui les nourrissent à votre place. Aujourd’hui, Dieu merci, la crise est terminée. Vous n’imaginez pas la joie que ça fait de rentrer chez-nous, même les mains vides.
L’Enquêteur: Racontez, nous l’atmosphère dans votre
camp de refugiés ?
A.A.Mossa : vous savez, quand on est arrivé au Burkina, au début c’était un vrai désordre, après les autorités burkinabés ont pris des dispositions avec le HCR et la Croix rouge pour nous assister. Ils nous ont donné des tentes et des médicaments.
Ils ont ensuite procédé à des distributions gratuites de céréales; ce qui nous a permis de vivre un peu dignement. Nous étions avec femmes et enfants. Avec ces aides, nous avons pu tenir pendant tout ce temps, mais dans la consternation et l’amertume. Dans le camp, ce sont des gens venus d’un peu partout des régions du nord et presque toutes les ethnies du Mali. L’atmosphère était très détendue. On a cohabité ensemble depuis et sans incident majeur.
L’Enquêteur: Vous êtes revenu chez-vous. Est-ce que toutes les conditions sont réunies pour un « revivre » ensemble ?
A.A.M : Dire que toutes les conditions sont réunies serait trop dire. On a certes répondu à l’appel des autorités à rentrer chez nous. Mais, on est tellement pressé de rentrer chez nous que, sans conditions, nous sommes revenus. On manque de tout et on est sans travail, sans bétail, rien. Les organisations internationales nous ont promis assistance et soutien. On attend de voir; sinon, à ce jour rien ne va. Mais le vrai problème réside dans le fait que parmi nous certains se sont ralliés aux occupants et leur retour parmi nous ne serait pas chose aisée. On veut bien les accepter mais, il y a certaines choses qui sont au-dessus de nos forces. On peut pardonner, mais qu’on ne nous demande pas l’impossible.
Il va être très difficile d’accepter ces gens-là parmi nous. On verra bien, jusqu’où nos cœurs vont supporter la présence de ces gens. On ne va pas faire une chasse aux sorcières, mais il faut que le minimum de justice soit rendu.
L’Enquêteur : Avez-vous un message ?
A.A.M : je veux dire aux nouvelles autorités de tout mettre en œuvre pour nous aider à reconstituer notre bétail perdu et à assumer ses responsabilités de sécurisation de nos localités. Quant aux organismes internationaux, nous leur demandons de respecter leurs promesses en nous assistant. Je remercie les burkinabés pour leur hospitalité et demande à tous nos frères qui sont encore dans les camps, de rentrer chez eux.
Entretien réalisé par Harber Maïga et traduit par Mohamed Almouloud