Des décisions complexes et difficiles à cerner. Des attitudes «bourgeoises» des membres du gouvernement qui ne vont nullement dans le sens du «Mali d’abord» ! On comprend alors le désespoir des Maliens qui ont sans doute boudé les urnes en signe de «carton jaune» à IBK et à son gouvernement de «néo-bourgeois» !
Selon des analystes, les élections législatives doivent consolider le processus de retour à l’ordre constitutionnel démocratique dans le pays. C’est un enjeu fondamental, puisque la nouvelle Assemblée nationale doit se montrer à la hauteur des enjeux de la situation actuelle du Mali qui fait face à un risque réel de partition et d’occupation. Elle doit jouer un rôle central dans la mise en œuvre des reformes institutionnelles et politiques qui sont inévitables, si nous voulons refonder un nouvel Etat. Il y a plusieurs chantiers comme la révision des textes fondamentaux notamment la Constitution, la Charte des partis, le Code électoral, la résolution de la crise du Nord… Sans oublier que l’Assemblée nationale doit rétablir l’image d’une institution crédible au service des populations et qui contrôle efficacement l’action gouvernementale.
Malgré cet enjeu assez important pour notre pays, nos concitoyens ont eu peu d’enthousiasme pour ces élections. Et cela pour plusieurs raisons. D’abord, les alliances contre-nature ont déçu le peuple. On l’a bien vu, ce sont des alliances sans principe qui se sont nouées entre les partis que tout devait opposer. C’est ainsi que l’on voit des alliances se nouer dans plusieurs circonscriptions électorales entre le Rpm (parti du président IBK) et l’Urd (Parti de son adversaire Soumaïla Cissé). L’alliance entre une fraction de l’Adéma-Pasj dite l’Adéma rénovée, en rupture de ban avec la direction exécutive du parti et restée fidèle à Dramane Dembélé (arrivé en troisième position à la présidentielle) avec le Rpm ou avec l’Urd dans certaines grandes localités du pays. Les adversaires d’hier se transforment en alliés d’aujourd’hui. Cela, dans une confusion politique et idéologique qui désoriente le citoyen. Au niveau de la plupart des directions des partis politiques, les candidatures peuvent figurer sur les listes qui se monnayent à coups de millions. C’est la foire d’empoigne, les débauchages et les défections de tous genres, les positionnements politiciens, les renversements d’alliance dans l’objectif d’être dans le prochain gouvernement pour aller à la soupe. Au niveau de certains partis, pour être candidat aux législatives, il faut débourser 5 à 10 millions de FCfa à titre de caution non remboursable.
Ensuite, les Maliens sont déçus, très déçus même. Ils savent que leur vote n’a que très peu d’impact sur les rapports de force dans la future assemblée nationale car, quoi que l’on fasse, ils seront nombreux, ces partis à s’allier avec la mouvance présidentielle pour être aussi présents dans l’exécutif. Car, pour la majorité d’entre eux, ne pas être présents dans le gouvernement, c’est se condamner à la léthargie ; c’est se priver de sources abondantes de financement de leurs activités politiques. Ils sont convaincus que leurs bulletins ne pourront pas empêcher ce Parlement d’être une chambre d’enregistrement.
Car, la classe politique qui, après la longue crise que le Mali vient d’endurer, ne semble pas toujours comprendre que les Maliens attendent un autre discours politique, une autre attitude, une certaine maturité dans la vision politique. Hélas, elle a encore brillé par l’achat des consciences et les discours démagogiques. En aucun moment, nous n’avons entendu un candidat dire qu’il souhaite se faire élire pour réellement représenter ce peuple avide de changement. Oui, le représenter, c’est s’engager à contraindre l’exécutif à prendre les mesures d’urgence pour le soulager, pour améliorer son quotidien avec des prix à la hauteur de son pouvoir d’achat, à assurer l’avenir de ses enfants par une gestion rigoureuse et apolitique de l’école…
Nos politiciens ne s’occupent en fait que de leurs ventres. Une fois élus à l’Assemblée nationale, ils pourront aisément s’enrichir et obtenir un retour sur investissement, parce que les partis sont devenus des groupements d’intérêt économique (GIE). Les seuls critères de choix des candidats portent sur leurs capacités financières. Les valeurs morales et philosophiques qui devaient fonder l’identité des partis sont superbement foulées aux pieds. Rares sont ceux qui travaillent autour des critères d’intégrité, d’engagement, de compétence et de légitimité pour faire le choix des hommes. Or, dans un pays en proie à une crise morale comme le nôtre, les partis politiques doivent jouer un rôle décisif pour magnifier l’idéal collectif et récupérer la marche historique de notre pays.
Nos politiciens, pour être efficacement au service du peuple, doivent accepter de renoncer aux délices du pouvoir pour aller dans l’opposition. Hélas, ce n’est pas le scénario qui se dessine pour le moment. Et les électeurs l’ont sans doute compris. «A l’Assemblée nationale, les élus sont incapables de traduire les préoccupations du peuple en textes concrets. Comme pendant le parti unique, c’est une caisse de résonnance», fulmine un habitant de la Commune VI du District de Bamako, pour justifier son choix de bouder les urnes.
Et à un taximan qui amenait notre équipe de reportage dans certains bureaux de vote de nous dire : «Moi, désormais, je ne voterai pour qui que ce soit. Ils sont tous (politiciens) des menteurs. Ils cherchent leurs intérêts personnels. Moi je cherche le mien. Si je dois voter, je vais voter pour mon taxi, car c’est mon président ; c’est lui mon député ou mon maire puisque c’est lui qui me donne à manger chaque jour…».
A une jeune dame d’enchaîner : «Ce n’est pas raisonnable de dire déjà qu’IBK a échoué. C’est en tout cas aller vite en besogne. Mais, ce qui est réaliste, c’est que ses premiers actes ne sont pas allés dans le sens des attentes de la majorité des Maliens qui l’ont porté à Koulouba. Non seulement sa gestion actuelle de la crise du nord déçoit de plus en plus, mais le mal vivre des Maliens à tendance à s’accentuer. Rien ne bouge. Ce n’est pour cela que nous l’avons élu».
Ces quelques paroles de nos interlocuteurs montrent à quel point les Maliens sont très remontés. En attendant de remettre en exécution leur boycott lors du 2ème tour des législatives et des communales à venir.