BAMAKO - Le général Amadou Sanogo, auteur du putsch de mars 2012 ayant précipité le Mali dans le chaos, a été interpellé mercredi à Bamako et entendu par le juge chargé d’enquêter sur des exactions attribuées à l’officier et ses hommes.
Plusieurs dizaines de soldats maliens armés ont pénétré au domicile du général Sanogo, dans le centre de Bamako, avant de le faire monter à l’arrière d’un véhicule, a constaté un journaliste de l’AFP.
"Il ne voulait pas se rendre devant la justice, nous venons donc d’exécuter un mandat d’amener" du magistrat, a déclaré un militaire sur les lieux.
Le général Sanogo a ensuite été interrogé par le juge d’instruction Yaya Karembe dans une école de gendarmerie de la capitale malienne, selon le journaliste de l’AFP.
Une perquisition a aussi été menée à son domicile, selon une source judiciaire qui a précisé que la justice recherchait "des éléments pour faire avancer l’enquête sur des faits assez graves qui sont reprochés au général".
Ancien capitaine promu général en août, il avait été convoqué fin octobre par le juge Karembe mais ne s’était pas présenté, ce qui avait provoqué l’indignation de plusieurs partis politiques et organisations de la société
civile.
Début octobre, d’anciens compagnons de Sanogo avaient mené une mutinerie à Kati, son ancien quartier général situé à 15 km de Bamako, pour réclamer eux aussi des promotions, obligeant l’armée régulière à intervenir pour reprendre le contrôle des lieux.
Des proches de Sanogo sont soupçonnés d’avoir sévi contre ces soldats qui s’étaient alors opposés à lui.
Mi-octobre, des familles de militaires avaient affirmé avoir découvert dans la caserne de Kati et ses alentours les corps d’au moins trois de leurs parents soldats.
Dans les mois suivant le coup d’Etat du 22 mars 2012, Kati avait déjà été le lieu de nombreuses exactions commises contre des militaires considérés comme fidèles au président renversé, Amadou Toumani Touré.
Des hommes politiques, des journalistes et des membres de la société civile ont également été victimes des brutalités des putschistes.
Il y a une semaine, le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR), coalition de partis et d’organisations qui s’étaient opposés au coup d’Etat, s’était déclaré "profondément indigné" que le général Sanogo ne réponde pas à une convocation de la justice.
"Maître absolu" à Kati
"Depuis plusieurs semaines, le capitaine Sanogo multiplie les manoeuvres dilatoires pour ne pas s’expliquer sur les graves crimes commis à Kati du temps où il y régnait en maître absolu", écrivait le FDR.
Le FDR se disait "choqué par la complaisance" montrée par "le gouvernement à l’égard du capitaine Sanogo qui donne l’impression d’être intouchable".
Le coup d’Etat avait précipité la chute du nord du Mali aux mains de groupes islamistes armés, qui ont occupé cette région pendant neuf mois avant d’en être en partie chassés par une intervention militaire internationale initiée par la France en janvier 2013 et toujours en cours.
La promotion au grade de général d’Amadou Sanogo, alors capitaine, a été l’une des dernières décisions prises par le président malien de transition, Dioncounda Traoré, juste après l’élection le 11 août d’Ibrahim Boubacar Keïta.
Amadou Sanogo, à qui avait été accordé le statut "d’ex-chef d’Etat" après le putsch, est depuis tombé en disgrâce: il a été démis de ses fonctions à la tête d’un comité chargé de réformer l’armée et contraint de quitter Kati, où l’armement dont il disposait a été confisqué par l’armée.
Après la mutinerie d’octobre, le président Keïta avait promis dans un discours à la Nation que "Kati n’allait plus faire peur à Bamako".
Le capitaine Sanogo avait justifié le coup d’Etat de mars 2012 par l’incapacité d’un Etat corrompu à lutter contre la montée des périls dans le nord du Mali - groupes jihadistes et criminels, rébellion touareg...
Mais la région n’a fait que s’enfoncer dans le chaos jusqu’à l’intervention des armées française et africaines et le dirigeant putschiste n’y a jamais lui-même combattu l’occupation islamiste.
Au bout d’à peine deux semaines, Sanogo avait dû rendre le pouvoir à des civils sous la pression internationale mais il gardait une forte capacité de nuisance à Bamako.